* Par ailleurs, l’Episcopat invite les Congolais à une grande marche pacifique le 4 décembre prochain pour dire NON à l’insécurité dans le pays.
« Rester neutre face à l’injustice, c’est choisir le camp de l’oppresseur. Les endroits les plus sombres de l’enfer sont réservés aux indécis qui restent neutres», citation apocryphe, reprise par Dan Brown, ajoutant que «le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».
Faisant le diagnostic général de la situation actuelle du pays, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), conclut : «l’heure est grave». «Notre nation est en danger ! Si nous n’y prenons garde, nous allons nous réveiller un matin avec un pays balkanisé d’une manière ou d’une autre. Le risque est grand que le pays soit éclaté», alerte l’épiscopat congolais, dans une déclaration sanctionnant son Assemblée extraordinaire, tenue du 7 au 9 novembre courant à son siège national à Kinshasa.
Considérant les efforts fournis par les dirigeants du pays et résultats obtenus, les évêques congolais préconisent la mise en place d’un large cadre national de concertations, au-delà des affinités politiques. Selon les princes de l’Eglise catholique romaine en RD Congo, cette rencontre aurait pour objectif d’évaluer en profondeur, toutes les initiatives prises jusqu’à ce jour en vue d’arrêter de nouvelles stratégies pouvant sauver la nation du danger.
Bien qu’encourageant l’approche diplomatique comme éventuelle solution à la tragédie que vivent les Congolais depuis plusieurs mois, la CENCO souligne, cependant, que l’intégrité du territoire et la souveraineté nationale ne peuvent faire l’objet d’une quelconque négociation. Dans la même veine, les évêques conseillent aux dirigeants du pays d’éviter des alliances avec ceux qui ont mis en place un mercantilisme militaire dont les seules et vraies motivations restent le pillage et l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RD Congo et l’occupation de ses terres.
TOUS DANS LES RUES LE 4 DECEMBRE PROCHAIN
Réitérant l’appel à la mobilisation générale des Congolais, lancé par le Président Félix-Tshisekedi, dans son message annuel à la nation le jeudi 3 novembre, les évêques catholiques notent que la défense de la patrie n’est pas l’affaire des seuls dirigeants du pays. La responsabilité incombe plutôt à tous les Congolais, peu importent leurs divergences d’opinions et leurs colorations politiques.
L’heure étant au resserrement de la fibre nationaliste et davantage, au renforcement de la cohésion et de l’unité nationales, les hommes à la soutane noire avec la croix pectorale et l’anneau, invitent les Congolais, toutes confessions religieuses confondues, à une grande marche pacifique le dimanche 4 décembre prochain. Cette descente dans les rues, selon ses organisateurs, aura lieu à travers l’ensemble du pays.
Quant à la responsabilité de la Communauté internationale dans la tragédie actuelle de la RD Congo, la Cenco fustige ce qu’elle qualifie de complaisance de ladite Communauté vis-à-vis des multinationales et des pays acteurs de la prédation des ressources naturelles de la RD Congo. Dès lors, les évêques congolais concluent que l’attitude tant décriée de la Communauté internationale prouve à suffisance sa responsabilité dans la situation actuelle du pays. Lire ci-dessous en intégralité, ladite déclaration de la CENCO. Grevisse KABREL
L’heure est grave. Notre Pays est en danger ! (cfr Néh 2,17)
Déclaration de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) sur la situation sécuritaire du pays.
1. Nous, Archevêques et Evêques, Membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), réunis en Assemblée Plénière extraordinaire à Kinshasa, du 7 au 9 novembre 2022, préoccupes par la dégradation de la situation sécuritaire de notre Pays et mus par notre mission prophétique, tirons la sonnette d’alarme sur le danger que court notre Pays et sur la responsabilité de nous tous pour y faire face.
De la recrudescence de l’insécurité
2. Depuis le 13 juin 2022, certaines localités, dans le Nord-Kivu, notamment Bunagana, Rutshuru et Kiwanja sont de nouveau successivement occupées par les rebelles du M23 avec, selon les sources fiables, l’appui militaire du Rwanda, voire de l’Ouganda. En plus de pertes en vies humaines, dans les rangs des FARDC et des populations civiles, l’occupation de ces localités a entraîné le déplacement massif des populations.
3. En Ituri comme dans le Nord-Kivu, en dépit de l’état de siège et de plusieurs dispositions prises par les autorités pour sécuriser notre Pays, nous constatons que le nombre de morte ne fait qu’augmenter.
4. Malheureusement, la Communauté internationale et les Organisations régionales qui disposent des leviers pour faire justice au Peuple congolais affichent une attitude hypocrite qui révèle une certaine complicité.
5. En ce moment où nous avons besoin de renforcer la cohésion nationale pour faire face aux ennemis de notre Pays, nous assistons dans la partie Ouest, précisément dans les territoires de Kwamouth et de Bagata, à un conflit foncier intercommunautaire de grande ampleur, opposant les Teke et les non Teke (majoritairement Yaka) qui ont toujours vécu en harmonie. Des centaines de personnes y ont perdu la vie et beaucoup sont contraintes à l’errance et vivent dans des conditions dramatiques. Curieusement, cette situation perdure malgré le déploiement des forces de l’ordre sur terrain.
