Daniel Palambwa : des hommages posthumes au plus vieux musicien chrétien congolais

C’est le samedi 10 juin dernier que le patriarche séculaire Daniel Palambwa Andzwa Empak a été porté en terre. La disparition de ce plus vieux musicien chrétien de la République démocratique du Congo a ému ceux qui l’ont connu. Parmi eux, le ministre honoraire Ntantu Mey dont nous publions les extraits de son oraison funèbre.

Le monde cultuel congolais est en deuil ! le plus vieux artiste musicien chrétien congolais, centenaire, Daniel PALAMBWA, nous a quittés depuis le 24 mai dernier. C’est après un siècle, un an, un mois et douze jours de vie sur cette des hommes que le fondateur et Directeur artistique du chœur d’enfants «Pueri Cantores » de la paroisse Saint Augustin de Lemba a tiré sa révérence à partir de l’hôpital Saint Joseph de Limete.

Nous nous sommes beaucoup approché de lui ces dernières années suite au fait que, malgré son âge, il est demeuré très lucide et était à chaque messe matinale de 6h00 et à temps ! Ceci a tellement attiré notre attention que nous avons résolu de célébrer solennellement ses trois derniers anniversaires : 99 ans, 100 ans et 101 ans.

Bien avant, de 1995 à 2001, Papa Daniel et les Pueri Cantores avaient accompagné le BAC dans les visites de vieux artistes écrivains, musiciens, hommes de théâtre… Il s’agit notamment de Antoine Roger BOLAMBA, le Général LONHO MALANGI, André LUFWA MAWIDI, sculpteur du grand batteur de tam-tam Fikin, WENDO KOLOSOY, Père Chef KASHALA MWAN’A NTAMBWA, TABU-LEY, ILO BABLO…

Papa Daniel PALAMBWA ANDZWA EMPAK a consacré sa vie dans une intense activité religieuse, d’enseignant, homme politique… dans les différents coins du Vicariat du Kwango, du Congo et du monde qui l’ont accueilli. Maître des classes « Intermédiaires », organiste virtuose, étudiant, Député, etc., son existence aura eu comme fil conducteur : l’éducation de la jeunesse. Une jeunesse qu’il a contribué à encadrer et qui n’a pas manqué de le marquer de façon indélébile. Papa Danien est demeuré jeune d’esprit jusqu’à sa mort.

… Daniel PALAMBWA est né le 12 avril 1922 au village Isiengi, sur les bords de la Kamtsha, en territoire d’Idiofa, province du Kwilu, espace du Grand Bandundu. Après une année passée au « mavula » de son village, il est admis en 1935 à l’école primaire que les Pères Oblats de Marie Immaculée venaient d’ouvrir à la mission catholique de Ngoso où il y fréquente la 2ème, 3ème, 4ème et 5ème primaire. En 1939, il est admis en 6ème année primaire à la mission catholique de Mwilambongo, qui lui ouvre les portes de l’enseignement secondaire. Elève studieux, il est admis en 7ème latine à Kikwit Sacré-Cœur en 1940.

C’est pendant cette année scolaire que le jeune Daniel Palambwa reçoit un appel du Seigneur pour une destinée autre que celle du mariage. C’est sur cette toile de fond que le jeune Daniel demanda à ses éducateurs de devenir Frère Joséphite de Kinzambi.

En 1940, Daniel fait son premier départ pour Kinzambi où il entreprit ses études d’humanités pédagogiques. Pendant cette formation, le jeune homme y rencontre un homme exceptionnel le Père Joseph Guffens, missionnaire au Kwango depuis 1921 et supérieur du Petit Séminaire à partir de 1937. C’est lui qui assume l’initiation des jeunes candidats-frères à leur responsabilité.

Après le Noviciat fait en 1943-44 et deux années passées à Kinzambi pour parachever sa formation, le Frère Daniel Palambwa est envoyé en 1946 à la mission catholique Djuma.

La prestation du Frère Daniel Palambwa à Djuma fut si positive que c’est à lui que les Supérieurs font appel en 1948, pour aller démarrer à Kinzambi, la classe de 9ème créée pour la première fois dans le système scolaire du Kwango, une classe destinée aux jeunes d’élite devant affronter plus tard l’université.

