Choqué, Mgr Fulgence Muteba exige une enquête

* Excepté la visite de consolation que lui a rendue le Gouverneur du Haut-Katanga,  déplore Mgr Muteba,  les services étatiques sont silencieux et indifférents.

C’est un Mgr Fulgence Muteba Mugalu, archêveque métropolitain de Lubumbashi révolté,  » choqué, indigné et consterné  » à la suite de l’irruption impromptue dans  sa résidence officielle et de l’inspection tout aussi condamnable de la cathédrale Saints Pierre et Paul de Lubumbashi, chef-lieu de la province du Haut-Katanga par un escadron armé jusqu’aux dents dans la matinée du vendredi 24 février 2023. Par conséquent, il  » exige des réponses claires à toutes les questions et inquiétudes suscitées par la présence de l’escadron armé à sa résidence et à la cathédrale saints Pierre et Paul. En clair, il demande avec insistance qu’une enquête soit diligentée et ses résultats rendus publics « . D’où  ce mémorandum qu’il a adressé le 06 mars courant aux pouvoirs publics et aux institutions du pays pour condamner avec la dernière énergie cette flagrante violation du domicile et du iieu de culte.

Ce peloton lourdement armé s’y est présenté sans ordre de mission le vendredi 24 février dernier. Après s’être introduits de force dans l’archevêché par la réception,  ces militaires conduits par un colonel, se sont mis à inspecter de fond en comble ce haut lieu sacré, tout en posant  » des questions fort gênantes au curé de la cathédrale« . Compte tenu de cette flagrante violation du domicile et du lieu de culte,  Mgr Fulgence Muteba  exige entre autres, que lui  » soit communiqué le (s) nom (s) du (ou des) commanditaires et le motif réel de cette incursion criminelle « ,  » des excuses publiques des auteurs de ces actes délictueux « ,  » des sanctions exemplaires à l’encontre de ces hommes de troupe, qui ternissent l’image de notre armée et de notre pays « ,  » des garanties de sa sécurité personnelle et de celle de son personnel « 

Ce que l’Administrateur apostolique de Kamina appelle escadron armé qui a envahi sa résidentielle officielle et la cathédrale Saints Pierre et Paul de Lubumbashi, c’est un groupe de douze hommes robustes se déclarant de la Garde républicaine qui s’amènent dans un convoi de douze véhicules des militaires armés jusqu’aux dents dans la matinée du 24 février dernier. Plusieurs d’entre eux  » sont chargés du matériel militaire de communication destiné au champ de bataille « .

Ils vont tenter de s’introduire par la force dans l’enceinte de l’Archevêché e, tapant violemment sur la grille de l’entrée officielle. Sans succès car butés à la résistance de l’équipe de gardiennage commise à la sécurité du lieu.

L’escadron armé  insiste pour accéder au bureau de Mgr Fulgence Muteba. Sans succès. Mais il va finalement parvenir à accéder à la réception par la petite porte. Une fois à l’intérieur, ces militaires, dont deux de race blanche s’exprimant en anglais, et un interprète congolais commis à la Président de la République à Kinshasa, seront conduits au Centre pastoral Mgr Jean-Pierre Tafunga.

Ces visiteurs indésirables dépourvus d’ordre de mission vont prétendre faire partie de l’équipe d’avance du président de la République et qu’ils seraient venus dans la capitale cuprifère pour prendre des dispositions sécuritaires en vue d’une manifestation religieuse devant avoir lieu à la cathédrale Saints Pierre et Paul de Lubumbashi au cours d’un séjour projeté du chef de l’Etat dans cette province. Une manifestation dont Mgr Muteba, le curé de la cathédrale les services compétents de la province ou de la ville n’ont la moindre idée !

De là, ces visiteurs armés vont se rendre à la cathédrale. Qui sera inspectée de fond en comble sans le moindre respect du lieu de culte. Une inspection accompagnée des questions fort gênantes posées au curé de la cathédrale.

