Guerre dans le Rutshuru, méga concert à Kinshasa !

* Compte tenu du contexte sécuritaire préoccupant dans l’Est, les Pouvoirs publics ne devraient-ils pas postposer cette manifestation scénique ?

Le samedi 29 octobre 2022 a été une journée à double face en RD Congo.  Alors que les balles crépitaient à Rutshuru et à Kiwanja, deux cités de la province du Nord-Kivu, un méga concert de l’artiste Fally Ipupa, drainant des milliers de personnes, se jouait au stade des Martyrs à Kinshasa! 

D’ores et déjà, ces deux événements concurrents dans un pays en guerre dans sa partie Est, ont enflammé la toile. Les internautes congolais d’ici et d’ailleurs, y sont allés de leurs commentaires. Depuis le weekend, la polémique autour de cette manifestation scénique ayant occasionné onze morts, selon le bilan de la Police, n’a ni cesse ni de fin.

Fally Ipupa devrait-il organiser ce concert, pendant que ça brûlait encore dans l’Est du territoire ? Les organisateurs de ladite manif, étaient-ils aussi en droit de mettre le paquet pour sa tenue ? Sachant le contexte sécuritaire préoccupant dans le Kivu, les pouvoirs publics ont-ils eu raison d’autoriser ce concert ? A travers cette manif populaire, quel est le message que l’Etat congolais a voulu envoyer à l’extérieur ? Voilà, autant de questions de bon sens, parmi tant d’autres, qui brûlent les lèvres de plus d’un Congolais.

Cependant, d’aucuns estiment qu’en dépit des cas de décès déplorés, l’artiste musicien n’a fait que pratiquer son métier. Sinon, que vaudrait un artiste sans livrer des concerts? Il en est de même pour les organisateurs dont ce type de production est leur business. De ce point de vue, des observateurs pensent que le procès pour ces eux premiers acteurs mérite d’être clos.

LES DIRIGEANTS AU BANC DES ACCUSES

Vu d’ici et d’ailleurs, onze morts dans un concert, il y a de quoi pleurer et prononcer des condamnations par contumace. Au banc des accusés, se trouvent les dirigeants tant au niveau national que provincial. Pour nombre d’analystes, la responsabilité de la tragédie survenue le 29 octobre au stade des Martyrs incombe aux autorités du pays, à quel que degré de responsabilité. Que les gens meurent à cause de l’étouffement, plus d’un pense à un déficit d’encadrement. Autrement dit, ces morts de trop, étaient pourtant évitables.

S’agissant de la responsabilité des Pouvoirs publics, nombre d’internautes sont formels que ceux qui dirigent le pays ont failli. « Ce concert pouvait être renvoyé à plus tard, compte tenu de la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est du territoire national. Et, pour cela, il n’ y’aurait ni émeute ni soulèvement des masses dans les rues de Kinshasa qui serait l’effet du report de cette manif. C’aurait été une décision responsable pour la juste cause de la situation dans le Nord-Kivu. Autoriser l’organisation d’un concert au stade, pendant que des localités de cette province tombaient sous le contrôle des rebelles du M23, appuyés par l’armée rwandaise, il y a  de quoi choquer les esprits épris de nationalisme« , hurle à Forum des As, une source ayant requis de l’anonymat.

DES CONCERTS QUI SONNENT FAUX

Depuis la nouvelle agression de la RD Congo par l’armée rwandaise, sous couvert du M23, l’opinion aura noté que ce n’est pas la première fois que des concerts populaires soient organisés au stade des Martyrs. Bien avant Fally Ipupa, l’orchestre « Wenge Musica 4X4« , version retrouvailles, avait drainé des foules le 30 juin dernier, alors que quelque deux semaines plus tôt, soit le 13 juin, les rebelles du M23 prenaient le contrôle de la cité de Bunagana. Rien de scoop.

Comment comprendre autrement ces concerts à Kinshasa, pendant que s’observent des vagues de déplacés internes dans l’Est du pays ? Comment concilier l’appel à la solidarité nationale, dès lors que des milliers de Congolais du Nord-Kivu, dormant dans les brousses et sans aucune certitude de se réveiller, suivent ce qui se passe à Kinshasa? Combien de Congolais à Bunagana, Goma, Rutshuru et à Kiwanja ont été devant leurs petits écrans le samedi 30 juin et le samedi 29 octobre, pour suivre les concerts à Kinshasa et accompagner ainsi, leurs compatriotes de la capitale dans leur liesse ?

Si tout le monde reconnait que la situation dans le Nord-Kivu est grave, alors on devrait se garder de toute posture frisant une compassion trompeuse, à la limite d’une hypocrisie collective. Sans circonlocution, nombre d’analystes pensent que le fait d’autoriser l’organisation des concerts populaires à Kinshasa ou dans n’importe quelle autre grande ville du pays, alors que ça brûle dans la province des volcans, Kinshasa envoie un très mauvais message à l’extérieur.

Peu importent les raisons que l’on pourrait avancer, rien dans le contexte actuel du pays, ne justifie ces manifestations scéniques qui sonnent faux. Evidemment, on devrait pas faire prévaloir ici, l’argument selon lequel « la guerre arrête tout« . Sinon, les restaurants, les hôtels, les marchés fermeraient. Ce qui pourrait finalement amener à l’asphyxie même du circuit économique. Quant à l’organisation des concerts, c’est tout ce qu’il y a d’ahurissant. Les Congolais doivent-ils être considérés comme ce peuple qui rit et qui danse même quand la patrie fait face à l’enjeu souverainiste de la défense de son intégrité ? « La question contient une partie de la réponse », jugeait Emmanuel Ray. Grevisse KABREL

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