Zhu Jing : « Nous sommes heureux de constater que la RDC gagne le plus dans le partenariat sino-congolais »

Kinshasa n’est pas toute la RDC. Pour parfaire sa connaissance de ce pays aux dimensions d’un sous-continent, l’ambassadeur de Chine en RDC a effectué une virée dans l’épicentre du partenariat sino-congolais qu’est le Grand Katanga. Plus particulièrement, le Lualaba et le Haut Katanga. De retour de cette visite, Zhu Jing s’est confié aux quotidiens Forum des As et L’Avenir. Carnet de voyage d’un diplomate.          FDA

Vous revenez du Haut-Katanga et du Lualaba. Quel a été l’object de votre visite dans ces deux provinces du Grand Katanga ?

J’ai fait une visite qui a duré une semaine dans les provinces du Lualaba et du Haut Katanga. L’objectif de ma visite est surtout de voir de mes propres yeux sur le terrain, l’état de la coopération sino-congolaise dans les deux provinces. Ces deux provinces sont celles qui accueillent le plus grand nombre d’investissements chinois et le plus grand nombre de projets de coopération sino-congolaise, c’est mon premier objectif. Sur la coopération sino-congolaise il y avait beaucoup de points de vue différents, certains amis qui pensent que c’est une coopération, un vrai partenariat gagnant-gagnant, fructueux qui touche non seulement l’État mais aussi la population congolaise, en créant des bénéfices réels  et effectifs, tandis que d’autres sont d’avis que ce partenariat profite plus aux entreprises chinoises qui sont prédatrices et que c’est la Chine qui gagne et non le Congo, que les contrats miniers menés sont déséquilibrés, plusieurs voies contestataires auxquelles j’accorde une intention particulière, voici la réalité de ma visite.

Le deuxième objectif de ma visite était de m’imprégner des réalités des provinces du Lualaba et le Haut Katanga. Ce sont les provinces importantes de la grande région du Katanga et la grande région du Katanga est très importante pour la RDC, la capitale économique, le boom économique du pays, une région très particulière avec sa spécificité culturelle, linguistique qui représente le 1/4 de la diversité de la RDC. Pour bien comprendre le pays, il ne faut pas seulement rester dans la capitale, il faut aussi voyager dans les coins du Congo profond, pour vraiment comprendre ce pays il faut aller en province, voilà les deux objectifs de ma visite.

j’ai parcouru Kolwezi jusqu’à Lubumbashi en prenant la route nationale, qui relie ces deux villes. On me disait que avant la construction de cette route par une entreprise chinoise, il fallait faire deux jours de Kolwezi à Lubumbashi, 48 heures, mais aujourd’hui sans halte on peut faire moins de 5 heures, la route est formidable, en très bon état, avec un trafic dense, beaucoup de marchandises. En prenant cette route je me suis dit, voilà la vraie coopération sino-congolaise.

A Kolwezi j’ai visité beaucoup d’entreprises minières à capitaux chinois, il y a la Sicomines, la TFM Tenke Fungurume Mining, Deziwa créées conjointement par une entreprise chinoise et la Gécamines, j’ai visité la mine de Komoha, c’est une mine de cuivre co-investie par des entreprises chinoise, canadienne et Sud-africaine, avec une équipe de gestion Sud-africaine. J’ai visité la société Komica à Likasi, à Lubumbashi la mine SMB et aussi la société Tinjian.

Les plus grandes entreprises minières à capitaux chinois ont été visitées, ce sont des entreprises qui incarnent la coopération sino-congolaise dans le secteur minier.

Quel a été votre constat sur place ?