Aujourd’hui, l’archevêque métropolitain de Lubumbashi se pose mille et une questions après cette opération militaire menée par une douzaine de militaires sans ordre de mission. Que cache cette incursion militaire dans la résidence épiscopale, en violation de toutes les dispositions légales et protocolaires classiques, accompagnée d’intimidation, d’insolence.

Ces actes, souligne Mgr Fulgence Muteba, sont condamnables par la Constitution, en ses articles 12, 16, 52, 60.

Il se dit, par conséquent, victime d’une discrimination au plan sécuritaire et d’une injustice flagrante. Victime d’une double violation flagrante, Mgr Muteba se demande où est passée la justice ainsi que l’Accord-cadre entre le Saint-Siège et l’Etat congolais. Alors que le décret n°22/26 du 17 juin 2022 du Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde en a fixé les modalités et mesures d’application. L’article 1 de cet Accord-cadre stipule  » L’Eglise catholique et l’Etat sont, chacun dans son domaine, souverains, indépendants et autonomes, et déclarent s’engager, dans leurs relations à respecter ces principes et à œuvrer ensemble pour le bien spirituel, moral, social, culturel et matériel de la personne humaine, ainsi qu’en faveur de la promotion du bien commun « . Tandis que son article 6, parag.2 dispose que la RDC  » assure l’inviolabilité des lieux de culte : églises, chapelles, cimetières et leurs dépendances « .

D’où, conclut-il,  » l’inspection de la cathédrale par les membres de l’escadron est d’une gravité.  »  Et « logiquement ce lieu sacré ne peut être soumis à une inspection dégradante sans risque de violation de la loi, voire de profanation « .

Pour l’Archevêque métropolitain de Lubumbashi et Administrateur apostolique,  »  ce qui est arrivé le 24 février 2023 ne peut donc nullement se justifier et constitue, incontestablement, une grave infraction  »  qui cache quelque chose de louche. Kléber KUNGU

MEMORANDUM ADRESSE AUX POUVOIRS PUBLICS ET AUX INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE SUR LA PRESENCE D’UN ESCADRON ARME A L’ARCHEVECHE ET A LA CATHEDRALE SAINTS PIERRE ET PAUL DE LUBUMBASHI, LE VENDREDI 24 FEVRIER 2023

PREAMBULE

Dans la matinée du 24 février 2023, un escadron lourdement armé se réclamant de la Garde républicaine a envahi ma résidence officielle, sise au numéro 852 de l’Avenue Kapenda au Centre-ville de Lubumbashi dans le Haut-Katanga. Ce peloton a également inspecté systématiquement la cathédrale Saints Pierre et Paul. Sans Ordre de mission, neuf de ces hommes de troupe aguerris, parmi lesquels deux personnes de race blanche ne s’exprimant qu’en anglais, ont semé un climat de terreur à l’Archevêché et se sont mis à ma recherche. Manifestement, ils avaient une obscure mission dont j’ignore l’objet.

Tout bien considéré, en plus de me livrer à l’insécurité, cette double violation flagrante de domicile et d’un lieu de culte est fondamentalement contraire aux droits élémentaires de la personne humaine et à la liberté religieuse reconnus par la Constitution de la République. Elle est surtout contraire à la lettre et à l’esprit de l’Accord-cadre sur des matières d’intérêt commun, signé à la Cité du Vatican le 20 mai 2016 entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo1. Par son Décret n° 22/26 du 17 juin 2022, le Premier ministre Jean-Michel SAMA LUKONDE a formellement fixé les modalités et les mesures d’application dudit Accord.

Choqué, indigné et consterné par la banalisation de ces actes délictueux par ses auteurs et par le silence manifestement gênant de leur hiérarchie ; intrigué par l’indifférence qu’affichent les pouvoirs publics ayant dans leurs attributions régaliennes la sécurité et la protection des citoyens ; étant moi-même, par convictions, farouchement opposé à la culture de résignation, hélas très courante dans notre milieu ambiant, j’adresse le présent mémorandum aux pouvoirs publics afin d’élucider et d’avoir des explications sur ces faits insolites et injustifiés témoignant d’un grave fléau qui gangrène notre société.

