Présidentielle 2023 : vivement un candidat originaire de la Grande Orientale

L’heure n’a pas (encore) sonné pour qu’un candidat originaire de la Grande Orientale, ex-Province Orientale avant le démembrement en 2015, devienne le président de la République démocratique du Congo si demain les urnes en décident favorablement ? Des observateurs bien avisés de la scène bouillonnante de la politique congolaise se mettent à s’interroger alors que le pays est entré dans une année électorale. Le Kongo Central a été la première à avoir donné au pays un président de la République, l’Equateur également ; le Katanga est mieux servi avec deux chefs d’Etat ; le Kasaï vient d’entrer dans ce cercle réduit des provinces qui ont donné leur fils pour servir le pays à sa magistrature suprême. Mais 62 ans après l’accession du Congo Kinshasa à l’indépendance, la Grande Orientale est absente de ce pré carré. Aussi, bien des voix s’élèvent pour dire à l’unisson : vivement un candidat originaire de la Grande Orientale.

Sans prêcher le régionalisme ni une certaine préférence régionale ou provinciale, si on dégage le poids de cet espace géographique du pays en termes de ressources naturelles, de la démographie, de la culture, de l’histoire, on tombe bien d’accord que la Grande Orientale dispose d’atouts de poids pour qu’elle puisse bénéficier de ce privilège d’avoir, cette fois-ci, un de ses fils pourquoi pas une de ses filles briguer la magistrature suprême du pays et finalement occuper le Palais de la Nation.

De par sa superficie (503 239 km2, comparable à celle de l’Espagne), l’ex-Province Orientale était la plus vaste et la plus peuplée du pays avec  plus de 9 millions  d’habitants (2015).

Dotée d’énormes ressources naturelles (sol et sous-sol) : or, diamant, fer, pétrole, forêt, cours d’eau, etc.,  l’ex-Haut-Zaire  est l’une des plus riches de la RDC.

Sur le plan historique, la Grande Orientale est sans conteste le berceau du nationalisme congolais ayant la particularité d’accepter tout le monde.

Sur le plan de la culture et linguistique, elle a ceci de particulier  qu’elle est une province carrefour où se côtoient et se parlent agréablement deux langues nationales, à savoir : le swahili et le lingala. Ainsi ici tout Congolais est à l’aise à s’exprimer dans les deux langues. Deux cultures linguistiques qui symbolisent l’Est swahiliphone et l’Ouest lingalphone.

En raison de nombreuses guerres qui se sont déroulées et rébellions qui sont nées dans cet espace géographique, la Grande Orientale est considérée comme une province martyre. Par conséquent, elle a payé le plus lourd tribut d’une instabilité politique criante. Kisangani, la ville que d’aucuns appellent  »ville martyre », est un microcosme de la RDC. Si bien qu’on ne peut retracer l’histoire de la RDC sans parler de Kisangani.

LA PLUS GRANDE PRISE D’OTAGES DU XXème SIECLE

De la plus grande prise d’otages aux affrontements des armées rwandaise et ougandaise sur son sol en passant par des rébellions et autres soubresauts politiques, voilà le statut que présente Kisangani. Si bien qu’aujourd’hui, elle est considérée comme une ville martyre.

Après l’éviction de Lumumba en juillet 1960 et sous la menace de la sécession katangaise dans le Sud-Est, Antoine Gizenga fuit Kinshasa pour installer le gouvernement à Stanleyville, actuellement Kisangani, s’estimant dépositaire de la seule autorité légitime du pays.

Antoine Gizenga a été l’adjoint de Patrice Lumumba, le tout premier chef de gouvernement du Congo après l’indépendance du pays en 1960. Suite à un coup d’Etat mené par Mobutu Sese Seko, il prendra la tête d’un groupe de partisans de Lumumba à Kisangani dans le Nord-Est du pays. Arrêté, Gizenga connaîtra l’exil pendant 25 ans.

Le 5 août 1964, Stanleyville, aujourd’hui Kisangani, chef-lieu de l’ex-Haut-Zaïre, connaissait la plus grande prise d’otages du XXème siècle. Des rebelles congolais s’emparaient de la ville de Stanleyville et allaient retenir en otages plus de 1 600 personnes, dont 525 Belges, selon La Libre Belgique. Cette prise d’otage n’a pris fin que le 20 novembre suivant par une audacieuse opération combinée, aéroportée et américano-belge  »Dragon rouge » et terrestre congolo-belge connue sous le nom d »’Ommegang » qui s’est toutefois soldée par une trentaine de morts dans les rangs occidentaux et bien plus dans les rangs de la rébellion.