D’abord ce sont des investissements réels, effectifs, dans les mines de gros investissements ont été réalisés avec installation non seulement des équipements d’exploitation, d’extraction minière mais aussi des chaînes de transformation des minerais ultra modernes. Chez Sicomines et TFM, j’ai visité des chaînes de transformation hautement automatisées et robotisées. Une chaîne de production du cuivre nécessite seulement une dizaine de personnel pour contrôler toute la chaîne, j’ai visité aussi une usine de transformation entièrement investie par une société chinoise, c’est la plus grande usine de transformation de cuivre en RDC, avec des technologies  dernière génération, qui a permis à la RDC de disposer des équipements de technologie de pointe dans le domaine de la transformation des minerais

 J’ai visité aussi des installations culturelles et sociales, des écoles des hôpitaux. Tout ce j’ai vu est réel. Tout cela est un investissement qui a une valeur de plus de 10 milliards de dollars et ont été investis en moins d’une décennie. C’est la rapidité avec laquelle ces investissements ont été réalisés qui est frappant et impressionnant. Je vous avais dit tantôt que le partenariat sino-congolais est un partenariat effectif c’est un partenariat dans lequel  chacune des deux parties s’engage avec des actions concrètes, avec des réalisations concrètes. Ce ne sont pas des promesses en l’air ce sont des actions concrètes qui se réalisent au quotidien.

Deuxième constat, c’est une coopération non seulement fructueuse mais aussi gagnant-gagnant parce que la production des minerais des produits transformés connait une augmentation sans cesse depuis quelques années. Je vous donne quelques chiffres. Par exemple,  en 2016 la production annuelle du cuivre en RDC n’était que de 842 mille tonnes. En 2021, elle a atteint 1 million huit cent mille tonnes. Et la production a presque doublé en cinq ans comment expliquer cette augmentation exponentielle de la production ? C’est grâce aux investissements réalisés par les entreprises chinoises, c’est grâce à ce partenariat sino-congolais que le Congo, avec cette augmentation de la production du cuivre est presque redevenu le troisième producteur mondial du cuivre au même niveau que la Chine, après le Chili et le Pérou.

Le Congo a retrouvé sa place de premier rang en tant que producteur de minerais et je crois qu’avec les investissements à venir parce que beaucoup de sociétés chinoises s’engagent à investir davantage, le Congo va encore monter à l’échelle mondiale dans la production de minerais.

Ce qui est encore impressionnant avec l’augmentation de la capacité de la production du cuivre et le cobalt, le Congo gagne des parts de marché dans le monde surtout dans ses échanges commerciaux avec la Chine parce que parallèlement avec l’augmentation continue de la production congolaise du cuivre et du cobalt, on constate une augmentation sans cesse des échanges commerciaux entre la Chine et la RDC. L’année dernière, les échanges commerciaux entre la Chine et la RDC ont atteint 14 milliards de dollars et le Congo est excédentaire à hauteur de 8,8 milliard de dollars.  La RDC est  largement  excédentaire durant les trois premiers mois de l’année 2022 les échanges commerciaux  entre la Chine et la RDC ont atteint ­5,6 milliard de dollar soit une croissance annuelle de 98% par rapport à 2021. Les exportations du Congo vers la Chine ont accru de 105% avec un excédent commercial de 3,5 milliards de dollars soit une croissance annuelle de 116% c’est des chiffres qui témoignent à la fois du dynamisme de notre partenariat mais aussi de la part dont bénéficie la partie congolaise dans cette coopération.

Par comparaison, les excédents commerciaux que la RDC gagne dans ces exportations avec la Chine dépassent même les recettes budgétaires du gouvernement congolais pour l’année entière 2021, selon les chiffres que j’ai vérifiés, en 2021 la loi de finances congolais se chiffraient à 8,3 milliards de dollars si on arrive à équilibrer les recettes et les dépenses, les recettes budgétaires s’élèvent à 8,3 milliards et dans la même année l’excédent commercial de la RDC vis-à-vis de la Chine c’est  8,8 milliards donc cela dépasse même l’ensemble total des recettes budgétaires et pour les trois premiers mois de l’année le Congo a déjà gagné à hauteur de 3,5 milliards de dollars tandis que les recettes budgétaires  prévues pour l’année 2022 du gouvernement congolais s’élèvent à 9,9 milliards de dollars  les excédents des échanges commerciaux entre la RDC et la Chine représentent déjà presque 1 tiers des recettes budgétaires de l’Etat congolais

