La Turquie joue la carte d’apaisement dans la région

* Après le spectaculaire élan diplomatique de la Turquie en 2021, le président Erdogan mène un trafic diplomatique tout aussi intense en 2022 malgré les conditions sanitaires.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a défini les principales lignes de la nouvelle politique étrangère qui sera suivie par la Turquie tout au long de l’année 2022 comme étant « une diplomatie de paix, de stabilité et de sécurité ». « L’objectif de la politique étrangère est de se faire des amis, pas des ennemis », a-t-il récemment déclaré.

La Turquie avait longtemps suivi une politique étrangère de « zéro problème avec les voisins« . Aujourd’hui suivant le même principe, le gouvernement vise à assurer une « zone de cercle sans problème » autour du pays. Bien évidemment, ceci n’est possible que par la normalisation / l’amélioration des relations avec les pays avec lesquels la Turquie a vécu des tensions et crises dans le passé.

Nous constatons que dans cet objectif, des mesures ont été prises pour normaliser et améliorer les relations avec l’Arménie, Israël, la Libye, l’Égypte et les pays du Golfe, et que durant les derniers mois, il y a eu un intense trafic diplomatique.

Un pas audacieux vers l’Arménie et Israël

Le plus grand changement géopolitique dans la région est sans aucun doute les efforts constructifs entrepris par la Turquie pour normaliser ses relations avec l’Arménie et Israël.

La première réunion des représentants spéciaux turc et arménien a eu lieu le 14 janvier à Moscou dans le cadre du processus de dialogue entre les deux pays. Suite aux réunions tenues par les représentants des deux pays, des vols mutuels ont repris le 2 février.

Le Premier ministre arménien Nikol Pashinyan a également fait des déclarations positives au sujet des relations de son pays avec la Turquie. « Nous voulons établir des relations diplomatiques et ouvrir les frontières avec la Turquie sans conditions préalables. Nous n’avons pas réussi dans le passé et nous devons justement utiliser cette expérience« , a-t-il souligné. Il a ajouté qu’il était fort probable que l’Arménie participe au Forum diplomatique à Antalya, qui se tiendra du 11 au 13 mars.

Un autre développement inattendu dans la région est le rapprochement de la Turquie avec Israël. A la fin de l’année 2021, le président Erdogan avait déclaré que « les relations entre les deux pays sont essentielles pour la sécurité et la stabilité du Moyen-Orient« .

Plus tard, le chef d’Etat turc a annoncé que le président israélien Isaac Herzog pourrait bientôt se rendre en Turquie. Les deux leaders ont également exprimé des signes d’attention l’un envers l’autre : Le président Erdogan a contacté son homologue en janvier pour lui présenter ses condoléances suite au décès de sa mère. Par la suite, le président israélien Isaac Herzog, a exprimé ses vœux de santé et de prompt rétablissement à son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, après que celui-ci eut contracté le coronavirus.

Le rapprochement de la Turquie avec ces deux pays présente une importance cruciale pour deux raisons : D’une part, l’amélioration des relations turco-arméniennes rendra possible la réalisation du couloir de Zangezur passant par le territoire de la région de Syunik en Arménie et reliant l’enclave de Nakhitchevan au reste de l’Azerbaïdjan. Pour le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, « le couloir de Zangezur unira tout le monde turc« . Erdogan avait également déclaré qu' »un jour, nous pourrons voyager (directement) du Zanguezur à Istanbul« .

D’autre part, le rapprochement turco-israélien fait naître l’espoir d’une coopération stratégique entre les deux pays dans le domaine énergétique. En ce sens, le président Erdogan a déclaré que « la Turquie et Israël peuvent travailler ensemble pour transporter du gaz naturel d’Israël vers l’Europe et les deux pays discuteront de la coopération énergétique lors des pourparlers le mois prochain« . Rappelons que les Etats-Unis avaient annoncé ne plus soutenir la construction du projet de gazoduc EastMed mené par Chypre, la Grèce et Israël. Les médias grecs ont interprété cette décision comme un choix qui profiterait à la Turquie.

Efforts de « médiation » entre l’Ukraine et la Russie, rapprochement avec les pays du Golfe

Qui dit paix et sécurité, dit une région stable et sûre autour de la Turquie. Et à l’heure actuelle où le monde évoque l’éventualité d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine (qui peut même se transformer en guerre mondiale), ceci n’est possible par des efforts de médiation entre ces deux pays.

Dans cet objectif, le président Erdogan a effectué le 3 février une visite en Ukraine où il a renouvelé son invitation à accueillir en Turquie des « pourparlers bilatéraux » entre Moscou et Kiev et insisté sur « l’intégrité territoriale de l’Ukraine et de la Crimée« . Il a également souligné que « les Occidentaux n’ont apporté jusqu’à présent aucune aide dans la résolution du conflit » et qu’ils n’ont fait qu' »empirer les choses« . Le président russe Vladimir Poutine a également accepté l’invitation de son homologue turc à visiter prochainement la Turquie.

Une visite du président Erdogan est également prévue en février aux Émirats arabes unis (EAU) afin d' »ouvrir une nouvelle page » entre les deux pays. Le prince héritier Mohammed ben Zayed avait été reçu à Ankara le 24 novembre par le président Erdogan et les EAU avaient annoncé qu’ils investiront 10 milliards de dollars en Turquie.

Le même mois, une autre rencontre entre le président Erdogan et le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane est prévue à Ryad, pour la première fois depuis la mort en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat saoudien d’Istanbul.

En conclusion, dans le cadre de sa nouvelle politique étrangère, la Turquie privilégie la paix et la stabilité dans la région. En essayant de résoudre ses problèmes avec les pays adversaires et d’apporter des solutions aux crises régionales, la Turquie joue la carte d’apaisement. Une nouvelle approche qui sera certainement bénéfique pour toutes les parties. Par Öznur Küçüker Sirene

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