Bradage du patrimoine immobilier de la SCPT : le DG Musete au banc des accusés !

* Le cas de cette société est l’un de ceux qui ternissent l’image du président Félix Tshisekedi, alors qu’on est à quelque 6 mois des élections.

La Société congolaise des postes et télécommunications (SCPT S.A) est en train de vivre des moments très critiques de son histoire depuis plusieurs années. La situation critique de cette entreprise publique est consécutive au bradage massif de son patrimoine immobilier et foncier. Il n’y a pas que le patrimoine immobilier et foncier de la SCPT qui est bradé. Celui de l’Etat-propriétaire l’est par ricochet.  Sur la sellette, le n°1 de la SCPT à qui, travailleurs, syndicalistes reprochent de la vendre à très bas prix. Le directeur général Musete Lekan Didier est accusé d’avoir signé…12 contrats qualifiés de léonins. Ceux-ci ne vont rapporter à la société que …17 800 dollars américains par mois à titre de loyers et 216 000 USD à titre de garanties locatives. Ce qui constitue un déséquilibre fort manifeste  en défaveur de la société et de l’Etat-propriétaire comparé à la valeur marchande des immeubles construits. En plus des montants de loyers minorés, le bradage décrié par les agents, cadres et retraités de la SCPT réside dans les nombres d’années de location de ces contrats qui vont de 10 à 25 ans renouvelables. Une vente camouflée qui ne dit pas son nom, relève le personnel clochardisé à souhait.

L’histoire nous rappelle que Musete Lekan Didier n’est pas un nouveau à la direction générale de la SCPT. Il est revenu aux affaires quatre années plus tard le 30 mars 2021, après y avoir été suspendu pour, rapporte-t-on, mauvaise gestion qu’un audit du Conseil permanent de la comptabilité du Congo (CPCC) a permis de mettre à jour.

Mis au parfum de la situation de la société, les inspecteurs de l’Inspection générale des finances (IGF), sont allés vérifier les faits. Ceux-ci se sont avérés. L’IGF a dénoncé le caractère léonin desdits contrats, l’emploi sans appel d’offre de plusieurs consultants à qui, révèle un document brandi par des agents, le DG Musete verserait 6% de la masse salariale de toute la société…

A en croire un autre document dont Forum des As a obtenu copie, les agents et cadres de cette société en plein bradage reprochent au DG Musete entre autres la mauvaise gestion des ressources humaines, celle de la fibre optique, la problématique du produit ON, la fausse alerte de la construction du bureau de poste à Kabeya Kamwanga et raccordement en fibre optique de la province du Kasaï Oriental, le cas particulier de la société prestataire «Nous Deux»…

DE LA FIBRE OPTIQUE…

De la fibre optique au cas de la société prestataire «Nous Deux» en passant par  le produit ‘’ON’’ et la construction du bureau de poste de Kabeya Kamwanga et raccordement en fibre optique du Kasaï Oriental, les agents, cadres et retraités de la SCPT dénoncent la mauvaise gestion générale de leur société par le DG Musete.

Après avoir été financée à hauteur de plus  230 millions de dollars américains grâce à un prêt de Exim Bank of China garanti par l’Etat congolais, la fibre optique est malheureusement non opérationnelle depuis avril 2022, une année à peine après le retour aux affaires du numéro un actuel de la SCPT. Conséquence, l’Etat devra donc rembourser le principal et les intérêts pour un investissement qui n’a profité à personne, faute d’une gestion orthodoxe de la société, déplore son personnel  A la place de mettre à la disposition de cette infrastructure des techniciens de la SCPT pour en assurer la maintenance, le chef de la société les lui a sciemment privés en vue de justifier l’emploi des privés dont sa propre entreprise dénommée Fitec. A ce jour, les flux des télécommunications des privés échappent quasiment au contrôle du fisc via la SCPT, suscitant un problème de sécurité. A titre illustratif, la réhabilitation de 4 000km du réseau câble à fibre optique est confiée à dix sociétés, toutes des prestataires privés (Fitec, IP Consult, Nous Deux, HTS, Batitec, Mavcom, AfricaInvest, Elim Solution, et Buisat) pour un marché de gré à gré autorisé par la Direction générale de passation des marchés publics, dont les clauses du contrat stipulent que les prestataires devraient préfinancer les travaux et leur paiement par la SCPT ne devrait intervenir que 45 jours après la réception définitive des travaux. La durée des travaux était estimée à six mois à dater du 28 juin 2021. Coût des travaux : 5 millions de dollars américains.

