Votre Majesté, nous sommes dans la joie de vous accueillir dans nos terres et nous vous souhaitons déjà un bon séjour parmi nous.
Votre visite coïncide malheureusement avec la énième agression de notre pays par le Rwanda qui agit derrière des pseudos rebelles du M23 pour nous déstabiliser et installer le chaos. Cette nouvelle crise sécuritaire accentue la précarité des populations, obligées d’abandonner leurs habitations. Elle expose davantage nos femmes et filles au viol devenu une arme de guerre dans cette partie du pays. Le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, avec qui votre Majesté a prévu une rencontre dans son désormais célèbre Hôpital Panzi à Bukavu va certainement vous dire plus de cette horrible situation.
Le peuple congolais attend de votre Majesté une condamnation ferme de cette guerre lui imposée et souhaite votre implication pour un retour définitive de la paix dans une région qui n’a que trop souffert des bruits de bottes et de canons.
Votre Majesté,
Depuis un moment, il se profile dans notre pays un repli identitaire, un tribalisme primaire, un racisme grégaire. On a même proposé à l’Assemblée nationale une loi raciste pour écarter un homme, en la personne de Moïse Katumbi, candidat à la prochaine présidentielle.
Son seul péché est de naître sur le sol congolais d’un père juif, alors que ce dernier, en tant que Congolais d’origine, jouit pleinement de ses droits électifs au regard des articles 13 et 72 de notre Constitution.
Voulant à tout prix le priver d’un droit légitime, on envisage même de changer la Constitution. Quel racisme ! Quel Nazisme ! Quel Fascisme ! Après l’abolition de la colonisation, fruit d’une longue, noble et périlleuse lutte, on ne peut pas accepter une telle initiative scélérate.
Après la Deuxième guerre mondiale, le monde a dit à l’unisson : « Plus jamais ça ! ». Comme pour enterrer définitivement le racisme qui a été un détonateur d’une guerre qui a fait couler un océan de sang sur toute la planète.
Aujourd’hui, l’Europe est devenue un havre de paix et de développement qui a banni toutes les idéologies racistes. Tout parti ou homme politique qui profère ces idées racistes n’a pas beaucoup de chances d’accéder au pouvoir. L’exemple de Marine le Pen en France est très éloquent. Dans un passé récent, les Français n’ont pas hésité à confier le destin de leur pays à un fils d’un immigré hongrois, à la personne de Nicolas Sarkozy. Tandis que François Hollande, une fois élu, n’a pas tardé à nommer un Premier ministre issu de l’immigration espagnole, Manuel Valls. Barack Obama, fils d’un immigré kenyan, a dirigé les États-Unis d’Amérique avec brio durant deux mandats.
En Belgique, sous votre Majesté, vous avez accordé votre confiance sans faille en acceptant le serment d’un Premier ministre fils d’un immigré italien en la personne d’Élio Di Rupo.
Les origines étrangères de ces personnalités ci-haut citées ne les ont pas empêchées de servir leurs pays d’adoption avec patriotisme. Preuve que la loyauté et la fidélité à un pays ne se mesurent pas à la couleur de la peau, des cheveux ou des yeux.
Majesté, les lois racistes et scélérates qu’on veut instaurer pour écarter un concurrent ont déjà ravagé la Côte d’Ivoire, un pays naguère paisible. Il faudrait craindre qu’une nouvelle guerre fratricide vienne remettre en question l’unité légendaire des Congolais.
Moïse Katumbi incarne aujourd’hui l’espoir des millions de Congolais et il serait très dangereux de l’écarter encore une fois injustement de la compétition électorale. Le bidouillage et le tripatouillage de la proposition de loi électorale présentée par un groupe des treize députés dans laquelle la majorité au pouvoir tente d’élaguer intentionnellement l’obligation de publier des résultats des scrutins par bureau de vote, gage de la transparence des scrutins, est une autre bombe à retardement.
Comme nous ne pouvons que souhaiter la paix à notre beau et cher pays, nous sollicitons avant qu’il ne soit trop tard, votre concours à l’occasion de votre visite au Congo, pour dissiper ces élans divisionnistes dans un pays déjà fragilisé par une guerre infernale dans sa partie orientale depuis deux décennies, ayant causé des millions de morts.
Sa Majesté, le préambule de notre Constitution fait un diagnostic objectif de notre passé récent. Il nous renseigne que toutes les crises récurrentes que notre pays a connues, ont eu comme soubassement, la contestation de la légitimité des institutions et de leurs animateurs.
Si jamais par ignominie, on écartait Moïse Katumbi de la course à la magistrature suprême, ses millions de partisans accepteraient-ils les animateurs des institutions issus des élections d’exclusion ? L’actuel président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a déjà reconnu dans l’une de ses sorties médiatiques que sa mère a des origines angolaises.
A ce rythme, certains pourraient même demander aussi sa disqualification de la prochaine présidentielle. Ce qui jetterait davantage de l’huile sur le feu.
Votre arrivée en RDC pendant cette période tumultueuse de précampagne électorale n’est pas une mauvaise chose en soi, eu égard aux liens historiques qui existent entre les deux pays. Avec la Reine, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre beau et cher pays, qui est aussi le vôtre compte-tenu de notre histoire commune.
Mais, faudrait-il veiller à ce que cette visite ne soit pas interprétée comme une caution à un pouvoir qui veut organiser une élection non inclusive, en procédant par des méthodes surannées.
C’est pour cette raison, Sa Majesté, que nous souhaitons que, lors de vos échanges avec vos interlocuteurs congolais pendant votre séjour, vous puissiez évoquer la problématique du projet de loi raciste dite «loi sur la congolité». Ne dit-on pas que qui aime bien conseille bien?
La Belgique est un pays frère et ami qui a droit à l’ingérence humanitaire dans les affaires du Congo. Quand le Congo tousse, la Belgique s’enrhume et vice versa.
Moïse Moni Della
Président des Conservateurs de la nature et démocrates (CONADE) et Vice-ministre honoraire de la Presse et de l’Information