C’est avec grande fierté que Daniel eut la joie pendant ce deuxième séjour à            Kinzambi, de participer au grand mouvement formatif naissant au Congo. Il fera sienne la devise épiscopale de Mgr Guffens : «Préparer au Seigneur un peuple parfait ».

Cet idéal trouva sa pleine réalisation sur les bords de la Lukula, à la mission catholique Kingungi qui reçoit le Frère Daniel Palambwa de 1949 à 1956. Il y déploie un apostolat intense à travers plusieurs activités parascolaires.

Il continua ce travail à Kikwit Sacré-Cœur où il reprit la 2ème Normale en 1958, puis à Kinzambi où il alla en 1959 lancer l’Ecole métropolitaine « de programme belge ».

Ses Supérieurs décident de le retourner sur le banc de l’école : d’abord à l’Ecole Normale Moyenne d’Elisabethville (Lubumbashi) durant l’année académique 1960-1961, puis à l’Université Catholique de Louvain en Belgique, à Cambridge à Londres et à Bruxelles durant l’année académique 1961-1962. Sa présence en Occident lui fit mieux découvrir les nouvelles exigences de l’Eglise en Afrique et mieux apprécier la culture congolaise réhabilitée par le vent du Concile Vatican II.

Ainsi, à son retour au pays, Daniel Palambwa qui avait déjà 40 ans, avait non seulement une riche carrière d’enseignant, mais aussi un riche bagage scientifique et culturel. Son 4ème séjour à Kinzambi permit d’illuminer ce passé : tout le monde était fier de ce fils du pays maîtrisant la langue de Shakespeare qu’il enseignait à l’Ecole d’Auxiliaires et au Petit Séminaire de Kinzambi.

Hélas ! Plusieurs chocs existentiels avaient largement miné son ardeur religieuse et sa santé morale n’était plus à la mesure de son zèle apostolique. Ayant consulté des personnes d’âge et d’expérience, il présenta sa démission en 1963 et migra vers Kinshasa où il avait abandonné l’enseignement pour le monde politique.

Dans son travail, Daniel Palambwa faisait aussi preuve d’une autorité héritée à n’en point douter de Mgr Guffens. C’est sans doute cela qui lui valut la charge d’assister administrativement le Comité d’Etat d’urgence mis en place à Kikwit en 1964, au Kwilu en rébellion. Il s’en acquitta tant et si bien que lors des élections de juillet 1965, il fut élu dans la circonscription électorale d’Idiofa. Et après un passage éclair à Bandundu, au poste de Secrétaire Permanent du M.P.R. pour le District du Kwilu en 1967, il fut réélu Député National suppléant en 1977.

Pendant dix-sept ans, Daniel Palambwa fut engagé activement en politique. Mais concomitamment, à partir de 1968, la création et la consolidation de l’I.N.P.P. (Institut National de Préparation Professionnelle) sera sa deuxième occupation. Vingt-six années durant, cette activité lui permit de faire pour toute la jeunesse du Congo, ce qu’il avait réalisé au Kwilu. Il s’agissait d’une grande entreprise très enivrante : offrir au pays des cadres de haut niveau capable de lier la théorie à la pratique.

Après l’I.N.P.P., papa Daniel Palambwa a poursuivi sur un autre plan, le but qui lui était apparu comme essentiel pour l’Eglise et pour le peuple du Congo. Il a, à partir de 1993, lancé la belle expérience combien fructueuse des Pueri Cantores. Cette école de musique sacrée, en même temps une manécanterie, aura été une des plus grandes joies de sa vie. Pendant un quart de siècle, il a reçu, aidé, soutenu ces enfants dont il percevait le rôle dans la formation de la nation. Il voulut leur consacrer ses dernières forces, ce qui a permis plus d’un de briller musicalement en Afrique et en Europe.

Kinshasa, le 10 juin 2023

S.E Jean-Marie Ntantu-Mey

Tél. : +243 82 34 87 815

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