Sommet de Bujumbura : la RDC peut-elle faire confiance à l’EAC et à sa Force ?

Les chefs d’Etat de la Communauté des pays de l’Afrique de l’Est (EAC) se sont réunis à nouveau à Bujumbura le samedi 04 février 2023 pour évaluer la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC après les conclusions des pourparlers de Luanda en novembre 2022 dans le cadre du 20ème sommet. Dans leur communiqué final sanctionnant ces assises organisées en privé au Palais présidentiel de Burundi, les six chefs d’Etat de la sous-région ont exigé un cessez-le-feu immédiat dans l’Est de la RDC. Parmi les résolutions de Bujumbura, l’EAC a décidé du déploiement d’autres troupes de la force régionale dans le Nord-Kivu. La Communauté des pays de l’Afrique de l’Est a également opté pour la cessation immédiate des hostilités par les parties en conflit. Autre résolution, les chefs d’État des pays de l’EAC vont se retrouver dans une semaine, soit le samedi 11 février pour évaluer les décisions prises à Bujumbura.

Le Sommet de Bujumbura vient rallonger la liste des sommets qui se tiennent au chevet de la RDC. Le mini-sommet de Luanda tenu le 23 novembre 2022 avait proposé une feuille de route, à commencer par la cessation des hostilités sous 48 heures et à la fin de tout soutien aux rebelles du M23.

Trois mois plus tard, le constat est tout malheureux : les terroristes soutenus par Kigali ont poursuivi leurs hostilités et le Rwanda ne les a pas lâchés, non plus. Conclusion : la feuille de route a simplement été foulée aux pieds ! Ce, sous la barbe de la Force régionale de l’EAC déployée dans la région. Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées pour faire taire les armes et apaiser les tensions, en vain jusqu’à présent.

En dépit de cet échec patent, une nouvelle fois, les chefs d’Etat de la région se sont accordés pour exiger un  » cessez-le-feu  » et un retrait de tous les groupes armés. Mais ce qui n’a pas été respecté à Luanda, Bujumbura sera-t-il capable de le faire respecter? Telle est la question que d’aucuns se posent en ce moment où les choses marquent le pas sur le terrain militaire.

FORCE REGIONALE EGALE MONUSCO BIS ?

Il est évident qu’après trois mois, toutes les mesures prises en Angola en novembre dernier n’avaient eu aucun impact sur le terrain. Si le M23 s’était retiré de deux de ses positions qu’il occupait, à Kibumba et à Rumangabo, il est vrai ces terroristes ne s’étaient pas repliés comme convenu vers l’Est. Ils en avaient d’ailleurs profité pour avancer vers l’Ouest et occuper de nouvelles localités dans le Masisi. Sous le regard très observateur, complice et spectateur de la Force est-africaine. Et on n’est pas loin de la situation que les Congolais vivent des décennies durant avec les casques bleus de la Monusco. Force régionale égale Monusco bis ? La question reste posée. D’où l’hostilité des populations locales envers cette Force. En effet, ces populations  ne comprennent pas la passivité de cette Force et dénoncent les « zones tampons » créées par sa présence. Une force dont la composition est entourée de beaucoup de suspicions. Les forces rwandaises ont bien été exclues de cette force après les révélations du soutien de Kigali au M23. Par ailleurs, la présence de l’Ouganda n’est pas sans polémique. En effet, selon un dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU, apprend-on d’Afrikarabia, un média en ligne,  Kampala servirait de base arrière et de soutien aux rebelles. Ce qui renforce davantage la défiance des Congolais envers les militaires kényans de l’EAC.

FAUDRA-T-IL ALLER DE SOMMET EN SOMMET ?

Ce qui conforte aujourd’hui la position et cette méfiance des Congolais qui pensent que la présence de leur pays au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est reste inopportune. L’adhésion de la RDC à cette organisation sous-régionale en mars 2022 avait soulevé un tollé d’interrogations et beaucoup de réserve de la part de l’opinion et de la classe politique. Les uns et les autres ont en effet eu le sentiment que la CAE (EAC en français), de par sa position, ne peut pas s’assumer dans le sens de condamner le Rwanda qui agresse l’un de ses membres pour son soutien au M23.

Après Luanda en novembre, Bujumbura en février, des observateurs bien avertis se demandent si les chefs d’Etat de la CAE doivent aller de sommet en sommet sans résultat positif. D’autant plus qu’il est prévu dans une semaine un énième sommet.