BREVE DESCRIPTION DES FAITS GRAVES DU VENDREDI 24 FEVRIER 2023

Incursion impromptue d’un escadron armé au palais épiscopal de Lubumbashi

Dans la matinée du vendredi 24 février 2023, un convoi de douze véhicules des militaires armés jusqu’aux dents, se déclarant de la Garde républicaine, a stationné en face de l’Archevêché de Lubumbashi. Neuf hommes robustes, dont quelques-uns avec le dos chargé du matériel militaire de communication destiné au champ de bataille, ont tenté de s’introduire par la force dans l’enceinte de l’Archevêché en tapant violemment sur la grille de l’entrée officielle. S’étant heurtés à la résistance de l’équipe de gardiennage commise à la sécurité du lieu, ils ont vite gagné la réception par la petite porte et, sans tarder, ont demandé avec insistance d’accéder à mon bureau de travail. Ne sachant où se trouvait exactement l’hôte recherché, armes en mains, indexes sur la gâchette, trois de ces hommes armés ont pris position dans le couloir qui mène à mon bureau.

Prévenu par madame la réceptionniste, un des prêtres qui se trouvait en réunion dans une pièce du palais épiscopal est venu à leur rencontre. Après un court échange sur la raison de leur présence, il les a conduits au Centre pastoral Monseigneur Jean-Pierre TAFUNGA situé juste à          côté pour les distraire, le temps de comprendre ce qui se passait. Cet étrange escadron, manifestement chargé d’une mission obscure, était piloté par un Colonel s’exprimant en langue swahili, escorté par six hommes en uniformes serrant leurs armes de guerre contre leurs poitrines, deux hommes de race blanche parlant uniquement anglais et un interprète congolais commis à la Présidence de la République à Kinshasa. En se rendant au Centre pastoral, bien entendu à contrecœur, le fameux Colonel a revu les gardiens commis à la sécurité de l’Archevêché qui lui ont refusé l’entrée des véhicules militaires. Le visage fermé, il ne s’est pas empêché de laisser éclater sa vive colère et a menacé de tirer sur eux.

A la question de savoir pourquoi ils cherchaient mon bureau, ces visiteurs indésirables sans ordre de mission ont prétendu qu’ils faisaient partie de l’équipe d’avance du Président de la République. Ils ont précisé qu’ils seraient venus à Lubumbashi prendre des dispositions sécuritaires en vue d’une manifestation religieuse qui aura lieu à la cathédrale Saints Pierre et Paul de Lubumbashi au cours d’un séjour projeté du Chef de l’Etat dans le Haut-Katanga. Toutefois, de cette curieuse manifestation, ni moi-même, ni le curé de la cathédrale, ni les services compétents de la Province ou de la ville n’en avons la moindre idée. Les étranges visiteurs se sont alors amenés à la cathédrale.

Inspection indue de la cathédrale Saints Pierre et Paul

Ces hommes armés ont demandé d’entrer dans la cathédrale. Le curé de ce haut lieu sacré leur a demandé de brandir leur ordre de mission, qu’ils n’avaient pas. Ils ont insisté pour accéder à tout prix à la cathédrale. Le prêtre a cédé, croyant qu’ils avaient mon autorisation. Sans le moindre respect dû à un lieu de culte, ils ont inspecté la cathédrale de fond en comble, de la sacristie au jubé, en passant par le chœur et la nef. Tout au long de cette inspection impromptue, ils n’ont cessé de poser des questions fort gênantes au curé de la cathédrale.

L’ARBRE CACHERAIT-IL LA FORET ?

Pour tenter de comprendre le spectacle hideux à l’Archevêché et à la cathédrale Saints Pierre et Paul ce vendredi 24 février 2023, rien ne me paraît plus suggestif que cette métaphore de  »    l’arbre qui cache la forêt « . Cette opération militaire serait-elle l’arbre cachant la forêt ? Sans céder à la tentation dans le piège des accusations gratuites, je considère que cette question vaut son pesant d’or.

