ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR FÉLIX-ANTOINE TSHISEKEDI TSHILOMBO, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, CHEF DE L’ÉTAT, PRÉSIDENT DE L’UNION AFRICAINE À L’OCCASION DU » LANCEMENT DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA COMMUNICATION ET MÉDIAS » Kinshasa – RD Congo, Mardi 25 Janvier 2022
Honorable Président de l’Assemblée Nationale,
Honorable Président du Sénat,
Honorables Députés Nationaux et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs des corps constitués,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs, les Membres du Gouvernement,
Messieurs les Présidents des Assemblées Provinciales,
Messieurs les Gouverneurs des Provinces,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Chefs de mission diplomatique et Représentants des organismes internationaux,
Mesdames et Messieurs les journalistes et professionnels des médias,
Distingué(e)s Invité(e)s, en vos titres et qualités ;
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, à quelques jours de la fin du mois de janvier consacré traditionnellement au partage des vœux pour la nouvelle année, je voudrais vous présenter, à vous et à vos familles respectives, tous mes souhaits de bonheur, de paix et de réussite.
Je suis heureux d’être à nouveau des vôtres ce jour, après notre première rencontre formelle le 03 mai 2019 à l’occasion de la célébration de la journée internationale de la liberté de la presse.
Par ma présence à vos côtés ce jour-là, j’entendais réaffirmer mon attachement à l’un des piliers de mon combat politique, celui de la défense et de la promotion de la liberté de la presse, un des éléments fondamentaux qui donnent sens à notre vie démocratique.
Ma présence ici, ce jour, s’inscrit donc dans la droite ligne de cette quête de l’émergence d’une presse libre et plurielle, gage de toute démocratie.
Avant de continuer mon propos, j’aimerais féliciter vivement le Ministre de la Communication et Médias, qui, grâce à son dynamisme, a pu rendre possibles ces assises au cours desquelles les acteurs des médias vont discuter des problèmes de leur profession et y proposer des solutions idoines.
Je voudrais aussi saluer la présence de chacun d’entre vous en ce lieu. Ceci constitue la preuve de votre engagement à contribuer à l’émergence d’un nouvel écosystème qui favorisera à la fois le développement économique des médias et le bon exercice de la liberté de la presse.
Mesdames et Messieurs,
» Les médias sont des instruments qui ne peuvent être laissés sans encadrement « , disais-je à notre dernière rencontre. Et aujourd’hui, grande est ma joie de voir, à travers les thématiques rappelées ici, que vous vous êtes engagés à étudier toutes les questions dans leur complexité et lever des options en vue de refonder votre profession.
La thématique centrale choisie, à savoir : » Médias congolais : quelles perspectives à l’ère du numérique face aux défis de développement durable ? » tombe à point nommé en ce sens qu’avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, les médias connaissent une véritable mutation.
Le pays dans lequel vous exercez votre profession est aujourd’hui en avant-plan de la lutte contre le changement climatique et regorge des réponses qui constituent les ferments du développement durable. D’où, l’expression » pays solution « .
Je ne pense pas préempter ce thème en déclarant que vos assises sont celles de la réinvention de votre profession. En effet, avec la numérisation continue de l’outil d’information et de communication, les médias classiques (radio, télévision, presse écrite) se trouvent devant un choix crucial, pour tout dire existentiel, à savoir : disparaître ou s’adapter.
Vous devez donc vous réinventer techniquement et déontologiquement pour assainir votre corporation, économiquement pour assurer la viabilité de vos entreprises de presse et technologiquement pour ne pas rater le train de la révolution numérique qui fait déjà de notre vaste monde, un village planétaire, comme l’a prophétisé le canadien Marshall McLuhan.
Cette triple mise à jour entraîne inéluctablement un changement de paradigme au niveau du métier d’informer. Une fois cette mise à jour opérée par vous-mêmes, professionnels des médias, le Gouvernement de la République sera à vos côtés pour l’appui nécessaire que requiert cette mutation.
En mon sens, cela rentre dans les responsabilités régaliennes de l’Etat. Car, sans une presse libre, plurielle et viable, la démocratie et son corollaire » État de droit » ne sont qu’un leurre.
Notre pays se trouve à un tournant sur tous les plans. 61 ans après notre indépendance, nous n’avons pas pu collectivement construire un pays qui répond aux besoins de sa population.
Depuis mon accession à la magistrature suprême, voici trois (3) ans, je m’attèle au quotidien à récréer les fondamentaux qui peuvent nous permettre de prendre le plus bel élan chanté dans notre hymne national. Dans cette ambition, les médias ont un rôle indispensable à jouer. Car, c’est le développement du pays qui engendrera des médias puissants.
Interrogez-vous donc aussi sur le rôle citoyen que vous devez jouer dans l’atteinte de nos objectifs de paix, de sécurité et de développement comme pays.
Mesdames et Messieurs,
Je ne vous apprendrais rien non plus, en ajoutant que même le nouveau narratif que nous mettons en place ne vaudrait pas un franc sans une presse responsable.
