Telle est la morale de la célèbre fable de Jean de la Fontaine. Elle est la reconnaissance explicite de l’usage abusif de l’inégalité des forces en présence pour en tirer un avantage indu. Cette pratique universelle, qui va à l’encontre des exigences de la raison, est de rigueur aussi bien dans les rapports interpersonnels que dans les relations internationales entre les Etats.
Ce qui, en d’autres termes, revient à dire que la politique, loin d’être le lieu de l’expression et de la pratique des sentiments les plus nobles de la terre, est, au contraire, le domaine de l’habileté, de la ruse et de la force mises au service du maintien, en son état actuel, de l’ordre juridique national ou international et, au besoin, de le faire évoluer dans le sens de la promotion de l’intérêt général qui coïncide toujours avec celui de la puissance dominante et de ses alliés les plus dévoués.
Il est vrai que, depuis la nuit des temps, on fait honneur aux Chefs de guerre qui obtiennent leurs succès par la ruse, considérée comme le moyen le plus subtil, le plus civilisé et le moins cruel que l’usage de la force qui donne l’ascendant à la partie animale de l’homme sur celle de son humanité. C’est la raison pour laquelle la valeur stratégique de la ruse est saluée avec respect par la quasi-totalité des traités consacrés à l’Art militaire et à celui de la politique au détriment de la force qui est, du point de vue morale, méprisable.
Et pourtant la force, qui est l’ultime recours en cas de l’échec de la ruse, n’a rien en elle-même de condamnable puisqu’elle permet, en fin de compte, de faire triompher la cause que l’on défend, aussi noble soit-elle.
Puisqu’il en est ainsi, c’est donc la force de notre redoutable ennemi pouvant s’exercer, à tout moment, à nos dépens qui soulève nos protestations les plus véhémentes et les plus légitimes. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’invasion, juridiquement et moralement condamnable, de l’Ukraine par les forces armées russes, agissant après avoir fait le choix d’une échelle des valeurs établissant la hiérarchie entre leurs intérêts vitaux à préserver à tout prix et le strict respect de leurs engagements internationaux impliquant le droit de chaque peuple à l’autodétermination.
A ce propos, tout s’éclaire pour celui qui sait qu’aucun pays au monde, qui en a les moyens, ne peut laisser, sans réagir, une puissance ennemie, en l’occurrence l’OTAN, s’installer à ses frontières, munie d’armes de destruction massive pouvant atteindre n’importe laquelle de ses grandes villes. Il s’agit donc là d’une menace permanente à écarter le plus rapidement possible au nom du principe selon lequel «mieux vaut prévenir que guérir»
C’est le respect de ce principe de bon sens qui explique la réaction énergique des États-Unis lorsque la Russie communiste s’apprêtait à installer des missiles à Cuba.
Il en est de même de la volonté affirmée de l’Armée française de joindre ses efforts à ceux des Armées des cinq pays du Sahel pour accroitre leurs chances de réduire à néant les capacités de nuisance des divers mouvements terroristes qui font, de temps à autre, couler le sang dans leurs pays respectifs.
Il en résulte que la ruse et l’usage de la force que les puissances occidentales tentent astucieusement de faire apparaître comme étant l’apanage de Vladimir Poutine, ne sont critiquables que dans la mesure où la Russie, leur ennemie déclarée, parvient, sans leur consentement, à s’en servir aux dépens de l’un de leurs protégés attitrés, en l’occurrence l’Ukraine.
Elles s’acharnent si durement sur Vladimir Poutine que l’on pourrait croire que, pour rien au monde, elles s’adonneraient à des pratiques d’un tel niveau de bassesse.
Les précédents irakien et libyen
Alors qu’il est archi connu que ce sont les fausses informations sur la prétendue possession des armes de destruction massive, inventées de toutes pièces par Georges Bush pour induire en erreur la Communauté internationale, qui sont à la base de la destruction de l’Irak et du malheur actuel de son peuple qui ne cesse, depuis lors, de crier, dans l’indifférence générale, à l’injustice d’avoir été victime du crime contre l’humanité sans que les Instances compétentes n’en tirent les conséquences juridiques qui s’imposent.
Dommage que Laurent Gbagbo et Jean-Pierre Bemba Gombo, pour beaucoup moins que ça, n’aient pas eu droit aux mêmes égards de la part de la Cour pénale internationale (CPI).
Par ailleurs, qui ignore le fait que, c’est pour s’être abritées derrière des raisons fallacieuses et injustifiées que les puissances occidentales, sans tenir compte de l’avis négatif de l’Union Africaine, s’étaient lancées dans la destruction de la Lybie dont le peuple est abandonné à son triste sort.
Le comble du cynisme est que, lorsque les jeunes gens de ces pays dévastées, pour fuir la misère qui en découle, tentent, au péril de leurs vies, de trouver refuge dans les pays qui sont à la base de leur malheur, ils sont aussitôt sinon refoulés sans ménagement, du moins contraints de grossir les rangs des clandestins sans-papiers.
Telles sont les conséquences de la dure loi du plus fort à laquelle le plus faible est astreint à se soumettre en silence jusqu’au jour où il parviendra lui-même, au fil du temps, d’inverser en sa faveur le rapport des forces.
Puisqu’il en est ainsi, il serait illusoire de mettre la force en accusation pour vanter les bienfaits de la morale dans une Communauté internationale uniquement régie par le droit. Alors qu’en réalité, il est connu que le plus fort ne cède que lorsqu’une force supérieure à la sienne lui fait clairement comprendre qu’il n’est plus en mesure de maintenir, de son plein gré, son ancien rang. Comme dernièrement ont pu le prouver les gilets jaunes qui sont parvenus à obtenir du Gouvernement français, en deux mois de combats de rue, ce que les syndicalistes n’ont pas pu avoir en 50 ans de lutte. Édouard Umba Ilunga Ambassadeur honoraire