Le nombre de véhicules ayant débarqué à l’Archevêché, douze au total, le comportement guerrier d’hommes qui en sont descendus et ont pénétré brutalement dans la résidence épiscopale, la technique d’invasion du lieu mise en œuvre ne laissent-ils pas augurer quelque chose d’étrange ? Sans négliger la curieuse présence de deux personnes de race blanche, à tout cela s’ajoutent, bien entendu, le non-respect délibéré de toutes les dispositions protocolaires classiques, l’absence d’un ordre de mission, l’intimidation, l’insolence affichée par ces soldats, le type d’armes de guerre et d’appareils de communication sur chacun d’eux, etc. Cette incursion criminelle est-elle un arbre qui cacherait la forêt ? A l’analyse, ne rappelle-t-elle pas cette célèbre formule latine :  » latet anguis in herba « ?

UNE FLAGRANTE VIOLATION DU DOMICILE ET DU LIEU DE CULTE

L’invasion militaire de l’Archevêché et l’inspection irrespectueuse de la cathédrale Saints Pierre et Paul constituent une double violation : celle du domicile et celle d’un lieu de culte. Cette double infraction est condamnable par les lois de la République. Plus grave, elle est fondamentalement contraire à l’Accord-cadre dûment signé entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo.

Des faits condamnables par les lois de la République

Les événements déplorables de ce vendredi 24 février à l’Archevêché sont, à plusieurs égards, condamnables du point de vue de la loi fondamentale qu’est la Constitution de la République Démocratique du Congo et de la loi pénale congolaise.

Notre Constitution stipule que  » Toute personne a droit à la vie, à l’intégrité physique  » (Article 16). Je tiens à signaler que le peloton armé s’est rendu à l’Archevêché sans rendez-vous préalable et sans respecter les dispositions protocolaires d’usage. Il a pénétré dans ma résidence officielle sans aucune autorisation, sans me prévenir, sans requérir mon consentement, munis d’armes de guerre et du matériel de communication propre au champ de bataille, sans déclarer le motif réel de cette incursion impromptue, en menaçant au passage le personnel commis à ma sécurité. Naturellement, je suis en droit de savoir pourquoi.

Par ailleurs, la présence de ces hommes armés dans ma résidence, sans mon consentement préalable, est incontestablement une atteinte à l’inviolabilité du domicile privé et donc une infraction à la loi. Le climat de terreur qu’ils ont semé dans ma résidence a traumatisé tous les occupants. C’est, sans plus ni moins, une atteinte à la paix et à la sécurité dont on peut imaginer les conséquences psychologiques. Notre Constitution ne déclare-t-elle pas que  » tous les Congolais ont droit à la paix et à la sécurité  » (Article 52)?

Considérant le déploiement spectaculaire en ma résidence de cet escadron lourdement armé, au regard des menaces proférées à mes agents de sécurité, on croirait à une expédition punitive des forces de sécurité pour appréhender un brigand ou un hors la loi. Or, je ne suis pas un truand. Aussi je crois fermement que  » le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés dans la Constitution s’impose aux pouvoirs publics et à toute personne  » (Article 60).

De la discrimination au plan sécuritaire et de l’injustice

Au regard de ce qui s’est passé pendant et après cette incursion criminelle, je me considère avoir été victime d’une discrimination au plan sécuritaire et d’une injustice flagrante. Des hommes en armes ont opéré chez moi, en plein jour, sans aucun document légal. En revanche, je n’ai bénéficié d’aucune assistance de la part des pouvoirs publics. Etrangement, malgré la gravité des faits et la sonnette d’alarme tirée par les médias de tous bords, jusqu’à présent aucune enquête n’a été diligentée par les services de sécurité. Aussi curieux que cela puisse paraître, aucune disposition n’a été prise par les institutions compétentes pour localiser, identifier et interroger ces hommes d’armes. C’est à peine que j’ose croire que  » Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois  » (Article 12). De même, je me demande où est la justice dont se prévaut la République Démocratique du Congo ?

