Guerre en RD Congo : jusqu’où ira Washington ?

* Devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’ambassadeur Robert Wood, Représentant alternatif pour les Affaires politiques spéciales de la mission des Etats-Unis auprès de cette Organisation planétaire, a appelé le Rwanda à cesser tout soutien aux rebelles.

La situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs a été le principal point à l’ordre du jour, de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, le mercredi 26 octobre à New York. Dans son allocution prononcée à cette occasion, l’ambassadeur Robert Wood, Représentant alternatif pour les Affaires politiques spéciales de la mission des Etats-Unis auprès des Nations Unies, a appelé le pouvoir de Kigali à cesser son soutien au Mouvement du 23 mars (M23), rendu coupable de nombreux crimes dans l’Est et le Nord-est de la RD Congo.

Représentant alternatif pour les Affaires politiques spéciales, le diplomate américain auprès de la plus grande Organisation planétaire, a lancé le même appel à tous les acteurs étatiques, parrains des groupes armés dans la Région des Grands lacs. En l’occurrence, le Daech-RDC, la  CODECO (Coopérative pour le développement économique du Congo) et le M23. On ne devrait pas minimiser les rebelles d’origine ougandaise, réunis au sein d’un mouvement terroriste estampillé ADF-NALU.

«La situation humanitaire et sécuritaire dans la région des Grands Lacs reste profondément préoccupante, en dépit de bons offices de l’Envoyé spécial pour susciter un soutien international au processus de Nairobi. Les  attaques des groupes armés ont tué plus de deux mille civils cette année. Ces violences sont inacceptables et les Etats-Unis exigent des groupes armés la cessation immédiate de leurs attaques contre les populations les plus vulnérables de la RD Congo»,  hurle Robert Wood.

S’agissant de la Mission des Nations unies pour la stabiliisation en RD Congo (Monusco), le diplomate américain auprès de l’ONU reste convaincu que cette mission est indispensable pour le retour d’une paix durable, aussi bien dans l’Est de la RD Congo que dans la région des Grands lacs. Moralité, la Monusco, dit Robert Wood, mérite un soutien total et sans équivoque de la Communauté internationale.

 Cependant, le diplomate américain se dit offusqué par l’escalade du discours anti-Monusco. Selon lui, cette rhétorique antipathique exacerbe le risque déjà notable, pour les Casques bleus. «Nous sommes donc préoccupés par les appels à son retrait immédiat et nous exhortons la RDC à travailler avec la Monusco en vue d’un retrait progressif, responsable et conditionnel, guidé par les critères du plan de transition conjoint», souligne Robert Wood, ajoutant que  «personne ne plaide en faveur d’une présence permanente de la Monusco en RDC».

AU-DELA DE L’APPEL…

Plus de deux mille civils tués au cours d’une année, il y a de quoi encourager la communauté internationale à réfléchir sur la stratégie de sécurité dans la région des Grands Lacs. Particulièrement, dans l’Est de la RD Congo, transformé en une école d’artillerie des centaines de groupes armés locaux et étrangers.

Que les Etats-Unis aient appelé les groupes armés à mettre fin à leurs attaques contre les populations civiles sans aucun moyen de défense, il n’y a rien de plus sympathique. Dès lors que Robert Wood, porteur du message de la grande puissance mondiale, a officiellement reconnu le lien entre Kigali et le M23 dans la partie orientale de l’immense territoire rd congolais, une question de bon sens s’invite au décryptage de l’actualité. Celle de savoir  jusqu’où ira Washington. Subsidiairement, il s’agit de se demander ce que feraient les Etats-Unis, au cas où le Rwanda s’obstinerait à parrainer le M23. Toute la question semble donc être là !

D’ores et déjà, nombre d’analystes soutiennent à l’unanimité que Washington devrait s’assumer et aller jusqu’au bout de sa logique. En d’autres termes, ces analystes pensent que si l’armée rwandaise continuait à apporter son appui en troupes et en logistique au M23, les Etats-Unis n’auraient plus les raisons de tergiverser pour frapper le pouvoir de Kigali. Il s’agit, en d’autres termes, de prendre des sanctions sévères contre le Rwanda pour le contraindre à cesser son soutien à ce mouvement rebelle.