Une contribution effective à l’enrichissement aux recettes, aux  finances publiques de l’Etat congolais sans parler des taxes, les taxes payées en 2021 par les entreprises minières à capitaux chinois  représentent   presque 16% des recettes budgétaires de l’Etat congolais. Elles ont payé au total presque 1,3 milliards de dollars en taxes sans parler d’autres redevances ou dividendes que ce soit en matériel ou en finance le Congo gagne la grosse partie de ce partenariat ce sont des chiffres, des faits qui contredisent totalement l’opinion selon laquelle la coopération sino-congolaise est gagnant perdant, elle est gagnant-gagnant et c’est le Congo qui gagne le plus et nous sommes heureux de constater cela parce que notre conception quand la Chine investit en Afrique nous ne cherchons pas à nous enrichir nous même au détriment de nos amis congolais. Ce que  nous cherchons finalement, c’est la prospérité commune partagée, c’est un enrichissement ensemble parce qu’on aimerait par nos efforts  accompagner nos amis africains, congolais à aussi trouver la voie de développement, de prospérité. C’est ça notre objectif fondamentale  

Avez-vous évalué avec les autorités provinciales le niveau de la coopération chinoise dans le Lualaba et le  Haut-Katanga ?

De la part des autorités congolaises, je constate une cohérence de vision. Elles apprécient tous cette coopération. Elles disent qu’elles sont bénéficiaires de la coopération. La Gouverneure ai de Lualaba nous a dit que les investissements chinois ont contribué à la dynamique de cette nouvelle jeune province, avec des emplois créés, des projets d’infrastructures qui se réalisent. Même le bâtiment du gouvernorat a été construit grâce aux taxes payées par les entreprises chinoises. Ils apprécient beaucoup, mais ont aussi manifesté la volonté de renforcer ce partenariat, disant qu’ils souhaitent accueillir davantage d’investissements chinois dans les deux provinces et qu’ils sont prêts à déployer les efforts pour améliorer le climat des affaires, pour sécuriser les investisseurs et créer un environnement  plus sûr, un climat plus paisible. Ils souhaitent aussi renforcer le dialogue avec les investisseurs chinois pour mieux comprendre leur souci, trouver solution aux problèmes qu’ils rencontrent, régler les différends de façon amicale. Je constate des appréciations très positives, reconnait-il.

Les autorités congolaises ont aussi exprimé le vœu de voir les Chinois investir davantage dans le social, par exemple dans la formation professionnelle. Le Gouverneur du Haut Katanga a insisté pour une coopération dans le domaine agricole. « On va travailler ensemble pour renforcer le partenariat existant dans le secteur minier, on va encourager les entreprises chinoises à investir davantage non seulement dans le secteur minier, mais aussi dans les secteurs qui accompagnent le développement local, l’industrie locale, la formation professionnelle. Pour qu’à partir de la recherche des minerais, que les deux provinces montent dans la chaine de production. Ensemble nous avons jugé utile de rester en contact étroit et de poursuivre le dialogue pour améliorer le climat des affaires et régler les différends qui peuvent survenir.

La formation professionnelle sera financée par la Chine sous forme de don. La construction d’une école de préparation professionnelle est prévue à cet effet. Le plan d’architecture est presque finalisé et on est en train de faire la sélection de l’entreprise qui sera chargée de mener les travaux. C’est un projet important, car j’ai constaté durant ma visite que la main d’œuvre qualifiée manque. Les entreprises chinoises forment les employés locaux ainsi pour certaines d’entre elles. 97% des postes sont occupés par des locaux.

Envisageriez-vous le développement de la coopération décentralisée entre des provinces et villes chinoises et des entités correspondantes congolaises?

La coopération décentralisée est une partie intégrante de la politique diplomatique chinoise. A ce jour, on a un seul cas de jumelage. C’est loin d’être suffisant, je constate aussi une potentialité énorme dans la coopération décentralisée nous sommes prêt à déployer davantage d’efforts dans ce domaine. On peut commencer par mettre en avant les liens humains entre nos deux peuples et aussi favoriser des visites croisées entre les autorités provinciales, entre les deux pays après la Covid-19. Pour plus de liens entre les entités territoriales et aussi faire des partenariats ciblés dans tel ou tel domaine. Un grand nombre de pistes restent à exploiter.

