La FEC et ses multinationales veulent plomber les efforts de la DGDA

Une guerre larvée empoisonne les relations entre la Fédération des entreprises du Congo (FEC) et la Direction générale des douanes et accises (DGDA). A la base de cette mésentente, le Système de traçabilité des droits d’accises (STDA). Cette attitude réfractaire à la Loi, le patronat donne l’impression que l’effort de guerre et de développement que nécessitent les enjeux de l’heure ne la concernent pas du tout. Une tentative de plomber les efforts de la DGDA dans le relèvement

Tout est parti d’un communiqué que la Fédération des entreprises du Congo a rendu public le 2 novembre par lequel elle a délibérément menacé la DGDA. Le péché de la régie financière est d’avoir rendu effectif le STDA depuis le 28 octobre. En représailles, la FEC s’est lancée dans des chantages à peine voilés à l’endroit de la DGDA, «déclinant toute responsabilité en cas de détérioration des machines STDA».

Cherchant des poux sur la tête chauve de la régie financière ; le patronat congolais l’a accusée d’avoir voulu renflouer davantage les caisses du Trésor public en réduisant à néant toute manœuvre de fraude. De plus, l’installation de ces machines n’est pas soumise, aux termes de l’article 16 point 4 du Décret n°18/045 du 4 décembre 2018, à «aucune quelconque négociation d’acceptation », contrairement à ce qu’a tenté de véhiculer la FEC dans son communiqué contenant, de l’avis de la DGDA, «plusieurs contrevérités dont l’Etat de droit ne peut s’accommoder», selon le confrère Africa News.

Tous ces chantages et autres intimidations de la FEC n’ont pas émoussé la détermination des dirigeants de la DGDA d’aller de l’avant dans leur souci de maximiser les recettes. Par conséquent,  la DGDA a promis de continuer à lutter efficacement contre les importations frauduleuses et ainsi protéger l’industrie locale. Forte des textes légaux qui lui servent de soubassement et de renfort, cet établissement d’assiette évolue désormais dans la logique de mener à bon port l’opérationnalisation du STDA en tant que «repère structurel du programme économique du gouvernement de la République avec le FMI, dans l’intérêt supérieur de la Nation et des populations de la République démocratique du Congo».

On ne jette des pierres qu’à l’arbre qui porte des fruits. Oui, la DGDA est cet arbre de la RDC qui porte des fruits qui sont loin de contentent tout Congolais.

MISE EN ŒUVRE DU STDA RETARDEE

Le STDA est le fruit d’un contrat conclu début 2020 entre la DGDA et le groupe suisse SICPA. Il vise à tracer les biens et services soumis à accises. Cependant, sa mise en service a longtemps été retardée en raison des «inquiétudes trompeuses et artificielles venant en particulier des brasseries locales» et portées par la FEC, rapporte la source. «Ces préoccupations portaient principalement sur les coûts du système pour l’industrie, alors que l’objectif réel est de bloquer toute réforme qui doit permettre au gouvernement de certifier les niveaux de production des usines en question ». Cependant de nombreuses réunions ont été organisées dès 2020 avec la FEC pour répondre à toutes les préoccupations.

Dans un esprit consensuel, la DGDA a même considérablement réduit les prix du marquage afin que les prix en vigueur en RDC soient en ligne avec les pays avoisinants, bien que ceux-ci représentent seulement un coût marginal du produit final -environ 1%», confie une source à la DGDA citée par la source. .

Il faut reconnaître que l’enfantement du STDA n’a pas de tout repos. La FEC multiplie des crocs-en-jambe et autres subterfuges pour en retarder l’avènement.

En juillet 2021, le Conseil d’Etat a tranché en faveur du gouvernement, permettant ainsi à la DGDA de reprendre le lancement de la STDA.

LE STDA A L’AVANTAGE DE FACILITER LE DEDOUBLEMENT DES RECETTES

«Malgré cette déconfiture judiciaire, la FEC a lancé une nouvelle offensive sur le front politique en demandant un dialogue avec le ministre des Finances, afin de retarder à nouveau le STDA», poursuit la source.

Malgré cela, le STDA fait déjà ses preuves, notamment dans le secteur des télécoms, le plus gros contribuable en matière des accises du pays où l’augmentation des recettes se chiffre à 24,5% en 2021, et à 21,83% au premier semestre 2022, soit une progression des recettes de 45% sur la période considérée, alors que le monitorage des droits d’accises en matière des télécoms est en train progressivement de se mettre en place. Aussi, le monitorage a permis d’identifier plusieurs services non déclarés par les opérateurs qui pourraient constituer une voie d’évasion fiscale. Et grâce au STDA, renseigne la même source, sur une période de seulement 6 mois, des commandes de timbres de tabac avoisinant près de 90% du volume annuel d’avant la réforme ont été enregistrées.

Plusieurs experts sont unanimes : ce système a l’avantage de faciliter le doublement des recettes d’accises dans le secteur de tabac notamment en formalisant des opérateurs du secteur qui auparavant œuvraient dans l’informel.

COUVRIR DES MULTINATIONALES MEMBRES

Ils dénoncent par conséquent l’attitude de la FEC qu’ils jugent déplorable et regrettable d’autant plus que le pays est résolument engagé dans la lutte contre le coulage des recettes publiques et qu’il a pour la première fois de son histoire exécuté l’intégralité de son budget en recettes au 30 septembre. L’attitude du patronat est d’autant plus ambiguë qu’elle donne l’air de couvrir des multinationales membres, qui s’amusent à résister à la mise en place du STDA en République démocratique du Congo.

«Au-delà du simple incivisme fiscal, le réflexe des responsables des entreprises de télécommunication et des brasseries doit être considéré comme un acte de rébellion envers l’autorité de l’administration. Il fragilise la règle de droit et contribue à renforcer la perception de la corruption en République démocratique du Congo», déplore-t-on.

Et de poursuivre: «Car, si l’on peut comprendre la crainte des groupes qui, sans être à capitaux congolais, n’ont de présence connue qu’en RDC, il est très surprenant de voir des sociétés appartenant à des grands groupes internationaux -telles que Bralima du Groupe Heineken, société cotée à la bourse d’Amsterdam, et Bracongo du Groupe Castel- résister à une réforme étatique, alors que les produits de ces deux groupes sont soumis à des programmes de traçabilité fiscale dans le monde entier. Le contre-exemple de BAT et JTI, deux sociétés cotées aux bourses de Londres et de New York, pour la première et à celle de Tokyo pour la seconde, est très éloquent en ce sens qu’elles se sont soumises à la réforme sans résistance et avec civisme».

La position de la FEC envers le STDA intervient alors que le pays qui fait face à l’agression rwandaise via le M23 a besoin de moyens financiers conséquents. Et que la situation dans l’Est du pays exige la mobilisation de tous, y compris des opérateurs économiques, appelés à faire preuve encore de plus de civisme fiscal pour soutenir l’effort de guerre et de développement.             Kléber KUNGU

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