Malheureusement, aucun des prestataires ne s’est acquitté de ses obligations. Et en  lieu et place de résilier tous ces contrats pour non-exécution, le DG Musete a pris l’initiative de solliciter en leur faveur un crédit auprès de Equity Bank pour permettre à ces prestataires de remplir leur part de contrat. Chaque prestataire a reçu 100 000 dollars américains de crédit, sous la couverture de la SCPT, au terme du processus. Une enquête révélera, déplorent les agents et cadres de la SCPT, que toutes ces sociétés soit appartiennent  au DG lui-même, soit à l’un de ses frères ou amis. Dans ce dossier, l’homme fort de la SCPT aurait imposé aux prestataires de n’acheter les câbles et autre matériel qu’à une société qu’il désigne nommément  et installée en France, et appartenant à un de ses amis…Et malgré tous ces avantages indus, déplore le personnel de la SCPT, aucune de ces sociétés prestataires n’est parvenue à ce jour à achever les travaux. Conséquence, la société risque de débourser 5 millions USD, y compris les intérêts pour des travaux mal ou non exécutés.

Le tronçon Kinshasa- Bandundu a été confié à la société Fitec appartenant au DG. Comme on peut s’y attendre, les travaux n’ont pas été exécutés conformément aux standards convenus. Dans ce tronçon, il fallait réhabiliter deux câbles : Kinshasa- Bandundu et Kinshasa- Katanga. Au lieu d’acheter du matériel et exécuter les travaux, la sté Fitec a préféré soutirer quelques fibres du câble du Katanga déviées vers le Bandundu pour pouvoir servir le tronçon. Les conséquences de cette prévarication sont techniques et financières : les 36 fibres de chaque câble prévues arriveront à destination avec moins de capacité que prévu. Un manque à gagner financier énorme estimé à des millions de dollars américains et pour la société et pour l’Etat congolais.

….AU PRODUIT ‘’ON’’ ET A LA CONSTRUCTION DU BUREAU DE POSTE A KABEYA KAMWANGA

Ce produit a été lancé sans étude préalable. Le produit ‘’ON’’  ne profite pas à la SCPT. En effet, excepté l’Internet que fournit la SCPT, les prestataires devraient apporter en termes de valeur ajoutée, la téléphonie et la télévision. Sur le terrain, les boxes que les prestataires déposent chez les clients n’offrent que l’internet fourni par la SCPT, les deux autres produits attendus d’eux sont non opérationnels jusqu’à ce jour. Mais les paiements des clients sont orientés exclusivement aux comptes desdits prestataires. Les agents de la SCPT se plaignent que leur société, propriétaire de l’Internet, ne bénéficie de rien du tout.

Le personnel de la SCPT déplore que le DG Musete utilise son intelligence en défaveur de la société. Ainsi, informé des tractations en cours sur les nominations de mandataires dans les entreprises publiques, il n’a pas, d’après des sources internes, attendu pour mettre les charrues devant les bœufs en organisant un semblant de cérémonie de pose de la première pierre pour la construction d’un bureau de poste dans le territoire de Kabeya Kamwanga – du reste territoire du chef de l’Etat Félix Tshisekedi – le 12 août 2022. L’objectif étant de faire croire à l’opinion qu’il servait le chef de l’Etat. Mais en réalité, ce n’était qu’un trompe-l’œil pour s’attirer les faveurs de celui-ci. En effet, aucune construction n’y est érigée à ce jour, se lamentent les agents et cadres de la SCPT. En outre, le lancement avec pompe des travaux de raccordement en fibre optique du Gouvernorat du Kasaï Oriental à Mbuji-Mayi est sans lendemain. Se serait-il agi d’une manoeuvre destinée à faire à l’opinion, une fois de plus, que le DG Musete fait quelque chose dans la province de Félix Tshisekedi.