Et au sujet de l’adhésion de la RDC à l’EAC, il y a à s’interroger pourquoi une telle adhésion si importante n’a pas été soumise préalablement à l’examen et à l’approbation des deux chambres du Parlement comme s’il s’était agi d’une question de moindre importance. Aussi, bien des Congolais, aussi bien dans l’opinion qu’au sein de la classe politique, sont d’avis que l’adhésion de leur pays au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est est aujourd’hui inopportune. A ce jour, elle apporte au pays plus de problèmes que de solutions.

Par conséquent, face à la persistance de l’insécurité dans la partie orientale du pays où la Force régionale de l’EAC est déployée, le Grand Kivu a connu depuis le mois de janvier dernier quelques manifestations anti-force régionale.

D’abord à Bukavu, au Sud-Kivu où des acteurs de la Société civile ont manifesté le 1er février dernier contre la présence de cette force. Ils lui reprochent de ne pas être parvenue jusque-là à remplir sa mission, celle de rétablir la sécurité dans l’Est du pays. Une autre manifestation similaire a été observée à Goma, au Nord-Kivu  en janvier dernier.

LA CREDIBILITE DE LA FORCE MISE EN DOUTE

Questions : les Congolais peuvent-ils faire confiance en l’EAC et à sa Force ? Pourquoi seraient-ils confiants en une organisation dont certains membres – le Rwanda et l’Ouganda – ne jouent pas franc-jeu avec un autre en l’occurrence la RDC ? Si certains dirigeants des pays membres de cette organisation intergouvernementale régionale nourrissent des sentiments non cordiaux envers d’autres membres, peut-on croire que la Force militaire qu’ils mettent en place peut-elle inspirer confiance ?

Ainsi la crédibilité de cette Force censée rétablir la paix et la sécurité dans une région en proie à des violences sans fin est mise en doute. Et au sujet de la nouvelle force qui sera déployée dans la région, de quoi pourrait-elle être capable que la première force n’a pas pu faire ? La RDC a-t-elle besoin d’une autre force alors que la première n’a pratiquement rien fait, sinon observer l’avancée du M23 ou l’aider dans cette avancée dans la conquête de nouvelles localités ? De quels moyens matériels et logistiques dont la Force régionale n’a pas bénéficié pour qu’elle n’arrive pas à remplir convenablement sa mission que la Force à venir aura pour faire mieux qu’elle? En d’autres termes, pourquoi les pays contributeurs qui seront les mêmes n’ont pas pourvu de ces moyens – s’ils sont fait défaut – à cette Force? Seront-ils prêts à les fournir à la nouvelle Force ? Le doute reste maintenu.

Pour lutter contre ces groupes, l’EAC a créé en 2022 une force régionale devant comprendre des militaires kényans – arrivés à Goma à partir de novembre -, ougandais, burundais et sud-soudanais. Le mini-sommet réuni le 23 novembre à Luanda en Angola lui a confié la mission de  » faire usage de la force  » contre les rebelles du M23 s’ils refusaient de se retirer des zones occupées, ce qu’elle n’a pas encore fait.

PAS BESOIN D’UNE NOUVELLE FORCE

Tout compte fait, Kinshasa n’a pas besoin d’une nouvelle Force. Au Gouvernement congolais de s’assumer. Continuer à compter sur cette force pour régler le problème d’insécurité prévalant dans sa partie orientale est un rêve qui doit être abandonné. Absolument. A moins que les chefs d’Etat de la CAE sortent de leur jeu de cache-cache. En lâchant sans circonlocutions lors de la prise de parole au cours de ces assises, « Le Burundi ne sera jamais partie au conflit opposant la RD Congo et le Rwanda. Je l’ai toujours dit, chaque pays doit avoir sa propre armée capable de défendre son territoire contre l’ennemi« , le président burundais, Evariste Ndayishimiye, président en exercice de l’EAC, a voulu mettre son homologue congolais devant ses responsabilités. Aux Congolais de bien saisir cette réalité.