En définitive, quel est l’enseignement que vous tirez de votre virée dans le grand Congo profond?

Pour l’ambassadeur Zhu Jing, cette visite dans le Lualaba et le Haut Katanga est ma première visite dans les deux provinces. Elle m’a permis non seulement d’améliorer ma connaissance sur le terrain, de l’état de la coopération entre nos deux pays, mais aussi, améliorer la connaissance de la RDC, de mieux comprendre la RDC, sa culture, sa civilisation, son peuple. C’est une visite nécessaire. Le partenariat sino-congolais est déjà fructueux, mais on ne doit pas se satisfaire de son état actuel, on doit toujours faire davantage, on doit continuer.

J’ai retenu trois choses. La première, renforcer notre confiance mutuelle à tous les niveaux. L’année 2022 marque le 50ème anniversaire de nos relations diplomatiques, c’est une occasion de voir en arrière, tirer le bilan et mieux nous projeter dans l’avenir. Une des leçons les plus importantes de ces 50 ans écoulés, nous ne devons pas cesser de consolider notre confiance mutuelle. Nous sommes tous des pays en développement, nous avons une même vision et des intérêts à défendre. Nous devons résister ensemble à la perturbation venue de l’extérieur. Si la coopération sino-congolaise est bonne ou mauvaise, ce n’est pas à d’autres de nous le dire, c’est à nous d’avoir un dernier mot. La confiance est très importante.

2ème leçon, on doit mobiliser l’ensemble de nos populations. La coopération ne doit pas être seulement au niveau étatique. Il faut mobiliser les entreprises, le secteur privé, pour créer une atmosphère positive, créer des conditions positives pour notre partenariat

3ème, le potentiel de notre partenariat est énorme. Si pendant la dernière décennie, la coopération sino-congolaise a permis à la RDC de retrouver sa place d’antan en tant que producteur des minerais, dans la prochaine décennie, nous dévons être plus ambitieux, parce que le Congo est au début de son industrialisation, pour que ses ambitions se réalisent et que le secteur minier puisse donner davantage de contributions au redressement national congolais.

Il faut orienter notre coopération dans des nouveaux secteurs : les infrastructures, parce que c’est ça que la RDC manque cruellement. En Chine, on dit : « c’est au bout de la route qu’il y a la prospérité». Une bonne route entre Lubumbashi et Kolwezi a contribué à la prospérité locale. Les infrastructures, c’est un domaine important. Sur le projet SICOMINES, on attend qu’une nouvelle liste d’infrastructures soit  définie par les autorités congolaises. Les équipes de SICOMINES attendent depuis longtemps. Nous sommes disponibles à tout moment pour accélérer la mise en œuvre des travaux d’infrastructures.

On doit davantage orienter notre coopération vers le développement de l’industrie locale. Le Congo ne doit pas rester à jamais l’exportateur des minerais. Le pays a tous les avantages à devenir une puissance industrielle sur le continent africain. Durant ma visite, beaucoup d’entrepreneurs chinois parlent de la création d’usines pour fabriquer les câbles, des produits manufacturés, participer à la mise en œuvre de la stratégie consistant à fabriquer les batteries électriques.

Tous les projets sont encouragés par le Gouvernement chinois. Tout ce qui est bon pour le développement durable du Congo, bénéficiera du soutien du Gouvernement chinois. Et ce, sans oublier le respect de l’environnement. Dans les échanges avec les investisseurs chinois, j’insiste sur le respect de l’environnement. Il faut toujours rester dans la ligne du développement vert et durable. Je reste très optimiste à travers cette visite sur l’avenir de notre partenariat, c’est un partenariat palpable, gagnant-gagnant, qui bénéficie à la population congolaise, mais aussi un partenariat qui est appelé à se développer davantage et qui dispose d’une zone de développement assez vaste. Une fois que nous arrivons à mobiliser toutes nos forces, nous allons certainement réussir. Propos recueillis par José NAWEJ & Fyfy-Solange Tangamu

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