A qui profite la tenue précipitée de la Conférence entre Katangais et Kasaïens?

Idée aussi géniale que généreuse, la table ronde sur la cohabitation entre Katangais et Kasaïens dans le Grand Katanga soulève déjà des questions et charrie des doutes. A la base de ce vent de scepticisme qui va crescendo, le sentiment qu’ont de plus en plus des Katangais de voir  l’option «palliatifs à court terme» l’emporter lors de ces assises sur l’impératif des solutions pérennes. Des franges importantes de l’opinion katangaise s’expliquent difficilement ce qui a tout l’air d’une précipitation dans l’organisation de cette grand-messe patriotique. Des voix qui comptent dans l’espace Katanga sont d’avis qu’il aurait fallu la tenue en amont du forum de réconciliation entre Katangais tel que l’avait proposé l’archevêque métropolitain de Lubumbashi. Lors des obsèques de feu Kyungu wa Kumwanza, l’une des icônes du Katanga , Mgr Fulgence Muteba avait émis le vœu de voir les fils filles du Katanga se retrouver afin de laver les linges sales en famille . Initiative saluée par toutes les forces vives de l’espace katangais. Mise en perspective avec la table ronde annoncée par le chef de l’Etat, la démarche du primat de l’Eglise catholique locale  permettrait aux katangais de solder leurs comptes internes et d’apprêter leurs cahiers de charge à présenter et à défendre à l’occasion des assises pro cohabitation avec leurs compatriotes du Kasaï vivant au Katanga.

Cette dialectique si importante pour la réussite de la table ronde est en train d’être battue en brèche par la vitesse de croisière qu’impriment les tenants de l’impérium à la tenue des assises de Lubumbashi. Avec le risque cette barza intercommunautaire ressemble à une séquence politicienne où les bénéficiaires de rente de situation vont s’investir pour préserver leurs «acquis». Les vraies questions seront mises, telle la poussière, sous le tapis. Sacrifiées qu’elles seront sur l’autel des ambitions politiques des uns et   des calculs électoralistes des autres. La nécessaire cohabitation entre communautés katangaise et kasaïenne serait ainsi, ô comble de paradoxe,   la principale victime collatérale de cette politisation- ou instrumentalisation politicienne- du forum dont les prémices sont déjà perceptibles depuis hier à Lubumbashi. Pas besoin, dans ces conditions, d’être prophète de malheur pour prédire le flop d’une rencontre qui sera passée à côté de l’essentiel. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’après-table ronde risque bien de ressembler à l’avant table-ronde.   

FDA   

Quid du forum proposé par Mgr Fulgence Muteba?

Mgr Fulgence Muteba Mugalu, archevêque métropolitain de Lubumbashi, a annoncé la tenue prochaine d’un forum qui réunira tous les leaders katangais. Il s’agit, pour lui, de pousser les filles et les fils du Katanga, toutes tendances confondues, à s’asseoir ensemble pour regarder dans la même direction, à se dire la vérité en vue d’aboutir à une réconciliation dans la vérité.

Voilà qu’au moment où cette rencontre visant l’unité et la réconciliation des Katangais n’a pas encore eu lieu, le Gouvernement  annonce une table-ronde, mieux la Conférence sur la problématique de l’exode migratoire. Ce qui est loin d’être une mauvaise initiative. Au contraire. Tout le problème, cependant, la tenue de cette conférence annoncée dans la précipitation.

Vu des analystes indépendants, la Conférence sur la problématique de l’exode migratoire devrait, en principe, se tenir après le forum des Katangais. En effet, l’organisation de ce forum bien avant la Conférence veut que les Katangais devraient d’abord se parler entre eux pour parler de la même voix lors de la Conférence qui doit traiter de la crise entre les deux communautés : Katangaise et Kasaïenne.

Ce qui étonne plus d’un observateur avisé, est le fait, pour certains, de penser que cette conférence est convoquée pour essayer de noyer, voire étouffer le « Forum sur la réconciliation des Katangais » ou simplement pour noyer le vrai problème du flux migratoire que connaissent les provinces issues du démembrement du Grand Katanga.

