La Codeco envoie un mauvais signal à la Table ronde

* 48 personnes tuées avec plusieurs corps calcinés, l’état de siège à l’épreuve des résultats !

Quarante-huit personnes, essentiellement des civils, ont été tuées le dimanche 8 mai à Djugu, en province de l’Ituri, dans une attaque attribuée aux miliciens de la CODECO (Coopérative pour le développement du Congo). Selon la radio Top Congo qui a livré cette nouvelle, en prenant le soin de citer des sources locales, plusieurs corps des victimes, dont des femmes et des enfants, ont été calcinés. Mais jusqu’hier lundi, aucun chiffre n’a encore été avancé en termes de bilan officiel, du côté des autorités provinciales et nationales.

 Joint au téléphone par la consœur, le député national ADD, Jackson Ausse Afingoto, élu de la circonscription d’Irumu dans la province de l’Ituri, s’est dit offusqué et même ahuri par ce énième massacre à Djugu. Il dit ne pas comprendre que ce territoire devienne depuis plusieurs années (2017?), le ventre mou de la province de l’Ituri, à cause de l’insécurité permanente, consécutive à l’activisme de nombreux groupes armés.

Les dents serrées, cet élu du peuple appelle, non seulement à la prise en charge des obsèques des victimes par le Gouvernement central, mais aussi et surtout, à des enquêtes sérieuses pour déterminer les circonstances et les auteurs de cette énième attaque des populations civiles.

Selon ce même député national, les enquêtes préconisées doivent être accompagnées des opérations militaires de grande envergure. Objectif : traquer les auteurs de ce nouveau carnage des civils sans aucun moyen de défense. « Trop, trop« , gronde Jackson Ausse Afingoto qui déplore le fait que cette partie de la province de l’Ituri, devienne la cible privilégiée des opérations meurtrières des miliciens Codeco!

Les quarante-huit personnes tuées le dimanche dernier – encore qu’il s’agissait d’un bilan provisoire- viennent ainsi allonger la liste déjà très longue des victimes des massacres commis par les miliciens Codeco à Djugu. Rien qu’au cours du premier semestre de l’année en cours, le bilan de l’activisme de la Codeco est noir. Le 1er février dernier, des éléments de cette milice avaient égorgé à la machette, plus de 50 personnes dont 15 enfants, dans un camp de déplacés appelé « Plaine Savo », à 3 Km de la localité de Bule.

« L’attaque avait eu lieu vers 21h00-22h00« , avait expliqué en son temps à la presse, Jean-Richard Dhedda Lenga, chef de la chefferie de Bahema Badjere. « Plaine Savo » est un site qui abritait plus de 24.000 personnes ayant fui les violences dans le territoire de Djugu en 2019. A ce jour, le bilan de quarante-huit personnes tuées le dimanche dernier, porte ainsi à près de 100 personnes, le total de personnes tuées depuis le début de cette année, dans les attaques de la CODECO en Ituri. Précisément, dans le territoire de Djugu.

MAUVAIS SIGNAL A LA TABLE RONDE?

L’Ituri, tout comme la province voisine du Nord-Kivu, est placé sous état de siège depuis le mois de mai dernier. Une année après, cette mesure exceptionnelle qui donne pleins pouvoirs à l’armée et à la Police, semble encore bien loin de mettre fin aux exactions des groupes armés. Bien au contraire.

Au sein de la classe politique, en l’occurrence le Parlement, les avis sont diamétralement opposés sur ce régime d’exception décrété dans ces deux provinces du Nord-est et de l’Est de la RD Congo. On retrouve d’un côté, des députés nationaux et sénateurs, pour la majorité originaires des deux provinces, qui tiennent mordicus à la levée de cette mesure, au motif que l’état de siège n’a pas donné les résultats escomptés.

Par contre, un autre groupe de parlementaires est celui qui soutient la thèse de requalification ou de poursuite de l’état de siège dans cette partie du pays. Les partisans de cette thèse estiment que les défis sécuritaires à relever sont encore énormes. Ainsi, pour concilier les deux thèses, le Président Tshisekedi a jugé opportun, l’organisation d’une table ronde avec les acteurs clef, aux fins de lever une ultime option concertée. On devra donc, soit mettre fin au régime militaire dans l’Ituri et le Nord-Kivu,  Soit le maintenir jusqu’à neutraliser le dernier repaire des groupes armés actifs dans la région.

