À Kinshasa, chaque commune ou quartier a ses spécialités culinaires, qui rythment le quotidien des habitants. Bandalungwa brille par son fameux «poulet mayo», Kapela par ses viandes de porc savoureuses servies dans les Ngandas, et la direction Shaba à Kasa-Vubu par ses gros poissons chinchards, surnommés «requin»… Ce ne sont que des exemples de la richesse gastronomique kinoise. Mais sur cette liste, l’avenue Oshwe à Kalamu s’impose fièrement avec « Ya Jean », une grillade devenue un symbole de convivialité et de simplicité. C’est ce qu’a pu constater « Forum des As« , le samedi 23 novembre.
« Ya Jean » n’est pas qu’une grillade. C’est une alchimie parfaite entre des ingrédients simples et un savoir-faire local. La viande de bœuf, fraîchement battue à l’abattoir, est découpée en mille morceaux.
Elle est ensuite bouillie dans une grosse marmite, avant d’être assaisonnée avec soin, à l’aide d’un mélange d’épices locales : poivrons, oignons, piments et cubes de bouillon, souvent Maggi.
Le tout est soigneusement emballé dans un morceau de papier d’emballage, (souvent une feuille de lait en poudre), un détail qui lui confère une identité visuelle unique. Enfin, la viande est grillée sur un barbecue large et fumant, laissant les arômes envahir l’air et attirer les gourmands. Quelques minutes suffisent pour que la magie opère : Ya Jean est prêt à être dégusté.
Ce qui rend « Ya Jean » si spécial, c’est aussi l’ambiance dans laquelle il est consommé. Entre le brouhaha des véhicules, les klaxons incessants et les cris des vendeurs ambulants, les clients se retrouvent autour de la table dans une atmosphère bon enfant. « Ya Jean » n’est pas seulement une grillade, c’est un moment de partage, où chacun, quel que soit son statut social, trouve plaisir et réconfort dans un plat qui rassemble.
Pourquoi «Ya Jean»?
Le nom « Ya Jean » reflète à la fois l’emballage emblématique de la viande, ces papiers usagés qui la protègent et le prénom du vendeur qui a popularisé cette spécialité dans la capitale. Entrepreneur culinaire, Jean a su transformer une grillade simple en un incontournable gastronomique.
«Quand on parle de Jean, c’est une allusion faite à la première personne qui l’a popularisé à Kinshasa. Nous ne savons pas dans quel coin exactement de la capitale congolaise. Un autre détail, c’est aussi le fait que la viande soit empaquetée dans du papier», explique Guelord, tenancier d’un Nganda à Oshwe.
Un prix imbattable
L’un des grands atouts de Ya Jean est son prix. À seulement 1000 Francs congolais, il reste accessible à tous, même dans un contexte économique difficile.
Peu importe l’inflation ou la dépréciation du dollar américain, le prix de cette viande reste étonnamment le même. Dans une ville où 5 kilos de viande de porc coûtent 30.000 francs congolais et où le fameux poulet mayo s’élève à 28.000 francs (l’équivalent de 10 $, NDLR), « Ya Jean » reste le choix évident pour les consommateurs.
Cette grillade reste accessible à tous: des citoyens modestes aux « ambianceurs » du quartier Matonge en quête d’un repas délicieux. Comparé aux 30.000 francs nécessaires pour 5 kilos de porc à Kapela ou aux 28.000 francs pour le célèbre poulet mayo, « Ya Jean » s’impose comme l’option économique par excellence.
Pour tous ceux qui arpentent l’avenue Oshwe, une chose est sûre: loin du jargon kinois «Lamba Lia, toko ya te» – traduction (NDLR: apprête la nourriture, tant pis, nous ne sommes pas concernés) – c’est du présent «Lamba Lia toko ya mpe» (NDL: prépare la nourriture, nous viendrons)
Et comme pour paraphraser Asake, le sapeur congolais qui est en vogue sur les réseaux sociaux, «Toko liya Ya Jean musuni», les Ki,nois sont formels: «Nous allons déguster la viande de Jean».
Christian-Timothée MAMPUYA