Affaire Matata & consorts : l’ancien Premier ministre comparait ce lundi 21 août

* Blaise Eca Wa Lwenga, docteur en droit pénal et sciences criminelles de l’Université Robert Schuman en France, démontre ci-dessous la compétente de la Cour constitutionnelle de juger Matata Ponyo et consorts, en dépit du tollé suscité par l’opinion suite à l’arrêt de la Haute Cour qui s’est déclarée compétente alors qu’elle ne l’était pas une année plus tôt.

Selon un extrait de rôle de la Cour constitutionnelle siégeant  en matière répressive, Matata Ponyo convoqué à comparaître le lundi 21 août courant en audience publique. Cette convocation vient lever tout doute sur la comparution du président de Leadership et gouvernance pour le développement (LGD) devant la Haute Cour. Ce qui conforte la position de Blaise Eca Wa Lwenga qui, dans une analyse fort argumentée, dont Forum des As a obtenu copie, soutient que la Cour constitutionnelle est compétente de juger Matata Ponyo et consorts dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo après son arrêt rendu le 18 novembre 2022 par lequel la Haute Cour s’est déclarée compétente. Tel est le débat que son revirement de jurisprudence spectaculaire qu’elle a opéré à suscité après s’être déclarée incompétente par l’arrêt rendu une année plus tôt, le 15 novembre 2021, pour connaître les infractions commises par le président de la République et le Premier ministre, en fonction ou après leurs fonctions.

Dans une analyse juridique de la question, Blaise Eca Wa Lwenga, docteur en droit pénal et sciences criminelles de l’Université Robert Schuman en France, a démontré que la Haute Cour  peut juger l’ancien Premier ministre Matata et consorts, en s’appuyant sur des arguments de droit qui ont défait ceux de ses pairs qui soutiennent le contraire. C’est le cas de M. Mbokani.

Dans sa démarche, cet avocat à la Cour d’appel de Metz en France  n’a pas manqué de procéder à une étude comparative avec le droit français qui a servi de modèle au droit congolais dans la réforme issue de l’éclatement de l’ancienne Cour suprême de justice.

EXCLUSIVITE DE LA COMPETENCE DE LA HAUTE COUR

Il a démontré que l’exclusivité de la compétence de la Cour constitutionnelle à connaître les infractions commises par le président de la République et le Premier ministre est clairement  identifiée par les articles 163 et 164 de la Constitution. Ainsi en RDC, la Haute Cour est le seul juge naturel du président de la République et du Premier ministre,  à l’exclusion de toutes les autres, à connaître les infractions commises par les présidents de la République et les Premiers ministres, en fonction ou anciens.

Blaise Eca Wa Lwenga balaie d’un revers de la main la position et l’opinion isolée  de M. Mbokani qui se trouvent fragilisées après le revirement de jurisprudence de la Cour constitutionnelle en se déclarant compétente. En effet, dans un de ses écrits, il a approuvé la décision d’incompétence rendue par la Cour constitutionnelle.

L’homme de droit trouve deux principales questions celles de savoir si les arrêts de la Cour constitutionnelle ont l’autorité de la chose jugée et si elle peut juger Matata et consorts dans le dossier Bukanga Lonzo.. Il a démontré que la thèse selon laquelle la Haute Cour ne pouvait plus revenir sur l’affaire est une position difficilement soutenable en droit. Par conséquent, elle pourra juger le sénateur et consorts, y compris pour des faits de détournements des deniers publics dans le dossier Bukanga Lonzo.

LA MAXIME DE  » NON BIS IN IDEM OU NE BIS IS IDEM « 

Pour cela, l’ancien vice-doyen chargé de la recherche à la faculté des sciences économiques de l’UPN a défait les arguments en faveur de l’incompétence perpétuelle alléguée de la Cour constitutionnelle à juger Matata Ponyo. Ainsi a-t-il démontré que la règle  »Non bis in idem ou Ne bis is idem », selon lequel  »Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits » est un principe qui ne peut être appliqué au cas Matata car la Cour n’a pas tranché le fond, c’est-à-dire qu’elle ne s’est pas prononcée sur la culpabilité ou non des prévenus ; d’autre part, l’action publique ne s’est pas éteinte. par la prescription puisque les faits reprochés à l’ancien Premier ministre datent, selon la prévention, entre les mois de novembre 2013 et novembre 2016. Comme quoi, la maxime  »Non bis in idem ou Ne bis is idem », ne peut donc pas s’appliquer aux décisions qui n’ont pas épuisé le droit d’action publique. Par conséquent, soutient Blaise Eca Wa Lwenga, l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle le 15 novembre 2021 n’ayant pas tranché la question de fond, c’est-à-dire la culpabilité ou l’innocence d’Augustin Matata Ponyo, cet arrêt n’est pas revêtu de l’autorité de la chose jugée. Ainsi, le moyen tiré de la maxime  »Non bis in idem ou Ne bis is idem », n’est pas fondé à considérer la haute Cour la compétence de juger l’homme à la cravate rouge et consorts au fond.