6. Dans le Kongo Central, notamment à Kimpangu, à Mbanza-Ngungu et à Sona-Bata, beaucoup de nos compatriotes sont déguerpis de leurs villages, leurs habitations détruites et, plus grave encore, leurs cimetières profanés, parce que leurs terres sont vendues, au mépris de leurs droits, à des personnes étrangères non autrement identifiées.
7. Hélas ! Les cas du genre se retrouvent en plusieurs endroits dans notre Pays. Notre Nation est en danger ! Si nous n’y prenons garde, nous allons nous réveiller un matin avec un pays balkanisé de l’une ou l’autre manière. Le risque est grand que le Pays soit éclaté. Aussi est-il impérieux que chacun de nous assume ses responsabilités citoyennes.
Assumons nos responsabilités
La Responsabilité des Gouvernants
8. Il est plus que temps que l’Etat assure à tous les citoyens le droit le plus élémentaire à la vie et à la sécurité, et au pays son intégrité territoriale.
Pour ce faire, l’effort de guerre s’impose et doit être effectif. A cet effet, il faudrait impérativement réduire le train de vie de nos Institutions et de nos Dirigeants pour renforcer nos moyens de défense, moderniser, équiper conséquemment notre armée et bien motiver nos forces de sécurité.
9. A considérer tous les efforts déployés par les autorités pour sécuriser notre Pays, et les résultats obtenus, il sied de mettre en place un cadre national large, au-delà des affinités politiques, afin d’évaluer les initiatives déjà prises en vue d’arrêter de nouvelles stratégies pour sauver la Nation.
10. Aussi sommes-nous convaincus qu’aucune solution durable à l’insécurité ne sera possible sans une justice véritable. A ce sujet, nous déplorons le fait que des personnes identifiées comme responsables de milliers de morts ne sont jamais interpellées. Nous en voulons pour preuve les personnes citées dans le rapport Mapping et qui sont encore actives dans l’Est de la R.D. Congo. Il en est de même de faux chefs coutumiers à Kwamouth.
11. Le parlement doit privilégier l’intérêt supérieur de notre pays par rapport aux arrangements politiques qui desservent la population congolaise.
12. Nous encourageons les efforts diplomatiques comme solution éventuelle à la tragédie que nous vivons. Cependant l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale ne sont pas négociables. Dans ce même registre, il faudrait aussi éviter les alliances avec ceux qui ont développé une forme de « mercantilisme militaire » ayant comme vraies motivations le pillage des ressources naturelles de la R.D. Congo et l’occupation de ses terres.
13. II y a extrême nécessité de répondre de manière urgente aux besoins des personnes déplacées qui, jusque-là, ne sont pas suffisamment assistées.
La Responsabilité des Acteurs politiques de l’opposition
14. L’heure est grave, la défense de notre Patrie ne doit pas être laissée aux seuls Gouvernants. En ce moment crucial, faîtes taire les divergences politiques et réunissez les efforts pour être plus forts face à l’ennemi.
La Responsabilité des FARDC
15. La situation actuelle de notre Pays exige de nos vaillants soldats un sens élevé de patriotisme, de fidélité et du sacrifice. La Nation congolaise est très reconnaissante à l’égard de ses soldats qui restent engagés pour la défense de l’intégrité du territoire national au prix de leur vie et ce, malgré la précarité des conditions dans lesquelles ils se trouvent.
La Responsabilité de la communauté internationale
16. La complaisance de la Communauté Internationale envers les Multinationales et les Pays prédateurs de nos ressources naturelles, engage la grave responsabilité de cette même communauté qui, dans sa duplicité, souffle le chaud et le froid. Il ne faut pas oublier qu’au-delà des richesses naturelles, il y a le Peuple congolais qui a besoin de vivre en paix. De quel maintien de la paix parle-t-on quand le nombre des morts ne cesse de se multiplier ?
Notre Responsabilité à nous tous
17. Assurément notre Pays est en danger. » Aide-toi et le ciel t’aidera « , dit-on. Ne croisons pas les bras. En tant que Peuple, uni et debout, nous constituons une force. Restons vigilants et mobilisons-nous ! Avec les moyens pacifiques, nous sommes capables de faire échec à ceux qui convoitent notre beau et riche Pays.
Conclusion
18. L’heure est grave. Notre pays est en danger ! Ne laissons pas balkaniser la R.D. Congo. Du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, ainsi que dans la diaspora, mettons-nous tous debout pour sauvegarder l’intégrité territoriale de notre Pays. A cet effet, nous invitons les chrétiens et les personnes de bonne volonté à jeûner, à prier, à poser des gestes de solidarité envers les déplacés. Aussi, nous convions tout le monde à marcher pacifiquement le dimanche 04 décembre 2022.
19. Que la Vierge Marie, Notre Dame du Congo, intercède pour nous en ce moment particulier de notre histoire.
Kinshasa, le 09/11/2022.