Quant à l’adhésion du pays à la EAC, le Parlement devrait se saisir de ce dossier pour que les choses se passent comme elles devraient se passer, c’est§à§dire en toute transparence. Kléber KUNGU

20ème  Sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est

4 février 2023. Bujumbura, République du Burundi

Communiqué

1. les chefs d’Etat de la communauté de l’Afrique de l’est, leurs excellences Evariste Ndayishimiye, président de la république du Burundi ; Yoweri Museveni ; président de la république d’Ouganda ; Paul Kagame, président de la république du Rwanda ; Samia Suluhu Hassan, présidente de la république-unie de Tanzanie; Felix Tshisekedi Tshilombo, président de la République Démocratique du Congo ; William Samoei Ruto, président de la république du Kenya ; hon. Deng Alor Kuol, ministre des Affaires de la communauté de l’Afrique de l’est, représentant s.e. le président Salva Kiir Mayardit, président de la république du Soudan du sud a tenu le 4 février 2023 à Bujumbura en république du Burundi la 20ème réunion extraordinaire du chef de l’Etat de l’EAC pour évaluer la situation actuelle de la sécurité dans l’est de la république du Congo (RDC). Les chefs d’Etat se rencontrent dans une ambiance chaleureuse et conviviale.

2. le sommet a reçu des rapports sur la situation actuelle de la sécurité dans l’est de la RDC du facilitateur du processus EAC-LED de Nairobi et du commandant de la force régionale de la communauté est-africaine.

3. le sommet a observé que la situation sécuritaire à l’est de la RDC est une question régionale qui ne peut être régulée durablement que par un processus politique et a souligné la nécessité d’un dialogue amélioré entre toutes les parties.

4. les chefs d’état ont ordonné que le processus politique soit renforcé et accéléré et impliquait tous les détenteurs d’état.

5. les chefs d’Etat ordonnent:

(i)   le cessez-le-feu immédiat par toutes les parties;

(ii)  le retrait, y compris tous les groupes armés étrangers et ordonné aux chefs des forces de défense de se réunir dans la semaine et de fixer de nouveaux échéanciers pour le retrait et de recommander une matrice de déploiement appropriée ;

(iii) que ce processus soit accompagné de dialogue;

(iv) les violations soient signalées au président du sommet pour une consultation immédiate avec les membres du sommet.

6. le sommet a ordonné à tous les pays fournisseurs de troupes de se déployer immédiatement et a exhorté la république démocratique du Congo à faciliter immédiatement le déploiement des troupes de la république du soudan du sud et de la république de l’Ouganda à la; force régionale de l’Afrique de l’est.

7. les chefs d’état ont réitéré leurs décisions lors de la réunion consultative de haut niveau du sommet sur le processus de paix à l’est de la RDC tenue à Sharm el Sheikh en Egypte :

(i) félicitant le facilitateur du processus de Nairobi dirigé par l’EAC pour son leadership et ses efforts pour re-énergiser le processus de paix

(ii) félicitant le conseil de paix et de sécurité de l’union africaine, le conseil de sécurité des nations unies et la communauté internationale pour le soutien politique et financier à la mise en œuvre du processus de Nairobi dirigé par l’EAC et du processus de Luanda.

(iii) félicitant la république d’Angola et la république du Sénégal pour la contribution financière qui a largement facilité le processus politique en cours.

8. le sommet a noté avec appréciation les contributions financières de la république du Kenya et de la république-unie de Tanzanie et a remercié la république du Rwanda et la république de l’Ouganda pour leur engagement à contribuer au fonds de la facilité pour la paix de la CAE.

9. les chefs d’Etat appellent toutes les parties à respecter et à mettre en œuvre les décisions du sommet et les obligations convenues lors des précédentes réunions des chefs d’Etat et autres instruments établis sur la restauration de la paix et de la sécurité dans l’est de la RDC.

10. le sommet a réitéré son appel à toutes les parties à désactiver les tensions et à utiliser les mécanismes régionaux, continentaux et, internationaux établis pour résoudre tout différend dans la mise en œuvre de la paix dans l’est de la RDC.

11. le sommet a réitéré la nécessité de la mise en œuvre des décisions et directives de la 22ème réunion du sommet des chefs d’Etat de l’EAC sur la situation sécuritaire dans l’est de la RDC et invite tous les groupes armes locaux dans l’est de la RDC armer et rejoindre le processus politique comme voie vers le désarmement inconditionnel et la création d’un environnement favorable à la participation aux processus démocratiques à venir.

12. les chefs d’Etat remercient S.E. M. Evariste Ndayishimiye, président de la république du Burundi et président du sommet des chefs d’état de l’EAC pour son engagement continu et son engagement à soutenir le peuple de la rdc dans sa recherche pour une paix et une sécurité durables et a prolongé leur gratitude pour l’hospitalité chaleureuse et cordiale selon eux et leurs délégations pendant leur séjour au Burundi.

Fait à Bujumbura, le 4 février 2023

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