* Le Premier ministre honoraire attend de savoir si ces performances sont l’effet d’une politique d’impulsion ou celui de l’administration elle-même, avant de les attribuer au Gouvernement.
Louer les performances du pays par Muzito est suffisamment rare pour être souligné.
Inspecteur général des finances toujours en fonction, mais mis en disponibilité, puisque député national, élu de Kikwit dans le Kwilu, ancien ministre du Budget et Premier ministre honoraire, Adolphe Muzito analyse la situation économique du pays, principalement les performances réalisées en un seul mois. 1,7 milliard USD de recettes propres, un record jamais accompli en un mois par le gouvernement qu’il félicite du reste. Face à cet exploit qu’il qualifie d’historique dans un tweet, Adolphe Muzito prône la nécessité d’un collectif budgétaire. On parle d’un 1,7 milliard de dollars. Dans une interview accordée le jeudi 12 octobre à Top Congo et dont Forum des As publie un large extrait. Le président national de Nouvel Elan salue les efforts du pays et non du gouvernement car, explique-t-il, « Je ne sais pas encore l’effort du gouvernement » dans ces performances. Je ne les attribue pas encore au gouvernement car j’attends que le gouvernement me dise quels sont les efforts en termes d’impulsion politique. Ça peut être l’impulsion politique, ça peut être aussi l’administration elle-même »
Top Congo : Autant dire que vous félicitez ce record ?
Adolphe Muzito : Je salue et félicite le record réalisé par le pays. Bien sûr que c’est fait par un gouvernement précis, un pouvoir précis. C’est des performances du pays parce que d’ailleurs les ministres des Finances et du Budget qui ont relevé ce record n’ont pas donné une ventilation en termes quantitatifs pour dire quelle est la part de l’effort de l’administration, quelle est part du leadership politique et quelle est la part de la réalité liée à la conjoncture économique internationale qui fait que, puisque nous sommes un pays exportateurs du cuivre, du cobalt et que les deux produits ont connu leur hausse sur le marché international, le pays a donc réalisé beaucoup de recettes d’exportation. Cela se dégage comme étant une partie de l’assiette fiscale sur laquelle l’administration fiscale a opéré des prélèvements.
La performance réalisée ne serait due, selon vous, qu’à des faits exogènes à la gestion clé ?
Principalement. Je voudrais vous dire que notre système fiscal et douanier est déclaratif. Ca signifie que tout ce que nous réalisons comme recettes au niveau de différentes administrations relève de la volonté du contribuable. C’est lui qui dit ce qu’il doit.
Mais qui peut être attrapé en fraude s’il n’a pas déclaré ce qu’il devait…
Par la suite. Mais encore faudra-t-il que l’administration concernée engage les redressements fiscaux et douaniers pour établir les contentieux. Le principe veut que l’administration puisse aller au-delà de 5% en termes de redressement par rapport à ce qui a été déclaré par la seule volonté du contribuable. C’est alors qu’on peut mesurer l’effort de l’administration fiscale ce qu’on appelle recettes contentieuses. Ce que nous avons c’est 2,7 milliards, maintenant ce n’est plus 1,7 milliard, c’est plus ou moins 2 milliards, parce qu’il y a une partie de recettes qui venait de rentrer dans l’escarcelle de l’administration de la DGI qui vient d’un contribuable qui a déclaré et payé au mois d’avril, mais malheureusement la procédure au niveau de la Banque centrale a été d’autant plus lente que finalement l’imputation a été faite au mois de mai.
Peu importe, mais ça va toujours pour le mois de mai. Ca présage une augmentation. Les dépassements ont été tels que l’horizon 2022 pourra, d’ailleurs ce que nous demandons au gouvernement de nous donner l’horizon en faisant un autre cadre macroéconomique. Donc, ce ne sera plus 1,7 milliard, mais 2 milliards. Ça montre que très rapidement, d’ici là, nous pourrons atteindre 4 milliards additionnels. Ce qui veut dire qu’au niveau de l’exécution du budget, va aller de 7 milliards de prévu à plus ou moins 11 voire 12 milliards. Donc, il y aura un 4 ou 5 milliards additionnels qui doit faire l’objet d’un collectif budgétaire.