Même si aucune précision de date de la tenue de cette table-ronde n’est encore donnée à ce jour, la Ministre d’Etat, ministre de la Justice et gade des sceaux, Rose Mutombo, de passage le jeudi dernier au sénat, avait annoncé que cette réunion pourrait se tenir incessamment. Concrètement, avant la clôture de la session ordinaire en cours au Parlement. Autrement dit,  avant le 15 juin prochain.

Ainsi qu’on peut le constater, le massacre de 48 personnes, le dimanche dernier à Djugu, est donc perpétré, justement au moment où l’on s’apprête à tenir la table ronde préconisée par le Président Félix Tshisekedi, comme voie royale de tordre, tant soit peu, le cou à l’insécurité dans l’Est de la RD Congo. Mauvais augure ? En tout cas, nombre d’analystes y croient fermement.

D’ores et déjà, nombreux sont également, des observateurs qui considèrent cette énième entreprise criminelle attribuée aux miliciens Codeco, comme un très mauvais signal envoyé à l’initiative de Fatshi. Dès lors, si cette rencontre peut être le bon chemin à suivre pour, finalement, ramener une paix durable en Ituri et au Nord-Kivu, l’atteinte des objectifs pourrait se révéler un nouveau défi. Surtout au cas où les vrais protagonistes n’y participeraient pas. Sauf si les acteurs politiques tapis dans l’ombre et qui entretiennent ces différents groupes armés, jouaient franc jeu. Certes, la paix se gagne. Mais une véritable paix se négocie.

Quoi que l’on dise, sans minimiser les opérations militaires menées sur le terrain, depuis déjà une année, des observateurs avertis pensent que les massacres à répétition, des populations civiles dans l’Ituri, mettent néanmoins, l’état de siège à l’épreuve des résultats.

S’agissant de la table ronde annoncée, les mêmes observateurs se demandent pourquoi on n’avait pas commencé par là, avant d’envisager le régime d’exception en vigueur dans les deux provinces concernées?

DJUGU, CIBLE PRIVILEGIEE DE LA CODECO

La Codeco est un groupe prétendant défendre les intérêts de la communauté Lendu, et attaque principalement la communauté sœur-ennemie Hema, accusée d’avoir été bien servie sous la gestion du RCD-ML, ancien mouvement rebelle soutenu par Kampala. Depuis plusieurs années, Djugu est l’un des territoires de l’Ituri particulièrement touchés par des violences attribuées aux différentes factions de la Codeco qui visent, notamment, des camps de déplacés abritant des milliers de villageois chassés de leurs habitations par de précédentes attaques.

On rappelle qu’entre fin novembre et début décembre 2021, le baromètre de sécurité du Kivu (KST) avait dénombré dans la même région, environ 123 tués en huit jours seulement. Notamment, dans des camps de déplacés. Frontalière de l’Ouganda, la province de l’Ituri est également affectée par les violences attribuées aux rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF).

Il s’agit des forces négatives centrifuges  ougandaises, considérées comme les plus meurtrières des multiples groupes armés qui écument l’Est de l’immense territoire de la RD Congo depuis plus d’un quart de siècle.

Toujours en ce qui concerne la recherche de la paix en Ituri, il y a lieu de rappeler que début mars denier, des leaders des communautés Lendu et Hema, avaient décidé de mutualiser leurs efforts pour que le calme revienne définitivement dans cette province.

Dans une déclaration commune, le 1er mars à Bunia, les deux parties avaient demandé à leurs respectifs de cesser de servir les intérêts sordides de tous les tireurs de ficelles tapis l’ombre.

Réunis dans une assemblée générale extraordinaire, sous la facilitation de la coordination de la Société civile provinciale, les deux camps avaient évoqué la sempiternelle problématique de cohabitation pacifique et de fréquentation de leurs membres.

Pour ces leaders des deux communautés, les responsabilités étaient partagées dans la recherche de solutions à l’insécurité devenue endémique dans la province. Aussi, avaient-ils exhorté les populations locales, à  dénoncer tous ceux qui bâtissent leurs fortunes sur le sang des centaines de civils innocents. Pourvu que cet appel soit entendu !  Grevisse KABREL

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