Forum national de la société civile sur l’énergie : Les acteurs évaluent la loi sur l’électricité 10 ans après sa promulgation

La coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes de l’action publique (Corap) a lancé le 20 août la deuxième édition du forum national de la Société civile sur l’énergie (FNSCE) à l’Institut national de préparation professionnelle (INPP). Cet événement, qui se déroule jusqu’au 23 août, réunit plus de 300 participants venus de différentes provinces de la RDC et de l’étranger, notamment du Kenya.

Le forum se penche sur un thème crucial :  » Quid de l’accès à l’énergie des populations en RDC ? « . Les panélistes et les participants, issus de divers horizons, vont discuter de la coordination du secteur, des investissements, et des questions de fiscalité.

D’après Emmanuel Musuyu, secrétaire exécutif de Corap, l’objectif principal de cette rencontre est d’évaluer la loi régissant le secteur de l’électricité promulguée il y a 10 ans, en 2014. Il constate que, malgré cette réforme majeure, le taux d’accès à l’électricité en RDC reste dramatiquement bas, à seulement 7%.

 » La grande question sera : pourquoi ce forum ? On va se rendre compte que nous sommes en 2024, et que la loi portant sur le secteur de l’électricité a été promulguée en 2014, soit 10 ans après. Donc ce forum a pour objectif d’évaluer cette loi. La loi avait pour objectif d’améliorer la desserte en énergie et le cadre légal opérationnel du secteur. Mais aujourd’hui, on se rend compte que le taux d’accès à l’électricité est à  7,14% « , a-t-il déploré.

Et de s’interroger :  » On se demande donc si la loi a effectivement apporté quelque chose. Finalement, si la loi n’a pas apporté grand-chose, quelles sont les faiblesses et les contraintes que le secteur a connues durant ces 10 ans pour qu’il n’y ait pas eu de grand rebond en termes d’accès à l’électricité ?« .

Avancées et défis restants

Depuis le premier forum tenu il y a cinq ans, (2019), certaines recommandations ont été mises en œuvre, comme la création de l’agence nationale d’électrification(Anser). Cependant, le Corap note que le taux d’électrification n’a augmenté que de 1%, ce qui reste insuffisant.

 » Nous sommes quand même satisfaits, même si ce n’est pas à 100%. Certaines recommandations ont été appliquées, comme la mise en place de l’Anser, l’Agence nationale des services énergétiques, prévue par la loi. Au-delà de ça, il y a eu des mesures d’application qui ont été mises en place Lors du premier Forum, on avait constaté que 6% de la population avait accès à l’électricité. 5 ans après, on est à 7%. Ce n’est pas normal, et c’est cela la grande problématique « , souligne-t-il.

Par ailleurs, il espère que des mesures adéquates seront mises en place pour que, lors de la prochaine rencontre, les manquements dans le cadre légal puissent être complétés.

LA RDC N’A PAS DE PLAN DE DEVELOPPEMENT

ENERGETIQUE

Intervenant lors de ces assises, l’analyste économique Al Kitenge a livré une analyse sans concession de la situation énergétique en Rd-Congo. Ses observations mettent en lumière les défis auxquels le pays est confronté dans son développement énergétique et économique.

Al Kitenge a d’abord souligné une réalité économique fondamentale : « Tous les pays industrialisés sont de grands consommateurs d’énergie « . Cette affirmation met en évidence le lien étroit entre la consommation d’énergie et le niveau d’industrialisation d’un pays.

Cependant, l’analyste pointe du doigt une lacune majeure en RDC :  » Notre plus grand défaut est que nous n’avons pas de plan de développement énergétique intensif « 

L’expert a ensuite retracé l’historique des décisions prises en matière de politique économique et énergétique. Il a rappelé qu’en 2000, la RDC a libéralisé le secteur minier pour stimuler son développement. Toutefois, cette décision n’a pas été accompagnée d’une anticipation des besoins énergétiques accrus qu’elle allait engendrer.  » Nous n’avons pas anticipé que cette libéralisation allait engendrer un besoin supplémentaire d’énergie « , a expliqué Al Kitenge.

Ce manque de prévoyance a conduit à une situation critique quelques années plus tard, forçant le pays à libéraliser également le secteur de l’électricité. M. Kitenge estime que cette décision aurait dû être prise bien plus tôt :  » Nous aurions dû prendre cette décision il y a 14 ans « , estime-t-il.

Appel à l’Industrialisation énergétique

Al Kitenge a conclu son intervention en soulignant l’importance d’une approche globale du développement. « Aujourd’hui, les gens n’ont pas seulement besoin d’électricité, mais aussi de développement socio-économique« , a-t-il déclaré. Il a insisté sur le fait que l’accès à l’électricité ne peut être dissocié du développement économique général.

Le directeur de cabinet du ministre des Ressources hydrauliques et Electricité a plaidé pour la création d’une industrie énergétique en RDC. Un tel développement est capital pour accroître la richesse nationale et financer l’électrification. Comparée à d’autres pays, la consommation électrique par habitant en RDC est extrêmement faible, à 100 kWh par an.

 » Il est en effet primordial de développer l’industrie énergétique en République démocratique du Congo. Le secteur énergétique doit être mis en place pour pouvoir créer de la richesse et être capable de financer l’augmentation du taux d’électrification, a-t-il plaidé.

Vivement les recommandations

Lors du premier panel, des experts comme Me Mavinga et Erick Kasongo ont exprimé des préoccupations concernant la gestion du secteur énergétique. Ils ont recommandé une réforme pour clarifier les responsabilités en matière de transmission et de distribution d’énergie.

À l’issue de ces travaux, des recommandations seront formulées à l’attention de l’Assemblée nationale et du gouvernement pour dynamiser ce secteur. Comme l’a souligné Emmanuel Musuyu, le potentiel énergétique du pays est immense, mais qu’il est urgent de le transformer en réalité concrète pour améliorer l’accès à l’énergie, conformément à l’article 48 de la Constitution.

Christian-Timothée MAMPUYA

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