Donc, on va avoir un budget interne et externe de 15 milliards…
Je n’aime pas parler d’un budget externe parce que généralement ce sont des prévisions qui ne font pas l’objet d’exécution, de réalisation. Je préfère me limiter au budget interne, au budget des recettes courantes et des dépenses courantes pour lesquelles on peut travailler et plus ou moins c’est des recettes récurrentes, des recettes pérennes sur base desquelles nous pouvons déjà envisager l’avenir de manière souveraine..
Vous dites déclaratif, ce qui a été payé, c’est le bon vouloir des contribuables ?
. C’est ça notre cible. Il est prévu maintenant qu’il y ait redressement, des contrôles au premier et au second degrés pour qu’on puisse voir ce que l’Etat estime comme étant dû par l’administration. Nécessairement, il y aura redressement. A ce jour, nous ne pouvons pas mesurer les frais de l’administration fiscale proprement dits.
L’administration fiscale, c’est ce que les sociétés ont payé l’année dernière. Ce côté déclaratif, il y a aussi un peu la crainte du gendarme. Est-ce qu’on ne peut pas aussi…
L’inspection générale des finances qui, avec ses contrôles, essaie de pousser les opérateurs économiques à approcher plus ou moins au niveau de déclaration qui corresponde à la vérité. Mais cela n’empêche pas que l’administration fiscale, c’est-à-dire la DGI, la DGRAD, la DGDA puisse procéder au redressement, le temps que l’IGF fasse une contre-vérification selon les règles.
Vous saluez le pays, vous ne saluez pas l’action du gouvernement…
Je ne sais pas encore l’effort du gouvernement. J’insiste sur le fait que nous avons jusqu’ici ce que les opérateurs, ce que les miniers ont choisi de payer. C’est après que nous pourrions voir s’il y a redressement. Même si, plus ou moins de manière marginale, il y a un logiciel qu’ils ont installé, il y aune informatisation, qui permet de retracer, de la constatation jusqu’au paiement, plus ou moins les recettes qu’il y a moins de fuites, quelle est la portion de cette informatisation sur l’évolution des recettes. Jusqu’ici, nous n’avons pas encore mesuré et le gouvernement ne l’a pas dit.
Vous n’êtes pas encore en mesure, mais le gouvernement nous a dit qu’à lire le compte rendu du Conseil des ministres, les raisons sont les suivantes :
1. L’échéance fiscale d’avril consacrée au paiement du Solde de l’Impôt sur les Bénéfices et Profits ;
2. L’envolée des cours des matières premières à l’international (Cuivre et
Cobalt) entrainant des retombées positives sur les chiffres d’affaires des entreprises minières ;
3. Le paiement des superprofits, une première depuis l’application du nouveau Code Minier ;
4. la digitalisation par le Logiciel Isys-Régies qui a consacré l’augmentation des recettes de l’ordre de 50% dans 19 provinces et de 100% dans celles placées sous état de siège.
L’effort du gouvernement est donc là. Hier, la digitalisation, peu en voulait. On préfère tricher. Aujourd’hui, on digitalise tout. Ce qui rend cette gestion un peu plus performante ; en tout cas, un peu plus transparente. Ce qui empêche la fraude.
Je suis d’accord avec tout ca. Mais il faut quantifier. Il faut donner des quotients pour voir l’ensemble de ces variables quelle est la part liée au coût, à la digitalisation, à l’effort des services. Je pars du postulat pour ce qui est des échéances. La hausse, c’est pour le mois d’avril qui est un mois d’échéances fiscales. Elle a déjà été anticipée, prévue dans la prévision. On a déjà prévu, par exemple, 800, 900 millions, alors que le mois de mars était déjà un peu en deçà. On a déjà prévu le côté échéance. Si non est allé au-delà de ce mois d’avril qui est un mois d’échéance. On a déjà intégré l’échéance, mais c’est la hausse proprement dite qui a conduit à l’augmentation.
De toutes façons, ce qu’il y a, c’est pourquoi j’ai demandé un cadrage macroéconomique, d’abord annuel pour le reste du mois, mais aussi pour l’année 2022-2023 pour que nous voyions quel est le PIB, dans quelle mesure la croissance a eu lieu, quel est le taux de croissance d’ici à la fin de l’année pour que nous voyions s’il y a eu un effort en termes de perception, de pression fiscale. Il est possible que la pression fiscale soit restée la même et que l’incidence soit le fait de l’augmentation de la richesse globale à travers les exploitations extérieures.
