* La RDC ayant suffisamment souffert de contrats déséquilibrés et léonins
Le démarrage des travaux du projet Grand Inga et développement des industries vertes en République démocratique du Congo est pour bientôt. C’est le sens à donner à l’échange que le Premier ministre Sama Lukonde a eu le mercredi 30 novembre avec une délégation du Groupe Fortescue Future Industries (FFI) représenté par sa directrice générale et chef de la délégation, Julie Shuttleworth, en présence du Conseiller spécial du Chef de État en matière d’Infrastructures, Alexis Kayembe, et de quelques membres du cabinet du Chef du Gouvernement. Mais les enjeux en présence sont tels que le Parlement est appelé à voir clair dans ce contrat en ouvrant le bon œil.
De cet échange, a-t-on appris de certaines sources, sont sorties de bonnes choses, une bonne nouvelle qu’attend souvent une population dont les conditions de vie doivent être améliorées. Une bonne nouvelle qu’attend un gouvernement qui a besoin de moyens conséquents pour réaliser sa politique. Seulement, dans ces conditions d’attente, on risque d’aliéner, de brader la souveraineté du pays, pourvu qu’on obtienne ce qu’on attend. C’est justement ce genre de scenario qu’il faut à tout prix éviter.
Quelle bonne nouvelle pour tout Congolais que d’apprendre que ce projet dit Grand Inga va bientôt devenir une réalité. D’autant plus que sa concrétisation va assurément résoudre la sempiternelle problématique de courant électrique qui constitue l’un de ses soucis majeurs de tous les jours.
Qui parmi les Congolais ne se réjouirait pas d’apprendre que la mise en œuvre de ce méga projet va engendrer des milliers d’emplois susceptibles de résorber le chômage dans lequel son pays baigne ? D’autant plus que la D.G de Fortescue Future Industries a déjà donné le goût des dividendes que les Congolais vont en tirer, lorsqu’elle a annoncé après son échange avec le Premier ministre Sama Lukonde : « nous allons commencer les travaux préparatoires qui vont donner énormément d’emplois et énormément d’opportunités aux Congolais. «
NE PAS TOMBER DANS L’EUPHORIE
Que le Premier ministre Sama Lukonde s’empresse de voir le partenaire de son pays activer ce dossier, il n’a pas tort et cette préoccupation procède du souci légitime d’un chef de gouvernement désireux de voir s’améliorer le quotidien de la population.
Que Fortescue Future Industries soit le partenaire de la RDC dans le développement du Projet Grand Inga et des industries vertes, notamment la production de l’hydrogène afin de permettre la transition énergétique au pays, cela reste une opportunité pour un pays en quête d’investisseurs pour ses nombreuses richesses naturelles.
Voilà autant de palettes d’avantages qui se présentent devant le Congo. Cependant, tous ces avantages ne peuvent pas s’offrir à n’importe quel prix. Il y a lieu que les dirigeants congolais ne tombent pas dans l’euphorie que présente une telle offre. C’est à ce niveau que des voix plus prudentes et bien averties s’élèvent pour attirer l’attention sur ce dossier.de ceux qui sont à la tête de ce pays.
Mais à ce stade de l’évolution dudit contrat, avec ce groupe australien, l’on se demande si les autorités congolaises ont pris toutes les précautions pour qu’il ne puisse pas aliéner la souveraineté du pays. Qu’il ne tourne pas à ce contrat où la RDC est le dindon de la farce, c’est-à-dire où la RDC est roulée dans la farine. Le souhait est que le Gouvernement soit en amont et en aval de ce projet pour ne pas à avoir brader ses ressources sans qu’il n’en tire profit.
NE PAS ATTENDRE QUE LE MAL SOIT FAIT POUR INTERVENIR
Sans douter du sérieux ou de la rigueur des dirigeants congolais dans le processus ou la démarche de l’exécution des contrats, on est toutefois en droit de s’interroger sur le sérieux et les retombées réelles du côté congolais dans ce dossier. Avec tout ce qu’on apprend, fort de l’expérience du passé la RDC devrait être plus regardante dans l’exécution de ce genre de contrat, à exiger des études de faisabilité qui ne souffrent d’aucun doute.
Donc, pour un contrat comme celui-ci, le Parlement, comme instance à la fois de contrôle et de représentation nationale, ne devrait pas longtemps attendre pour se saisir du dossier. En organisant le débat, pas le débat en aval, mais en amont. Car, vaut mieux prévenir que guérir. En effet, il ne faut pas attendre que le mal soit fait pour intervenir. A la manière du camion d’incendie, il ne faut pas intervenir après le feu. Il faut prévenir plutôt le feu. C’est un dossier que les Parlementaires doivent aborder dans l’intérêt supérieur de la Nation.
