Mercredi 4 décembre, une conférence-débat sur le thème «L’ordre constitutionnel face aux mutations de la société : du populisme au discours académique» a réuni à l’Université de Kinshasa d’éminents professeurs et praticiens du droit.
Appartenant à un groupe multidisciplinaire, les professeurs Félicien Tshibangu Kalala, Christian Kabange, Grace Muwawa et Camille Ngoma, sous la modération du professeur Patrice Ntumba, se sont exprimés à haute et intelligible voix sur l’adéquation entre l’ordre constitutionnel et les mutations sociales.
Et comme il fallait s’y attendre, ils ont donné de la voix sur les questions brûlantes de l’heure en rapport avec la révision ou le changement de la constitution, non sans élever le débat, le niveau académique oblige. Ce qui a permis à l’assistance, composée pour la plupart des étudiants, d’arriver à voir toutes les perspectives en respectant la liberté académique de ceux qui sont d’accord avec les perspectives d’un changement ou d’une révision et ceux qui ne le sont pas.
Une constitution n’est jamais statique
La réalité du point de vue technique, et c’est ce qui est clairement ressorti de différents exposés et le débat qui s’en est suivi, c’est qu’une constitution n’est jamais statique. «Lorsqu’on parle des mutations sociales, ça veut dire que la constitution doit toujours être en adéquation avec le contexte politique, économique et social. Donc aucune constitution, même si elle serait la meilleure du monde, il y a toujours des choses à revoir, voire changer. Et de ce point de vue, je pense qu’il y a des choses à changer dans la constitution actuelle», fait savoir le professeur Christian Kabange. Les uns pensent qu’il faudrait y aller par une révision, d’autres pensent qu’il faut y aller par un changement, d’autres encore estiment que le contexte ne s’y prête pas. Mais le plus important à retenir c’est qu’une constitution n’est jamais statique, elle doit subir des évaluations un certain moment pour savoir qu’est-ce qu’on peut améliorer, qu’est-ce qu’on peut changer.
« Greffe importée »
Dans son exposé, le professeur Félicien Tshibangu Kalala note la Constitution de la RDC du 18 février 2006 constitue une «greffe importée», loin des réalités culturelles et sociopolitiques du pays. L’enseignant est ainsi favorable à une adaptation cohérente de ce texte fondateur afin de répondre aux défis de l’heure. «L’ordre constitutionnel repose sur la création d’une Constitution, qui structure les règles et principes fondamentaux d’une société. Mais celle-ci doit évoluer avec le temps, à mesure que les réalités sociopolitiques et économiques se transforment», fait-il savoir.
S’exprimant sur l’article 217 de la constitution, le professeur Tshibangu Kalala met en lumière le principe de juxtaposition des souverainetés. Cette réflexion originale a ouvert la voie à un débat sur les interactions entre souveraineté nationale, régionale et internationale, particulièrement dans un contexte marqué par la mondialisation. «Les défis contemporains imposent de repenser certains aspects de la souveraineté pour permettre des coopérations internationales sans compromettre les fondements nationaux», dit-il.
De son côté, le professeur Grace Muwawa a analysé les dispositions constitutionnelles susceptibles d’être révisées ou modifiées, notamment l’article 220. Bien que cet article liste certaines matières dites «verrouillées», il ne s’est pas lui-même verrouillé, et donc susceptible de révision. «L’architecture constitutionnelle n’est pas figée ; elle doit pouvoir évoluer avec discernement, tout en restant fidèle à ses principes directeurs», a-t-il souligné. Poursuivant cette dynamique analytique, le professeur Camille Ngoma Khuabi affirme que «la révision ne peut être éludée dans une société démocratique. Selon lui, la révision de la Constitution de 2006 est nécessaire pour rationaliser le fonctionnement de l’Etat et moraliser la vie publique en République démocratique du Congo».
La conférence s’est achevée sur des échanges interactifs avec une assistance composée majoritairement d’étudiants et de chercheurs. Le débat a permis à l’auditoire d’avoir un éclairage sur les enjeux scientifiques et techniques liés à la révision constitutionnelle, au-delà des considérations purement politiciennes.
DK