Je n’ignore pas qu’avant ces états généraux, d’autres assises ont produit des textes de bonne et haute facture en vue de refonder votre profession. Mais une des maladies dont nous devons tous guérir est précisément l’inadéquation entre le dire et le faire.
Ce constat est vrai dans votre domaine comme dans les autres secteurs de la vie nationale. Par vos critiques constructives inhérentes à l’ADN de votre profession, vous nous aideriez à acquérir collectivement la culture de la mise en œuvre de quantité de résolutions que nous prenons pour l’intérêt général. La presse ayant pour fonction essentielle de contribuer à la régulation sociale.
En même temps qu’on assiste à la digitalisation tous azimuts de l’espace médiatique, l’on assiste aussi, et fort malheureusement, à l’émergence des fake news qui constituent aujourd’hui une véritable menace pour nos sociétés. En cette période où le monde lutte contre la pandémie, nous ne pouvons pas imaginer les dégâts que cause » l’infodémie » de par sa nocivité.
Les fake news impactent négativement notre société. Et nous ne pouvons pas gagner ce combat aujourd’hui sans travailler en étroite collaboration avec vous, professionnels des médias et de la communication, parce que vous constituez l’antidote à la prolifération de ce que vous appelez dans votre jargon « l’infox « .
Je ne doute pas un seul instant que vous avez pleinement conscience du danger que représentent les fake news. Car, même si les réseaux sociaux nous abreuvent des nouvelles, nous attendons les confirmations des sources authentifiées que vous êtes.
Quand certains se bousculent pour faire du buzz, d’autres, en l’occurrence les vrais professionnels des médias, s’attèlent à vérifier les informations, à croiser les sources, pour mieux éclairer l’opinion.
Pour ma part, en ma qualité de Garant du fonctionnement régulier des Institutions, je m’impliquerai pour que l’accès aux sources d’information soit effectivement l’un des points cardinaux de l’exercice de la liberté de la presse.
Dans la même veine, la dépénalisation du délit de presse constitue un pan important dans la requalification du métier d’informer. Cependant, cette démarche implique nécessairement un travail de salubrité médiatique mené en amont par les professionnels eux-mêmes.
Je pense ici à la prolifération des titres, des stations de radio et des chaînes de télévisions ne remplissant pas les conditions requises pour exercer et à toutes ces personnes, femmes et hommes, qui se retrouvent dans votre corporation sans en avoir le profil.
À cette condition et ce, en attendant la Loi, le Gouvernement envisage d’accorder un moratoire sur la dépénalisation de délit de presse.
La balle étant dans votre camp, il vous revient donc de renforcer les organes de régulation et d’autorégulation, de vous assurer que ceux qui exercent le métier le font de manière professionnelle. Car, l’exercice de la liberté de la presse vous confère des droits, autant qu’il vous donne des obligations.
Cette liberté n’est pas à confondre avec le libertinage. Elle a pour limites les prescrits de la Loi, le respect des bonnes mœurs, les impératifs liées à la sécurité du pays… C’est ainsi que je me sens dans le devoir de vous exhorter à faire preuve de plus de responsabilité dans la manière de l’exercer à travers vos différentes prestations.
Au terme de ces assises, nous ressortirons avec une proposition de révision de la Loi portant sur l’exercice de la liberté de la presse ainsi que d’autres textes qui devront être soumis au niveau institutionnel pour examen et adoption.
J’entends peser de mon poids, en ce moment-là, pour voir comment dans les meilleurs délais, on peut faire avancer ensemble cet agenda. Autant, je m’assurerai que la sécurité soit garantie aux journalistes dans l’exercice de leur métier partout à travers la République.
Mesdames et Messieurs,
Je suis conscient de vos difficultés qui sont inhérentes au contexte économique général du pays. Mais, la pauvreté des médias est l’une des formes les plus dangereuses de la pauvreté. Parce qu’elles empêchent les populations d’être pleinement informées de la marche de leur pays et du monde.
Je serai heureux de connaître les conclusions de vos échanges sur la viabilité économique des médias et nous verrons, dans la mesure du possible, comment nous pouvons nous impliquer pour relever ensemble ces défis et avoir des médias puissants capables de mieux nous accompagner dans la marche pour le changement de narratif sur la République Démocratique du Congo.
Mesdames et Messieurs les journalistes et professionnels des médias,
Distingué(e)s Invité(e)s, en vos titres et qualités ;
Mesdames et Messieurs,
Je ne terminerai pas mon adresse sans vous exhorter à nous accompagner, avec la distance critique qui est la vôtre, dans nos efforts pour le redressement de notre cher et beau pays.
Devenez nos alliés dans la lutte contre les antivaleurs, notamment dans la dénonciation du tribalisme, du népotisme, du trafic d’influence, de la corruption…
Le développement de la République Démocratique du Congo, notre maison commune, est en effet l’affaire de nous tous. Il ne saurait y avoir des acteurs d’un côté et des spectateurs de l’autre.
Par ces mots, je déclare ouverts les travaux des états généraux de la communication et des médias.
Que vive la liberté d’expression,
Que vive la presse congolaise,
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo.
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie !