* Aucun juge de la Haute Cour n’est hors mandat, les décisions de cette institution ne souffriront d’aucune illégalité ou illégitimité jusqu’en 2024.
Depuis un certain temps, il circule dans l’opinion une information faisant état de la situation dans laquelle se trouveraient 9 juges de la Cour constitutionnelle en vertu de l’article 158, alinéa 2 (3) et 14 de la Constitution car nommés depuis le 14 juillet 2014 avec un mandat de 9 ans. Pour ne pas laisser libre cours à cette contrevérité, un chercheur indépendant, Raphael Matuta Lungu, a donné sa version basée sur le droit public, bien argumentée. Question de tordre le cou à » un texte sorti tout droit d’un laboratoire politique avec pour objectif de porter atteinte au processus électoral en cours » Il s’est employé donc à détricoter l’un après l’autre les points développés par le professeur Didier Pierre Ndangi Bazebanzia pour étayer son argumentaire.
Concernant le mandat des 9 juges dont l’enseignant d’université affirme qu’ils sont fin mandat en vertu de l’article 158, alinéa 2 (3) et 14 de la Constitution car nommés depuis le 14 juillet 2014 avec un mandat de 9 ans, le chercheur indépendant réagit. Pour lui, cette affirmation est loin d’être correcte car, soutient-il, elle souffre d’un manque de rigueur interprétative de textes légaux en la matière et d’imprécision sur le dies a quo (le jour à partir duquel…) pour qu’un mandat puisse commencer à courir, en droit public. Il estime que l’article 158, alinéa 3 ne doit pas être interprété sans se référer à l’article 8 de la loi organique. Celui-ci dispose que le membre de la Cour nommé en remplacement de celui dont les fonctions ont pris fin avant terme achève le mandat de ce dernier. Il peut être nommé pour » un autre mandat » s’il a exercé les fonctions de remplacement pendant moins de trois ans. Cela voudrait dire qu’il y a possibilité que les juges poursuivent des mandats différents.
CONFUSION SUR LE POINT DE DEPART POUR COMPTER LE MANDAT
En outre, il relève une confusion sur le point de départ pour compter le mandat des différents juges constitutionnels. Il estime, en effet, qu’en droit public, le mandat commence à courir pour toutes les fonctions de mandat, sauf dérogation explicite, à partir du moment de la prestation de serment. Ce n’est pas au jour de la nomination ! Il appert que les juges ayant prêté serment en 2015, c’est de là que commence à courir le mandat.
Son 3ème argument repose sur le fait que la Cour constitutionnelle est, selon la Constitution et la loi organique, renouvelée par tiers tous les trois ans, par tirage au sort. A chaque trois ans, trois juges doivent donc quitter la Cour. Des nouveaux doivent intégrer la Cour. Ceux qui y intègrent avant l’achèvement du mandat de ceux qu’ils remplacent, achèvent le mandat de ceux qui sont partis. Mais dans le cas où ceux qu’ils remplacent avaient déjà fait trois ans, les nouveaux commencent un nouveau mandat et leur dies a quo des 9 ans commence à courir. Dans ce cas, on aura toujours une Cour composée des anciens et des nouveaux aussi longtemps que ces dispositions ne seront pas révisées. A cet effet, ceux qui ont prêté serment en 2015 après renouvellement, démission et départ, se verront accomplir leur 9 ans en 2024. Et ceux qui sont entrés en 2018 verront s’ils ne partent pas par tirage au sort, décès ou démission, leur mandat aller jusqu’en 2027 et verront leur mandat de 9 ans être réalisé.
LA LOI IMPOSE UN SEUIL UN MINIMA
Enfin, l’article 6, alinéa 2 de la loi organique de la Cour constitutionnelle dispose que la Cour est renouvelée par les tiers tous les trois ans. Lors des deux premiers renouvellements, on procède au tirage au sort du membre sortant par groupe initialement nommé. Cela n’était pas fait en 2018. Ce qui a conduit à la situation actuelle. Vouloir y revenir nécessitera tout refaire. Ce qui, du reste, n’est pas une option heureuse.
Le professeur Ndangi affirme en plus que la loi impose deux tiers de juristes et que cela n’est pas le cas. Si cette affirmation n’appelle pas un commentaire puisque correcte. Il faudra néanmoins préciser une évidence. En ceci que l’obligation d’avoir deux tiers des juristes ne signifie pas que la loi veut seulement et absolument six membres juristes. Mais cette loi impose un seuil minimal en deçà duquel la composition des membres de la Cour serait irrégulière. L’article 5, alinéa 1 de la loi organique est précis à ce sujet en disposant : » Six des neuf membres de la Cour doivent être des juristes issus de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement « . Elle ne dit cependant pas que les 1 tiers doivent être uniquement des non juristes, mais plutôt les 2 tiers doivent être juristes. D’où il est prudent de ne pas distinguer là où la loi ne distingue pas. Les 2/3 des juristes, c’est le seuil minimal qu’il faut absolument avoir, mais pas le seuil maximal. L’on peut avoir une Cour n’ayant que des juristes. C’est la loi qui admet cette hypothèse. C’est ce raisonnement qu’il faut emprunter pour éviter des conclusions stériles.
Dans son 3ème argumentaire, Didier-Pierre Ndangi affirme que la Cour constitutionnelle, ne respecte pas le principe paritaire, étant donné qu’il n’y a qu’une seule femme. Par conséquent, pour lui, la composition de cette Cour viole l’article 14 de la Constitution en ce qu’il n’y a qu’une seule femme.
LA SELECTION DES MEMBRES OBEIT A PLUSIEURS CONDITIONS
Raphael Matuta Lungu rétorque en opposant l’article 14 de la Constitution qui prône la parité en accordant à la femme le droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales, et locales. En effet, dans une institution sensible comme la Cour constitutionnelle, la sélection des membres obéit à plusieurs conditions. Donc, il ne suffit pas d’être homme ou femme pour être juge à la Cour. Mais en parlant de la représentation équitable, il ne s’agit pas d’une donnée mathématique faisant que l’on puisse avoir 4 femmes et 5 hommes. La représentation équitable tient compte en sus du nombre des femmes, de la rareté des femmes, de la spécialisation professionnelle de la femme en question et tant d’autres conditions. Il n’est pas question de décorer la Cour en tenant compte du genre parce qu’il faut une représentation équitable. De plus, dans un cercle fermé des neuf sages de la République qui composent la Cour, la présence du genre est une preuve du respect de l’article 14 de la Constitution. C’est équitable lorsque l’on tient compte des conditions juridiques et politiques pour être juge à la Cour.
La loi organique n’admet pas deux membres issus d’une même province. Pour M. Ndangi Bazebanzia soutient que la composition actuelle de la Cour constitutionnelle viole l’article 2 de la loi organique de la Cour constitutionnelle.
A cette accusation fortuite, le chercheur indépendant oppose son argument selon lequel il est possible d’être d’une même ethnie sans être d’une même province. Il va plus loin en précisant qu’aujourd’hui les Luba sont dans deux provinces, les Swahili dans plusieurs provinces. Ainsi, dit-il, son protagoniste semble oublier qu’à ce jour, la Cour ne compte pas deux juges de la même province, entendue au sens de l’article 2 alinéas 1 et 2 de la Constitution.
Et de conclure que la « légèreté » dans l’analyse du Pr Didier-Pierre Ndangi accuse bien la source de ce texte :un laboratoire politique qui n’a pour objectif que de porter atteinte au processus électoral en cours, dont la Cour constitutionnelle est un des maillons importants pour son aboutissement. Kléber KUNGU