EN PASSANT PAR LE CAS DE LA SOCIETE « NOUS DEUX »

La SCPT et la société Airtel ont signé en 2017 un contrat de concession d’un droit irrévocable d’usage à long terme d’une durée de 15 ans, au terme duquel la SCPT a cédé pour exploitation à Airtel ses capacités ou bande passante.  Un contrat dénoncé en son temps étant donné que le gestionnaire fut un ancien d’ Airtel. Et pour assurer une bonne exécution du contrat, Airtel avait engagé la société «Nous Deux» pour accompagner la SCPT à faire face aux pannes éventuelles du réseau sur la liaison Kinshasa-Moanda. Pour cet accompagnement, confie la source, Airtel paie 30 000 USD par mois à la société «Nous Deux». Mais, apprend-on, sur le terrain aucun accompagnement n’est perceptible pour le maintien de la fibre optique. Entre temps, «Nous Deux» signe un autre contrat avec la SCPT pour la réhabilitation de la fibre optique tronçon Matadi-Moanda. Deux contrats pour un même travail non exécuté, mais payée aussi bien par Airtel que par la SCPT, dénoncent des agents.

LES DOUZE CONCESSIONS DE LA SCPT BRADEES

Voici les douze concessions de la SCPT S.A pour lesquelles le DG Musete a signé des contrats de bail commercial léonins : la concession à l’Hôtel des postes à la Gombe (2),  la concession de la SCPT située au croisement des avenues Kasa-Vubu et boulevard Sendwe ; la concession de l’avenue de la Justice jouxtant l’ECC, en diagonale de l’Hôtel du Gouvernement/Immeuble Intelligent à la Gombe ; la concession Haut Commandement au croisement des avenues des Forces armées et des Palmiers, dans la commune de la Gombe ; la concession  de la SCPT située à la Place des Evolués au croisement des avenues Cadeco et Kidicho, dans la commune de la Gombe ; la concession de la SCPT située à la 12ème rue Q/Limete Résidentiel dans la commune de Limete ; la concession de la SCPT située au croisement des avenues Bonga et Bagata  dans la commune de Kalamu ; la concession de la SCPT située au quartier Mutoto dans la commune de Matete ; la concession de la SCPT située au croisement des avenues du Stade et Bikoro, dans la commune de Kalamu ; la concession de la SCPT située à Kolwezi dans la province de Lualaba et la concession de Bunia, province de l’Ituri..

A titre illustratif, il y a lieu de citer deux exemples qui soulignent bien ce bradage, déplorent les agents et cadres qui ne savent plus à quelles autorités s’adresser pour sauver leur entreprise. Le premier cas concerne le contrat de bail commercial entre la SCPT et Simmokin SARL au croisement des avenues Kasa-Vubu et Sendwe, dans la commune de Kalamu. L’imposant immeuble qui y trône est loué à…seulement 3 000 dollars américains pour une durée de contrat de 25 ans renouvelable par tacite reconduction. Le loyer d’un tel immeuble avoisinerait quelque 50 000 USD mensuels ! On relève comme irrégularités entre autres faits que le contrat stipule que, pendant la moitié de la première durée de contrat de 25 ans, il ne peut être possible de résilier ledit contrat pour quelque cause que ce soit. En plus, il peut être résilié moyennant un préavis de trois ans adressé à l’autre par la partie la plus diligente.

Quant au second est le contrat de bail entre la SCPT et la société ProAccess SPRL, au croisement des avenues Palmiers et Haut Commandement, dans la commune de la Gombe. Le montant du loyer mensuel est de 2 000 dollars américains pour un tel immeuble imposant en étages abritant magasins, bureaux et appartements dont le nombre n’est pas déterminé.. Quant à la durée de contrat, il est de 20 ans renouvelable. Le contrat prévoit qu’en cas de résiliation du contrat de bail, le bailleur s’engage à rembourser l’intégralité des frais déboursés par le partenaire plus les dommages et intérêts, s’il échoit. Pour les agents et cadres, c’est une vente camouflée qu’accepter un tel contrat !