Car, c’est un pan de souveraineté du pays qui est en jeu. En ce sens qu’Inga est notre souveraineté qui ne peut pas être aliénée ni marchandée si la contrepartie n’est pas à la hauteur des enjeux. Or, pour que cette contrepartie soit à la hauteur des enjeux, il faut qu’on ait fait des vraies études de faisabilité. Ce qui ne serait pas le cas, apprend-on. En effet, une source contactée accuse FFI de n’avoir réalisé aucune étude de pré faisabilité ou de faisabilité.
BESOIN D’INVESTISSEURS, MAIS PAS A N’IMPORTE QUEL PRIX
Le Congo a certes besoin d’investisseurs pour traduire son potentiel en réel, mais cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Car le pays a besoin d’investisseurs pour l’aider à aller de l’avant, à se développer, à y trouver son compte dans tout ce qui se fait à la hauteur de ce qu’il aura mis à la disposition de ces investisseurs.
Le pays a suffisamment souffert de contrats déséquilibrés, léonins pour qu’il continue sur cette voie-là.
Pour les observateurs avertis, le projet Grand Inga, tel qu’il se présente en ce moment, est un sujet qui mérite d’être traité avec beaucoup plus de prudence et de précaution. D’abord par le Gouvernement en tant qu’institution. Tous les ministres concernés par ce dossier, de près ou de loin (c’est-à-dire Energie, Finances, Budget), doivent être impliqués. En un mot comme en mille, le dossier Inga doit être considéré comme l’affaire du gouvernement et non de deux personnalités du gouvernement, ou encore membres du Cabinet du chef de l’Etat et du chef du gouvernement soient-elles, car le projet Grand Inga touche la souveraineté de l’Etat. Après que tous les ministres sectoriels auront fait le tour de la question, il sera question de sortir Inga du domaine public de l’Etat afin de le donner en concession à M. Forrest. Cela se fera par un acte juridique, en l’occurrence un arrêté.
L’OMBRE DE PAUL KAGAME ?
Ensuite, par le Parlement qui doit également se prononcer sur le dossier, la souveraineté de l’Etat oblige. Les élus du peuple et les élus des élus doivent, à leur niveau, ouvrir également le bon œil : ils doivent procéder à l’évaluation du dossier : la superficie, le coût. Des données qui vont permettre d’établir l’acte de l’Etat.
Kinshasa a besoin de prendre toutes ces précautions d’usage car il s’agit – on ne cessera pas de le répéter – de la souveraineté de l’Etat d’abord, ensuite, on a besoin d’investisseurs, mais pas à n’importe quel prix. D’autant plus que selon certaines indiscrétions, la société qui se présente comme partenaire de la RDC dans ce dossier se trouve être un investisseur qui coopère avec le régime rwandais. Et les plaies des Congolais sont encore si béantes pour oublier les causes de ces plaies. D’autant plus que le peuple congolais est loin d’oublier ce que le même Rwanda lui a fait subir en 1998, au plus fort de la guerre d’agression de la RDC en coupant le courant électrique d’Inga. Chat échaudé craint même l’eau froide, enseigne un adage français.
Selon une source généralement bien informée, l’homme fort de Kigali veut devenir la première puissance nucléaire civile d’Afrique. Par conséquent, il s’en est violemment pris le mercredi 30 novembre au président congolais Félix Tshisekedi en l’accusant de vouloir retarder la future échéance présidentielle Et de rappeler les liens étroits qui existent entre Paul Kagame et Andrew Forrest, patron de Fortescue Future Industries. Il est présenté comme un minier dont l’objectif est de mettre la main sur les 70 GigaWatts du Grand Inga qui représentent la souveraineté énergétique de la RDC, non pour construire Inga 3, mais afin de spéculer sur ces permis, faire grimper son cours de bourse et acquérir d’autres mines. .
Pour toutes ces raisons, une bonne partie de l’opinion congolaise s’oppose radicalement à ce contrat avec FFI lui cédant de fait la souveraineté énergétique de la RDC ainsi qu’un accès illimité à ses richesses minières, y compris l’uranium.
C’est une sonnette d’alarme que l’on tire sur ce dossier auprès des autorités congolaises pour qu’elles prennent toutes ces précautions si elles ne les ont pas encore prises au sujet de ce contrat. Kléber KUNGU