L’ARRET DU 18 NOVEMBRE 2022 FAVORABLE A MATATA

En outre, il a démontré qu’il est faux l’argument de ceux qui soutiennent que, pour s’être déjà déclarée incompétente, la Cour constitutionnelle n’avait plus le droit de connaître les infractions de détournement des deniers publics mises à la charge de l’ancien Premier ministre dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo.

Il a aussi souligné le fait que l’arrêt du 18 novembre 2022 a ceci de spécial qu’il garantit au prévenu Matata et consorts le droit à un procès équitable, lui qui est considéré par l’opinion comme le grand criminel économique. Pourquoi ne pas lui offrir la possibilité de prouver son innocence devant un juge ? Le contraire porterait atteinte à son droit à l’accès à un juge et à un procès équitable. Voilà pourquoi, soutient Blaise Eca Wa Lwenga, l’arrêt du 18 novembre 2022 est favorable au prévenu Matata. D’où son caractère rétroactif.

Après s’être déclarée incompétente par son arrêt du 15 novembre 2021, la Cour constitutionnelle s’était dessaisie de l’affaire. Par conséquent, argumente l’avocat Blaise Eca, l’instance devait se poursuivre devant une  autre juridiction. Ainsi le Parquet général près la Cour constitutionnelle a eu l’habileté de confier l’affaire au Parquet général près la Cour de cassation qui aurait pour mission de poursuivre l’instance devant cette Cour, sachant à l’avance que cette dernière ne pouvait que se déclarer incompétente.

Une des voies cherchées pour que l’affaire revienne à la Cour constitutionnelle. Grâce à son ingéniosité et son imagination, la Cour de cassation s’est dessaisie de l’affaire après les avocats de la défense ont repris le moyen d’incopétence qu’ils avaient préalablement soulevé devant la Cour constitutionnelle.

Ainsi, par son arrêt avant dire droit en date du 22 juillet 2022, la Cour de cassation a dû surseoir à statuer dans la cause et saisit la Cour constitutionnelle pour l’examen de l’interprétation de la Constitution sur la portée exacte de ces deux expressions « dans l’exercice de ses fonctions et à l’occasion de l’exercice de ses fonctions » contenues dans l’article 164 de la Loi fondamentale.

RESPECTER SCRUPULEUSEMENT LES REGLES DE PROCEDURE

Alors qu’elle était apte de trancher l’exception d’incompétence soulevée par elle, le renvoi de la Cour de cassation a permis à la Cour constitutionnelle d’interpréter ces deux expressions. Mais elle va aussi opérer un revirement de jurisprudence en se déclarant compétente pour connaître les infractions commises par un président de la République et un Premier ministre, en fonction ou ancien, dans l’exercice de leurs fonctions ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.

En se déclarant incompétente par arrêt  en date du 26 avril 2023 s’appuyant sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 18 novembre 2022.  Et la Haute Cour est donc fondée de reprendre les poursuites contre le prévenu Matata Ponyo. Ce qui justifie l’audience publique fixée le lundi 21 août courant.

Mais, conclut Blaise Eca, la Cour constitutionnelle ne pourra juger le prévenu Matata et d’autres, à la condition expresse que les règles de procédure soient scrupuleusement respectées contre un Premier ministre car il sera poursuivi pour des infractions commises lorsqu’il était Premier ministre. Ces règles, précise l’homme de droit, prévoit deux démarches à faire par le ministère public.

Le ministre public doit d’abord obtenir l’autorisation des poursuites du Parlement réuni en Congrès à la majorité des 2/3 (Assemblée nationale et Sénat).         Kléber KUNGU

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