LA SCPT INCAPABLE D’HONORER LES CHARGES DE SON PERSONNEL

A tout prendre, un homme normalement constitué n’a pas besoin d’être un inspecteur de l’IGF pour conclure à un bradage immobilier et foncier bien organisé, rien que pour les deux immeubles de la SCPT pris à titre exemplatif. Que gagne l’Etat-propriétaire avec de tels contrats visiblement iniques ?

En un mot comme en mille, c’est toute la gestion de la SCPT que l’ensemble du personnel de la société dénonce. Une gestion qui, pour les agents et cadres, fait perdre de substantielles ressources financières non seulement à la société, mais également et surtout à l’Etat-propriétaire.

Conséquence de cette situation, la SCPT est incapable d’honorer les charges salariales de son personnel. En effet, la signature de ces contrats devrait générer de substantiels fonds dont une partie était destinée à éponger les arriérés de salaires devenus chroniques des actifs et des retraités et, de renflouer le Trésor public.

Le numéro un de la SCPT s’est illustré dans un recrutement massif d’agents, alors que les travailleurs de la capitale croupissent sous le poids de 8 mois de retard de paiement de salaire, ceux de l’intérieur ayant dépassé les 20 mois !

RECOURS AUX DECOUVERTS BANCAIRES

Et pour faire face à toutes ses charges, l’actuelle direction de la SCTP s’est rabattue dans des découverts bancaires, tout en délocalisant les paiements du personnel des banques à la paie manuelle, aux guichets de la SCPT ; alors que l’ère est à la bancarisation de la paie dans pratiquement toutes les entreprises publiques.

Le cas de la gestion de la SCPT par le DG Musete révèle à ce jour un échantillon des cas qui ternissent l’image du président de la République par la misère imposée aux agents et cadres tout comme aux retraités de la SCPT ainsi qu’à leurs familles. En outre, quel bilan  Félix Tshisekedi va présenter en décembre 2023 lors des élections dans le secteur des postes et télécommunications ? Cela risque de jouer contre lui. Tout en tenant compte du fait qu’à la différence des autres entreprises publiques en l’occurrence la Gécamines, la SNCC et l’Onatra, la SCPT est présente sur l’ensemble du territoire national du pays. Ce qui relève d’une importance sans pareil en termes d’électorat dont Félix Tshisekedi a besoin pour se faire élire pour un second mandat.

Le personnel de la SCPT ne réclame qu’une seule chose; que le DG de la SCPT soit entendu devant la Représentation nationale pour répondre des actes de sa gestion qui ont comme chosifié la SCPT et floué l’Etat-propriétaire sans être inquiété. Il réclame également que la justice se saisisse du cas de la SCPT S.A, d’autant plus que l’IGF a déjà prouvé la mauvaise gestion de M. Musete Lekan Didier. En même temps, les agents, cadres et retraités de la société s’interrogent sur le silence de cette justice alors que la mauvaise gestion du DG Musete avait été dénoncée par l’Officier des renseignements des FARDC et que, saisi de ce dossier, le Procureur général près la Cour de cassation avait réagi en instruisant par sa lettre n°5987/D.023/13644/PGCCAS/BAK/2022 /du mois d’octobre 2022 le Procureur général près la Cour d’appel de la Gombe  «pour une instruction judiciaire urgente à mener» sur ce dossier de bradage, détournement de deniers publics et mauvaise gestion des ressources humaines à charge du directeur général de la SCPT.  Mais, déplore le personnel de la SCPT, depuis, aucun dossier n’a été instruit à ce jour. In fine, il se réfère à l’implication du chef de l’Etat pour que la SCPT ne continue plus à subir ce martyre. Kléber KUNGU

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