Impossible de demeurer autiste à ce qui se passe en Afrique de l’Ouest. Proximité géographique et psychologique oblige. S’agit-il d’une lame de fond souverainiste ou d’une simple posture de la part des autorités qui instrumentaliseraient l’exaspération populaire ?
Quand par exemple, Bamako expulse l’ambassadeur de France, faudrait-il y voir un signal fort d’un pays soucieux de traiter d’égal à égal avec l’ancienne puissance coloniale ou une surenchère populiste à consommation intérieure ?
En attendant que le temps tranche le questionnement, force est de constater que le Mali remet au- devant de la scène le sempiternel enjeu de la souveraineté des Etats africains. En particulier dans leurs relations avec les pays occidentaux. La dialectique de ces derniers -du moins la plupart d’entre eux- traduit et trahit leur regard paternaliste, condescendant vis-à-vis de l’Afrique. Au seuil de l’indépendance du Congo-Léopoldville, le Général belge Emile Janssens avait bien résumé la situation post-indépendance… nominale : » après l’indépendance est égal à avant l’indépendance « .
Depuis, toute l’histoire du Continent est structurée par les péripéties de ce combat contre les nouveaux » habits » du colonialisme appelé « néocolonialisme « . Sous des dehors empreints d’égalité souveraine des Etats et donc de coopération d’égal à égal, nombre d’ex- puissances coloniales ont créé et entretenu le cordon ombilical qui lie des dirigeants africains aux capitales occidentales dont Paris pour les pays francophones d’Afrique. Une mécanique d’assujettissement et de clientélisme connue sous le vocable « francafrique « . Une pratique qui se perpétue – quoi que sous des formes plus soft- avec pour seul enjeu : maintenir l’Afrique dans la position infantilisante d’arrière-cour des puissances du nord avec des dirigeants totalement extravertis.
Certes, il est prématuré de se faire sa religion sur le discours autonomiste assorti de certains actes forts émis depuis Bamako, Ouagadougou… Jadis, sur le Continent, des dynamiques souverainistes ont tourné court faute d’une vision cohérente et conséquente dans le chef des élites dirigeantes. Dans bien d’autres cas, la rhétorique nationaliste et patriotique n’a servi que comme paravent pour masquer des velléités dictatoriales.
Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ? Le soutien populaire qui accompagne l’affirmation de la souveraineté malienne augure-t-il d’un changement radical de paradigme ? Le principe de vases communicants amplifié par les NTIC aidant, l’onde de choc de Bamako va-t-elle s’étendre à travers l’Afrique ? Question symétrique à la précédente : la France va-t-elle laisser sa » sphère d’influence » s’émanciper et user de la souveraineté pour se rapprocher davantage de la Russie ?
Arc-boutés à des positions de principe et au nombrilisme corporatiste qui l’empêchent d’agir en amont, bref d’anticiper, l’Union africaine et ses succursales dont la CEDEAO vont-elles finalement réaliser la nécessité impérieuse de se réinventer ? Sous peine de demeurer en déphasage avec les aspirations des peuples à prendre leurs destinées en mains.
Sous peine surtout de voir la » rue » servir de caution à d’autres putschs militaires. Car, le côté syndicat des chefs d’Etat fait qu’il est difficile de faire du neuf avec du vieux. José NAWEJ