Une double violation flagrante contraire à l’Accord-Cadre entre le Saint-Siège et l’Etat congolais

D’emblée, il faut noter qu’il existe depuis peu un Accord-cadre, de facture internationale, régissant les relations entre l’Eglise catholique en République Démocratique du Congo et l’Etat congolais. Le décret N°22/26 du 17 juin 2022 du 1er ministre Jean-Michel SAMA LUKONDE en a fixé les modalités et mesures d’application. De ce fait, il me semble que tout service étatique comme l’armée, Garde républicaine soit-elle, est supposé connaître le contenu de cet Accord et son caractère contraignant quant à son application. Il ne faut surtout pas s’amuser à prendre cet Accord à la légère. En effet, dit notre Constitution,  » les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie  » (Article 215).

Comme stipulé dans cet Accord-cadre, il est utile de rappeler avec insistance qu’en vertu du principe de laïcité et de la liberté religieuse,  » l’Eglise catholique et l’Etat sont, chacun dans son domaine, souverains, indépendants et autonomes, et déclarent s’engager, dans leurs relations, à respecter ces principes et à œuvrer ensemble pour le bien spirituel, moral, social, culturel et matériel de la personne humaine, ainsi qu’en faveur de la promotion du bien commun  » ( Article 1 de l’Accord-cadre). Je ne puis donc pas m’imaginer que, sans agenda caché, des hommes armés s’amènent bonnement dans une institution catholique, comme dans un champ de bataille, et donnent un spectacle inouï comme celui auquel on a assisté à l’Archevêché et à la cathédrale de Lubumbashi le vendredi 24 février 2023. La nature de cet agenda occulte mérite d’être connue.

J’en viens maintenant à la révoltante inspection de la cathédrale Saints Pierre et Paul. Point n’est besoin de rappeler que ce lieu sacré est chargé d’un symbolisme et d’une signification tels qu’on ne peut y permettre une quelconque aventure. Pour tout dire, cette cathédrale est véritablement une icône pour le Katanga. Sa valeur religieuse, culturelle, architecturale et historique déborde la communauté catholique comme telle. La soumettre à un traitement peu élogieux, c’est blesser la conscience d’une multitude de personnes.

L’article 6, §2 de cet Accord-cadre dispose que la République Démocratique du Congo  » assure l’inviolabilité des lieux de culte : églises, chapelles, oratoires, cimetières et leurs dépendances « .

Le décret numéro 22/23 du 17 juin 2022 du Premier ministre susmentionné stipule explicitement et avec clarté que  » conformément à l’article 6 § 2, 3 et 4 de l’Accord-cadre, la République Démocratique du Congo assure, dans le cadre de sa législation, l’inviolabilité des lieux de culte, à savoir, églises, chapelles, oratoires, cimetières et leurs dépendants  » (Article 10 du décret du premier Ministre). Juridiquement, rien ne peut donc justifier ni la visite impromptue de l’Archevêché, ni l’inspection de la cathédrale. De toute évidence, nous sommes en face d’une atteinte impardonnable à la loi, somme toute condamnable et, en toute logique, punissable.

En outre, il est précisé que  » ces lieux de culte ne peuvent être destinés à d’autres usages, de façon permanente ou temporaire, que pour des motifs graves et avec l’accord explicite de l’Autorité diocésaine dont ils dépendent « . (§3 dudit Article). Dès lors, l’inspection de la cathédrale par les membres de l’escadron est d’une gravité évidente. Lieu de prière et du culte destiné au seul Dieu de Jésus Christ auquel les catholiques croient, ce patrimoine unique dans la ville de Lubumbashi et au Katanga est sous protection juridique garantie par l’Accord-cadre entre le Saint-Siège et la République Démocratique du Congo. Dès lors, logiquement ce lieu sacré ne peut être soumis à une inspection dégradante sans risque de violation de la loi, voire de profanation.

