*Fort de ses 12 ans d’expérience en tant que gouverneur du Nord-Kivu, le ministre de l’Industrie ne croit pas à la sincérité de la force régionale de l’EAC.
Les affrontements entre les FARDC et le M23 ne sont plus récurrents ces derniers jours dans les zones de combats. Cependant, les rebelles sont encore présents dans des entités stratégiques en dépit de leur retrait de certains axes. C’est notamment l’axe Karuba, Kirolire et Mushaki sur la route Sake-Masisi et Sake-Kitshanga en territoire de Masisi. Les endroits où les M23 restent présents sont notamment les collines stratégiques non loin de Sake, renseigne-t-on.
Dans le territoire de Rutshuru, le M23 s’est retiré de certaines entités de la chefferie de Bwito, notamment à Kibirizi, Kabanda et Kibingu, alors qu’ils sont toujours présents à Kishishe, Tombo, Bambo jusqu’à Bwiza.
Invité de l’émission « Dialogue entre Congolais« , le lundi 20 mars, sur Radio Okapi, Julien Paluku a analysé cette nouvelle évolution de la situation sur les lignes de front avec Augustin Muhesi, professeur des sciences politiques à l’Université de Goma et Université catholique Graben de Butembo et Bob Kabamba, professeur à l’Université de Liège en Belgique.
PESSIMISTE
Dès l’entrée de jeu, Julien Paluku s’est montré dubitatif sur le retrait du M23 de certaines zones dans le Nord-Kivu. « Si je suis un peu dubitatif, comme l’a dit le Président de la République face à Emmanuel Macron à Kinshasa, on doit s’interroger si réellement les pays qui nous agressent vont cesser de mettre leurs griffes sur les richesses congolaises« , a-t-il réagi.
En 2022, par exemple, a-t-il rappelé, ils (Rwandais) ont enregistré les recettes de l’ordre d’ 1 milliard 700 millions dollars américains suite à la contrebande minière qui s’opère dans l’Est de la RDC. « Il faudrait que le pays qui est le nôtre considère que la trêve ou le retrait dont on parle peut toujours constituer un moyen d’organisation des agresseurs avec leurs supplétifs qui sont le M23 pour contre-attaquer demain« , a prévenu le ministre de l’Industrie.
« Lorsque vous analysez la situation de guerre dans l’Est de la RDC, l’histoire nous apprend que depuis 1885 jusqu’à nos jours, le Congo a toujours été comme une proie pour tous les prédateurs, le lieu où tout le monde peut venir s’approvisionner. Ce qui fait qu’aujourd’hui certains États voisins commencent à devenir de grands producteurs des minerais dont ils n’ont aucun gisement« , a déploré Julien Paluku.
SE PRÉPARER À UNE ÉVENTUELLE GUERRE
Pour lui, « la RDC devra maintenant se préparer en conséquence tout en ne pas comptant sur les forces de l’EAC qui constituent une solution cosmétique« . « Nous avons un travail à faire en interne pour nous préparer à une guerre éventuelle qui peut nous arriver« , a recommandé Julien Paluku.
L’ancien gouverneur du Nord-Kivu a a expliqué que « le désengagement du M23 est total parce que quand, dans une bataille, une force décide de se retirer, il y a trois raisons » : soit la force en question est battue par une puissance de feu supérieure, soit elle est dans une réorganisation pour attaquer ultérieurement ou elle subit une pression diplomatique« .
FORTE PRESSION DIPLOMATIQUE
La réalité au Nord-Kivu, a poursuivi Julien Paluku, est qu' »il y a une forte pression diplomatique mise en œuvre face à l’agression rwandaise, surtout avec la survenance des massacres qui ont eu lieu dans cet espace notamment à Kishishe et ailleurs« . Il dit être convaincu que « la face cachée du Rwanda est en train d’être mise à nu. Hier c’était la RDC qui était sur toutes les lèvres. Mais aujourd’hui on a compris qu’il n’était qu’un ingrédient de la guerre qui est faite à la RDC depuis 1996« .
Julien Paluku a affirmé qu’ « il est dévoilé à la face du monde que cette guerre est économique et motivée par la recherche des minerais. La pression est très forte qu’aujourd’hui on assiste au retrait, au désengagement du M23 sur la ligne de front ». « Si on voit les agitations qui avaient eu lieu avant la venue de la mission des Nations Unies, on peut s’interroger aujourd’hui si ce retrait fait suite aux pressions diplomatiques ou il est accéléré par la montée en puissance des FARDC« , s’est-il demandé.
« Mais qu’à cela ne tienne, tout ce que la population veut voir, sentir, c’est la libération de ces espaces afin qu’elle puisse regagner ses territoires et reprendre les activités. C’est l’objectif ultime de nos populations, mais pour y arriver, toutes les solutions sont les bienvenues pour que la population retrouve le confort« , a conseillé Julien Paluku. Rachidi MABANDU