Bertin Ntumba : « La COP27 devrait prendre conscience de l’apport de la RDC »

Dans une interview exclusive à Forum des As, le président de l’Association pour la promotion de la Métrologie et la Normalisation (APROMEN), Bertin Ntumba Bululu, parle de la COP27 et des enjeux de la normalisation en République démocratique du Congo (RDC). Par rapport à la grande rencontre prévue au mois de novembre prochain, en Egypte, il pense que le Congo-Kinshasa devrait amener les parties prenantes à prendre conscience de son apport dans les solutions aux dérègléments climatiques et leurs effets sur l’avenir de la planète. Il s’allie à Kevin McKinley, expert  de l’ISO, pour affrmer que « la Normalisation internationale est la seule démarche pouvant aider la communauté mondiale à trouver de solutions innovantes pour s’adapter au changement climatique« . Aussi, appelle-t-il la RDC à faire diligence pour se doter d’une Loi sur la Métrologie et la Normalisation afin que les experts congolais soient en position forte lors des négociations de problèmes stratégiques.

Dans quelques jours, le curseur du monde entier sera placé sur l’Egypte qui va accueillir la COP27. Quels sont les enjeux de ce rendez-vous pour la RDC ?

Pour la RDC, les enjeux majeurs de la participation à la COP 27 sont notamment,  d’amener les différentes parties à prendre conscience de l’apport du pays dans les solutions aux dérèglements climatiques et leurs effets sur l’avenir de la planète, d’obtenir des compensations financières à la mesure du niveau très élevé des contributions de la RDC dans la lutte contre le changement climatique. Il sera aussi question de s’impliquer de manière responsable dans l’élaboration des normes internationales relatives à la protection de l’environnement et autres démarches innovantes relatives à la lutte contre le dérèglement climatique. Ce, pour faire valoir les intérêts du pays et de s’appliquer à  maitriser les normes internationales relatives à l’exploitation des ressources naturelles afin de déjouer par des arguments solides toutes velléités tendant à empêcher le pays d’en jouir pour moderniser les infrastructures de base, combattre la pauvreté, créer des emplois et assurer la prospérité des Congolais.  

Quelle est la part de la normalisation face aux défis induits par le changement climlatique ?

Les discussions et négociations prévues cette année sont particulièrement cruciales pour l’avenir en matière de changement climatique. Car elles représentent une opportunité décisive de parvenir à un accord mondial visant à limiter le réchauffement de la planète.

Les organisations, les organismes de réglementation, les entreprises et les villes ont besoin d’outils pour faire face au changement climatique, réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), et gérer les mesures d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets. Face à la complexité de cette problématique planétaire, il est illusoire que chacun trouve la solution de manière isolée.

Tous les experts s’accordent à affirmer que la normalisation internationale est la seule démarche pouvant aider la communauté mondiale à trouver de solutions innovantes pour s’adapter au changement climatique.

C’est ici l’occasion de rappeler l’indéniable intérêt des activités normatives développées de manière cohérente et qui permettent de disposer des normes pertinentes établies collectivement selon les règles par et pour les utilisateurs venant de divers horizons.

Il est également important de savoir qu’à ce jour, l’ISO a déjà produit plus de 570 normes liées à l’environnement dont celles devant permettre de surveiller le changement climatique, de quantifier les émissions de gaz à effet de serre et de promouvoir les bonnes pratiques de management et de conception pour l’environnement et l’énergie.

Ces normes aident les parties prenantes à faire face au changement climatique et à soutenir les initiatives des pays développés et des pays en développement en matière d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets.

La normalisation volontaire constitue-t-elle un cadre de référence pour atteindre les objectifs des COP?

L’impérieuse nécessité de répondre à des problématiques horizontales comme l’ambitionnent les organisateurs des COP impose aujourd’hui la normalisation volontaire comme moyen éprouvé pour dépasser les approches unilatérales.

En effet, atteindre les objectifs des COP ne peut être envisageable que si tous les acteurs, publics et privés, s’engagent plus encore dans l’approche du droit souple, proposée par la normalisation volontaire. Les normes volontaires sont co-construites par les professionnels eux-mêmes.

Les entreprises, les fédérations, les associations de consommateurs et les pouvoirs publics s’accordent sur des bonnes pratiques des méthodologies et des terminologies sur le principe de l’universalité et de l’interopérabilité.

Les normes constituent un langage commun et apportent un gage de qualité, de sécurité et de performance au service des intérêts de chacun.

La normalisation volontaire est un cadre de référence vertueux du fait que la norme adoptée constitue une solution de référence fiable et intangible. Une fois adoptée et publiée, elle conserve un caractère optionnel : tout acteur peut ou non s’y référer. Ce faisant, ceux qui choisissent de ne pas s’y fier prennent le risque de s’éloigner de leurs marchés et d’altérer la confiance de leurs acheteurs et partenaires.

Le rôle des organismes de normalisation est d’être à l’écoute des acteurs socio-économiques, de leurs attentes et de leurs besoins. C’est à ce titre que tout un chacun peut la solliciter pour que soit étudiée l’opportunité d’initier un nouveau projet ou de rejoindre un projet en cours, pour participer. Dans tous les pays développés et émergents, des dizaines de milliers de personnes le font chaque année, démontrant une nouvelle fois que c’est  aussi par les initiatives individuelles que peuvent être résolus les problèmes collectifs.

Comment la normalisation peut-elle permettre à la RDC de tirer profit de ses potentialités dans les négociations relatives à l’atteinte des objectifs poursuivis par les COP ?

Il est malheureux de constater que la RDC tarde à bénéficier de ce précieux outil à cause de l’absence d’une Loi qui traine dans les tiroirs de l’Assemblée Nationale depuis 2014, année où elle a été adoptée au Sénat.

Cette situation fait que notre pays est absent dans les instances où se conçoivent et s’adoptent les normes des domaines où notre pays est concerné au plus haut point comme celui de l’environnement.

Comme je l’ai dit plus haut, la pratique correcte de la normalisation permet au pays d’être bien représenté et défendu là où ses intérêts stratégiques sont en jeu. L’Assemblée nationale de la RDC a donc intérêt à « libérer » d’urgence la Loi sur la Métrologie et la Normalisation déjà adoptée au Senat pour faciliter au pays de disposer d’un Organisme compétent qui permettra aux Experts de la RDC de défendre valablement  les positions nationales dans les processus d’élaboration des Normes internationales.

En effet, les arguments développés dans les travaux de la pré-Cop avec fermeté pour défendre les intérêts de la RDC dans les discours tenus par le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, et par la VPM en charge de l’environnement, Eve Bazaïba qui ont été salués par tous les Congolais n’auront aucune incidence s’ils ne peuvent pas être pris en compte et défendus par des experts congolais  compétents dans l’élaboration des normes internationales pertinentes.

Face aux enjeux internationaux d’intégration et de développement durable ainsi que ceux relatifs au développement à la base prôné par le Gouvernement de la RDC, la promulgation de la Loi relative à la Normalisation et la Métrologie en RDC revêt un caractère urgent. Propos recueillis par Dina BUHAKE

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