Cet Accord-cadre va très loin en prévoyant qu' » au cas où ces lieux de culte présenteraient des risques graves et avérés pour la sécurité des personnes et des biens, les Autorités civiles prendront toute mesure de protection nécessaire, à charge pour elles d’avertir le plus tôt possible les Autorités ecclésiastiques, c’est-à-dire l’Évêque du diocèse et la personne directement responsable de l’usage cultuel de l’édifice en question « . (§4 de l’Article 6). Malgré son âge centenaire, la cathédrale Saints Pierre et Paul ne présente aucun risque sur le plan sécuritaire.

L’irruption musclée des hommes de troupe armés jusqu’aux dents, sans autorisation, est d’autant plus surprenante et révoltante que la collaboration entre la CENCO et l’Etat congolais est garantie dans l’alinéa 2 de l’Article 19 de l’Accord-Cadre disposant que  » La Conférence Épiscopale Nationale du Congo et l’Etat congolais collaboreront, par des contacts réguliers, dans les matières d’intérêt commun et pour la clarification des questions relatives à leurs rapports réciproques, en particulier en ce qui concerne les activités des entités de l’Eglise catholique « . Malheureusement, le mode opératoire de l’escadron armé a foulé aux pieds toutes ces prescriptions juridiques. Il appert que ce qui est arrivé le 24 février 2023 ne peut donc nullement se justifier et constitue, incontestablement, une grave infraction  »ayant baleine sous gravillon ».

QUE CONCLURE ?

Je condamne avec la dernière énergie l’invasion de l’escadron armé dans ma résidence officielle et à la cathédrale. Attendu que la Garde républicaine dispose d’une chaîne de commandement dont elle est censée respecter les ordres et à laquelle elle est supposée obéir et rendre compte ; Vu que les membres de ce peloton armé ne m’ont jamais prévenu de leur visite dans mon domicile tout comme à la cathédrale et n’étaient munis d’aucun ordre de mission ;

Etant donné que la République Démocratique du Congo est supposée jouir du statut d’Etat de droit ;

Au regard des préjudices psychologiques résultant de l’irruption impromptue de ces hommes lourdement armés, assortie des menaces proférées au personnel commis à la sécurité de mon domicile ;

Ayant constaté avec amertume qu’à l’exception de la visite de consolation que m’a rendue monsieur le Gouverneur du Haut-Katanga, les services étatiques ayant la mission de veiller à la sécurité des personnes et de leurs biens se murent dans le silence et brillent par leur indifférence ;

j’exige avec fermeté :

1.    des réponses claires à toutes les interrogations et inquiétudes suscitées par la présence de l’escadron armé à ma résidence et à la cathédrale saints Pierre et Paul. En clair, je demande avec insistance qu’une enquête soit diligentée et ses résultats rendus publics ;

2.    que me soit communiqué le(s) nom(s) du (ou des) commanditaire(s) et aussi le motif réel de cette incursion criminelle ;

3.    la condamnation ferme de la part des autorités établies de cette opération militaire abusive et indue ;

4.    les excuses publiques des auteurs de ces actes délictueux ;

5.    des sanctions exemplaires à l’encontre de ces hommes de troupe, qui ternissent l’image de notre armée et de notre pays, afin que pareille forfaiture ne se répète plus ;

6.    des garanties de ma sécurité personnelle et de celle de mon personnel.

D’avance, au nom de ma foi catholique et en tant qu’évêque je pardonne à ces hommes de troupe. Toutefois, je les invite à profiter de ce temps de carême pour se convertir. En effet, Dieu ne veut pas la mort du méchant, mais plutôt sa conversion (Cf. Ez 18, 21).

Fait à Lubumbashi, le 06 mars 2023.

Monseigneur Fulgence MUTEBA MUGALU,

Archevêque Métropolitain de Lubumbashi Administrateur Apostolique de Kamina

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