Donc, c’est en ayant tout ce cadrage macroéconomique que nous allons mesurer tout cela. Aujourd’hui, le problème, puisque les recettes d’exportations ont augmenté et vont augmenter d’ici à la fin de l’année, mais quelle est l’incidence sur la balance, nous ne savons pas parce que nous n’avons des données que sur l’augmentation des exportations, il est possible que nos importations augmentent aussi. Pas en quantité, mais en termes de valeur du fait de l’augmentation des exportations de la facture des importations.
D’une part, ce que nous exportons a augmenté, nos dépenses risquent d’augmenter, par exemple, les produits pétroliers dont nous sommes importateurs nets. C’est-à-dire que nous exportons aussi du pétrole, mais nous importons plus que nous exportons. De sorte que la facture globale risque d’être importante et qu’elle peut consommer l’ensemble des recettes d’exportation arrivée à une balance commerciale ou de paiements qui soit négative au point que la monnaie va sanctionner.
Nous sommes encore à ces performances que vous n’attribuez pas au gouvernement et…
Je n’attribue pas encore au gouvernement car j’attends que le gouvernement me dise quels sont les efforts en termes d’impulsion politique. Ça peut être l’impulsion politique, ça peut être aussi l’administration elle-même, mais j’indique en passant que le système fiscal, douanier étant déclaratif, tout ce que nous avons comme performances relève de la volonté des seuls contribuables. En tant que redevables, ils sont décidé de payer. Je donne le chiffre, par exemple, de 410 millions de dollars qui venait de tomber le 29 avril. C’est l’argent qui devait être imputé au mois d’avril, mais puisque l’administration fiscale, la DGI, n’a reçu l’avis de crédit que très récemment. Mais ils vont imputer cela en mai. Mais si nous imputons cela au mois d’avril en corrigeant, nous serons à 2 milliards de plus.
En relevant cette performance, ma préoccupation n’est pas de vanter le gouvernement et ça ne me dérangerait pas de vanter le gouvernement. Le combat que je mène ne se réduit pas au simple fait de dire non. Mon combat est de faire des observations, même si vous faites plus, je place la barre haut pour dire vous devez faire plus.
Deuxièmement, ce n’est pas parce que le pouvoir réussit qu’il réussit dans l’ensemble. Je mesure l’action du gouvernement, je détermine par rapport au tableau général du pays. Par exemple, le gouvernement peut faire beaucoup d’argent. Plus il fait de l’argent, plus il est dans une situation difficile par ce que le peuple va juger en termes des fruits, de répartition de ces fruits de croissance. J’ai peur que cet argent que nous ne voyons pas, le côté de sa réalisation, qu’on regarde aussi dans quelle proportion cet argent est réparti à la population et en faveur des secteurs économiques, et la pertinence ou la qualité de l’arbitrage des secteurs de la part du gouvernement.
On a bien compris que vous êtes dans le souci de la transparence de la gestion, mais des questions s’imposent, même si vous voulez pas qu’on parle de qui est la responsabilité ou à qui revient le mérite de… Préférons parler du système déclaratif. Vous êtes inspecteur général des finances, ancien ministres du Budget, ancien Premier ministre. Comment se fait-il qu’on ait toujours eu un budget si faible Pourquoi on n’a pas eu de telles performances avant ?
Les performances en termes fiscaux, en termes de recettes de l’Etat se déterminent par rapport d’abord à l’assiette fiscale et à la capacité de l’administration fiscale sous l’impulsion du pouvoir politique de collecter le maximum d’impôts. J’ai conduit un gouvernement ç une époque où l’assiette fiscale globale, c’est-à-dire la production nationale sur laquelle vous prélevez l’impôt était autour de 20 milliards de dollars. Aujourd’hui, nous sommes plus ou moins à 60 milliards de dollars. Si je prélevais 10%, je prélève 2 milliards, 10% comme pression fiscale. Mais l’actuel pouvoir, s’il prélève, en ayant le même effort au niveau de l’administration, il va prélever 6 milliards. S’il prélève 20%, c’est-à-dire qu’il est capable de prélever 12 milliards…
Donc, aujourd’hui, le gouvernement fait moins bien qu’hier ?
Non. Le pays fait mieux qu’hier. Le pays a connu une augmentation de sa richesse dans la durée sur 10 ans…
Interview décryptée par Kléber KUNGU
(A suivre)