Denis Mukwege plaide pour une gouvernance à la hauteur des enjeux mondiaux

S’exprimant devant des étudiants de l’Institut supérieur et pédagogique de Bukavu (ISP/Bukavu),  Dr Denis Mukwege estime que « le temps est venu pour nous de comprendre que si nous avions été les perdants de l’époque esclavagiste, de l’époque coloniale et de ces 60 ans de la post colonie, le moment est venu de nous doter des politiques et des dirigeants capables de comprendre les réalités mondiales et de placer notre pays dans une posture qui permettra à notre peuple d’être enfin bénéficiaire de ses richesses et non la victime éternelle. »

Le Nobel de la paix 2018, courtisé depuis quelques mois par des intellectuels congolais lui demandant avec insistance de concourir à la présidentielle de 2023, serait enfin prêt à franchir le Rubicon ? 

« Tant que nous Congolais nous ne comprendrons pas que notre pays est trop riche pour être laissé en paix, tant que nous ne comprendrons pas que nous devons user de notre intelligence collective pour tirer aussi notre épingle du « grand jeu » qui se joue sous nos yeux, sans nous, nous resterons les dindons de la farce. Le temps est venu de nous organiser pour nous doter d’une gouvernance à la hauteur de ces enjeux mondiaux et prendre notre destin en mains« , a déclaré le Prix Nobel de la paix.

Déjà, indique-t-il, la révolution numérique se fait avec le coltan du Congo. Demain, la révolution verte, la transition énergétique nécessitera le cobalt et le lithium du Congo pour la fabrication des véhicules électriques.

A l’occasion, Denis Mukwege a appelé  son auditoire, à être de « sentinelle de la mémoire » face aux crimes dont sont victimes les Congolais depuis trois décennies à cause de la richesse du pays. Les massacres de Kishise et Bambo, commis par le M23, supplétif du Rwanda, en sont une illustration.

« C’est autant des raisons de nous lever tous ensemble, comme un seul homme, de nous lever contre le broyage de notre humanité et contre la manipulation des faits qui falsifie l’histoire en tentant de faire passer des pyromanes pour des sauveurs« , a déclaré le Dr Denis Mukwege.

Le célèbre médecin de Panzi fait remarquer que « les massacres de Kishishe et Bambo  marquent certes le paroxysme de l’actuelle guerre imposée à notre population, mais en rappelle d’autres et si nous ne faisons rien en annonce d’autres« .

Eveilleurs de conscience

Le médecin poursuit : « Dans ce contexte de guerre, de velléités d’assujettissement de notre peuple et de balkanisation de notre pays, vous faites partie des dépositaires de notre mémoire collective, en tant que peuple et Nation. Vous êtes également les hérauts de la promesse faite à notre jeunesse et aux générations à venir de rester braves, de ne jamais courber l’échine face à l’adversité, de ne jamais oublier d’où nous venons, où sommes-nous aujourd’hui et vers où nous allons. »

S’agissant du rôle spécifique de l’ISP, Mukwege souligne : « Cette tâche de sentinelle de la mémoire est celle de chaque citoyenne congolaise et chaque citoyen congolais. Mais dans un contexte de danger pour notre Nation, elle est aussi et davantage celle des institutions de formation comme la vôtre. En plus de la formation scientifique dispensée à notre jeunesse pour la préparer à assumer ses responsabilités sociétales, vous tenez le rôle phare d’éveilleurs des consciences de notre société. »

Selon le Nobel de la Paix 2018, « Nous sommes un pays qui depuis l’époque de l’esclavage arabe et occidentale est au cœur des révolutions technologiques et économiques mondiales. Si nous ne comprenons pas cela, et renversons la vapeur pour que nous soyons également des acteurs au cœur de ces deals mondiaux, alors non seulement la guerre de pillage de nos ressources perdurera, mais également nous en resterons des victimes. Victimes des massacres pour nous dépeupler afin de mieux exploiter les territoires, victimes des viols utilisés comme arme de guerre afin d’anéantir notre peuple. »

Pour rappel, Dr Mukwege s’exprimait ce mardi 20 décembre à l’ISP/Bukavu, dans le cadre d’une conférence sur le thème : « Le viol utilisé comme arme de guerre et le rôle des établissements d’enseignement supérieur et universitaire dans la construction de la paix en RDC « .    Didier KEBONGO

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