D’où la question cruciale que pose plus d’un observateur. Que cache cette précipitation ? ou plu exactement: A qui profite la tenue précipitée de la Conférence entre Katangais et Kasaïens à Lubumbashi? Si les organisateurs de la Conférence tiennent à aider le chef de l’Etat dans l’objectif qu’il s’est fixé de réconcilier les deux communautés, il est important de laisser les Katangais se réunir d’abord pour qu’ils n’aillent pas à la Conférence en ordre dispersé. Mais plutôt comme un seul homme avec une seule voix, celle des Katangais devant se réconcilier avec leurs compatriotes Kasaïens.

Aller à contre-courant de cette démarche, c’est courir le risque de ne pas aborder les vrais problèmes. Tout se passe comme si certains leaders du Katanga voudraient instrumentaliser ce forum pour conserver leurs fauteuils. Il y a plus que cela. C’est l’initiateur de la Conférence sur la problématique de l’exode migratoire, Félix Tshisekedi, qui risque rater son coche, lui qui est le garant constitutionnel de la Nation, de l’unité et de la cohésion nationales.

Sans doute, la démarche que veulent imprimer certains notables katangais proches de l’Union sacrée de la Nation démontre leur volonté de tirer la couverture de leur côté. Conséquence, la Nation risque de ne rien gagner de cette Conférence qui risque d’accoucher d’une petite souris.

Dès lors, si Félix Tshisekedi tient à tirer quelque chose de cette table ronde, il est alors astreint à laisser se tenir en premier lieu le forum des Katangais. Sinon, ce serait comme on assiste à la cérémonie de la pose de la première pierre et puis, plus rien.

A tous égards, cette Conférence présente trois faiblesses, à savoir : d’abord, le risque que cette rencontre prend une connotation très Union sacrée de la Nation où les cadres de cette famille politique présidentielle se mettent en vedette. Or, c’est un secret de Polichinelle qu’au royaume du défunt Kyungu wa Kumuanza, l’Union sacrée n’a pas beaucoup d’ancrage. Ensuite, la réalité est que des 4 gouverneurs de province du grand Katanga et des provinces de l’espace du Kasaï, il n’y a que deux gouverneurs full, les autres étant soit des intérimaires, soit des ministres faisant fonction de gouverneurs. Enfin, la troisième faiblesse est cette précipitation avec laquelle on veut organiser la Conférence, alors que le forum entre Katangais ne s’est pas encore tenu.

Toujours au sujet de cette Conférence, il est important de souligner qu’à des degrés variés, toutes les villes du monde sont concernées, car nous vivons aujourd’hui dans un monde caractérisé par l’homogénéité du fait des flux migratoires internes ou externes.

Bien que précipitée, cette Conférence reste opportune puisque devant servir d’un cadre d’échanges entre les parties prenantes afin de mettre sur table les problèmes qui rongent la cohésion intercommunautaire et le vivre ensemble. La table ronde va également assurer une large représentativité des parties prenantes, d’adopter une approche transparente, de compréhension partagée des enjeux et de renforcer les capacités des notables et des leaders d’opinion et des élus locaux qui sont aux premières loges de ces défis.

Une autre question d’importance capitale est celle de savoir que faire pour que cette rencontre  ne soit pas seulement une messe politicienne sans réels résultats sur le vivre ensemble, comme en en vit de temps à autre ?

Pour que les résultats des deux rencontres produisent en symbiose les résultats que toute la nation congolaise attend d’elles, Katangais et Kasaïens doivent comprendre et retenir certains principes cardinaux de vivre ensemble : la division affaiblit et éloigne du vrai débat ; la considération de l’autre et le respect du droit à la différence dans les choix politiques est un principe majeur dans la nouvelle dynamique tant recherchée ;privilégier le principe d’égalité morale des cultures et briser le complexe de grandeur ou de supériorité et la tendance à mépriser les autres, étant donné qu’il n’y a pas des grandes ou des petites tribus au Congo…

Les organisateurs de la Conférence sur la problématique de l’exode migratoire ont tout intérêt à s’inspirer de la réconciliation des Noirs avec les Blancs en en Afrique du Sud. Lorsque les seconds ont cherché à se réconcilier en vue d’une cohabitation pacifique avec les premiers, ils ont eu la présence d’esprit de libérer d’abord le leader des Noirs, Nelson Mandela pour que celui-ci puisse avoir l’occasion de parler avec ses frères noirs. Les Blancs, le président De Klerk à leur tête, n’auraient pas pu obtenir cette cohabitation s’ils avaient passé outre cette démarche. Sinon, ils allaient assister non pas à dialogue, mais à un monologue.

Kléber KUNGU

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