KISANGANI, VILLE MARTYRE DE L’OCCUPATION ETRANGERE

Kisangani est également une ville martyre du fait de l’occupation étrangère. Du lundi 5 au 10 juin 2000, deux armées étrangères, en l’occurrence rwandaise (Armée patriotique rwandaise, APR) et ougandaise (Uganda People’s Defence Force, UPDF) ont transformé la ville en champ de bataille en s’y affrontant pendant six jours en ravageant pratiquement la troisième ville du Congo. Kisangani a vécu la Guerre de six jours dont les combats ont fait 700 morts parmi les civils et autant de blessés. La ville de Kisangani avait déjà subi des affrontements entre les troupes rwandaises et ougandaises en août 1999 et le 5 mai 2000. Mais les affrontements de juin 2000 furent les plus meurtriers et ont sérieusement sinistré une grande partie de la ville de Kisangani avec de 7 000 à 10 000 obus tirés. Ces deux armées se sont affrontées pour le contrôle de Kisangani et des ressources naturelles des environs. Elles avaient également détruit plus de 400 résidences privées et gravement endommagé des biens publics et commerciaux, des lieux de culte, dont la cathédrale catholique Notre-Dame, des établissements scolaires et sanitaires, dont des hôpitaux.

LA PLUS EXPOSEE A TOUTES LES CRISES POLITIQUES

Kisangani est la plus exposée à toutes les formes des crises politiques depuis les premières heures de l’indépendance. Après la rébellion muleliste de 1964, elle fut le théâtre de toutes les factions rebelles de 1998 à 2003. Les conséquences de ces turpitudes sont incalculables sur la vie de la population devenue plus pauvre qu’avant. Les conflits interethniques dans le district de l’Ituri ont davantage plongé la population de cette partie du territoire national dans la grave misère.

C’est l’ensemble d’éléments qui constituent des atouts qui plaident en faveur de la Grande Orientale  constituée de quatre provinces, à savoir : la Tshopo, le Haut-Uélé, le Bas-Uélé et l’Ituri pour qu’elle arrive à inscrire également son nom sur la liste des provinces ayant donné au pays ses fils pour le servir.

Voilà cette province qui, depuis 1960, peine à donner à la République un de ses rejetons au service du pays. Même si, interrogée, l’histoire révèle que l’ex-Haut-Zaïre a déjà donné un chef de corps, en l’occurrence un Premier ministre. Cependant, les atouts que présente cet espace en termes de poids économique, démographique, historico-culturel sont tels qu’un président de la République originaire de ce coin équilibrerait la balance.

Si l’heure était venue pour que la Grande Orientale ne se contente pas de jouer le second rôle, qu’elle se limite seulement dans la catégorie de « faiseur de rois » , pourquoi en décembre 2023 les voix des Orientaux conjuguées avec celles d’autres Congolais ne porteraient à la magistrature suprême un originaire de l’ex- Haut-Zaïre?

VOIR UN DES FILS PRETENDRE AU TOP JOB

Donc, plutôt que d’étouffer des ambitions légitimes qui s’exprimeraient dans le sens de briguer la magistrature suprême du pays, l’opinion devrait comprendre que certains dignes fils et filles de la Grande Orientale pensent qu’il est plus que temps que cet espace qui a tant donné à la République, qui s’est tant sacrifié pour elle et qui continue à payer un lourd tribut pour l’unité nationale, voie l’un ou l’autre de ses filles ou fils prétendre au top Job.

Un coup d’œil dans cet espace montre que des hommes ressources, des hommes pétris d’expérience, des hommes et des femmes ayant déjà le sens de l’Etat ne manquent pas. Reste que ceux-ci prennent en main leur responsabilité, du reste, celle de la République tout entière. Comme enseigne une locution-phrase de Jean Racine,  » qui veut voyager loin ménage sa monture « , il est temps que les têtes huppées du secteur politique de la Grande Orientale se préparent déjà à cette compétition électorale. En effet, même si l’analyse historico-politique de cette province montre qu’aucun fils ou qu’aucune fille originaire de cette aire n’a déjà dirigé ce pays, il appartient d’abord à eux, et à eux seulement en premier lieu d’exprimer les ambitions pour que les autres les appuient. Et non le contraire.

Que ce vaste et riche espace pense aujourd’hui qu’il est temps de briguer la magistrature suprême du pays, c’est tout à fait légitime. Kléber KUNGU

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