A tous égards, une simple dénonciation ne suffit pas pour ramener la paix dans la région des Grands Lacs en général et dans l’Est de la RD Congo en particulier. Il est une vérité historique que quand la RD Congo ést enrhumée, c’est toute la région des Grands Lacs qui tousse. Partant, l’ampleur de l’insécurité chronique et quasi permanente dans la partie Est de ce pays aux enjeux géostratégiques planétaires, tout élan de solidarité qui ne soit accompagné d’aucune action réelle su le terrain, n’aura été qu’une sorte d’hypocrisie à peine voilée. Ci-contre, l’intégralité de l’allocution de Robert Wood, tenue le mercredi 26 octobre au Conseil de sécurité de l’ONU.   Grevisse KABREL

Allocution lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la région des Grands Lacs

Mission des États-Unis auprès des Nations unies, Ambassadeur Robert Wood, Représentant alternatif pour les Affaires politiques spéciales. Le 26 octobre 2022

Je vous remercie, Monsieur le Président, et je remercie l’envoyé spécial Xia pour son exposé instructif au Conseil. Je souhaite également souhaiter la bienvenue aux représentants de l’Afrique du Sud, du Burundi, du Rwanda et de la RDC.

La stratégie régionale des Nations unies pour les Grands Lacs est un moyen important d’instaurer la paix dans la région. Nous apprécions également le fait que l’envoyé spécial utilise ses bons offices pour susciter un soutien international au processus de Nairobi. En dépit de ces initiatives, la situation humanitaire et sécuritaire dans la région des Grands Lacs reste profondément préoccupante. Les attaques de groupes armés, parmi lesquels Daech-RDC, CODECO et M23, ont tué plus de deux mille civils cette année.

Ces violences sont inacceptables, et les États-Unis exigent des groupes armés qu’ils mettent fin à leurs attaques contre les populations les plus vulnérables de la RDC. Nous appelons également les acteurs étatiques à cesser de soutenir ces groupes, notamment l’aide apportée par les Forces de défense rwandaises au M23.

La MONUSCO reste essentielle pour ramener la paix dans l’est de la RDC et dans la région au sens large, et elle mérite notre soutien total et sans équivoque. Elle aussi a subi des pertes au fur et à mesure de la dégradation de la situation en matière de sécurité, avec notamment la mort d’un Casque bleu pakistanais le mois dernier dans une attaque odieuse. Je présente mes condoléances à la mission, au Pakistan et à la famille du Casque bleu.

La rhétorique anti- MONUSCO augmente le risque déjà important pour les Casques bleus. Nous sommes donc préoccupés par les appels à son retrait immédiat et nous exhortons la RDC à travailler avec la MONUSCO en vue d’un retrait progressif, responsable et conditionnel, guidé par les critères du plan de transition conjoint. Personne ne plaide en faveur d’une présence permanente de la MONUSCO en RDC. Mais elle sert un objectif important qui rejoint les intérêts de la région des Grands Lacs dans son ensemble : protéger les civils, perturber les réseaux illicites et contribuer à stabiliser les institutions de gouvernance et de sécurité.

Les États régionaux, de manière bilatérale et par le biais de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), ont également déployé des soldats pour faire face à l’insécurité croissante dans l’est de la RDC. Alors que ces actions progressent, il est impératif qu’elles n’aggravent pas une situation déjà tendue. À ce titre, nous demandons aux dirigeants régionaux de veiller à ce que les forces bilatérales et multilatérales respectent les droits humains, donnent la priorité à la sécurité des civils et s’abstiennent de toute activité illicite, telle que l’extraction de ressources naturelles. Il est tout aussi essentiel qu’ils se coordonnent avec les Forces armées de la RDC, la MONUSCO, les organismes humanitaires des Nations unies et les organisations non gouvernementales, et qu’ils complètent leur travail important.

Les États doivent également notifier formellement cette assistance au Comité des sanctions 1533, conformément aux résolutions existantes du Conseil de sécurité, y compris les forces burundaises déployées bilatéralement et dans le cadre de la Force régionale de la CAE. Comme c’est souvent le cas, nous avons passé beaucoup de temps aujourd’hui à parler de solutions militaires à un problème politique. Il va de soi que l’instauration de la paix dans les Grands Lacs ne passera pas par la force. La paix dépend d’un processus politique, d’une volonté politique et de solutions politiques.

À cette fin, les États-Unis ont annoncé en septembre un financement supplémentaire de 13 millions de dollars pour soutenir un processus électoral transparent en RDC. Ce financement s’ajoute aux 10,75 millions de dollars que nous avons déjà alloués à cette initiative. Nous sommes impatients de voir se dérouler un processus électoral inclusif, qui se conclura par des élections libres et équitables.

Renforcer les institutions démocratiques, rendre justice aux victimes, obliger les acteurs malveillants à rendre des comptes, respecter la souveraineté et l’intégrité territoriales des États et accorder la priorité aux civils sont autant d’éléments qui contribueront à instaurer la paix dans les Grands Lacs. Les populations de la région ne méritent rien de moins. Je vous remercie, Monsieur le Président.

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