Trois ans de continuité de la praxis politique post Joseph Kabila !

* Le déboulonnage annoncé depuis Washington en avril 2019 s’est soldé par des détournements

Le temps passe très vite. Et même très vite. Selon que l’on soit aux affaires, la notion de temps est différente de celle de la population. Tant mieux, si les uns et les autres trouvent leur compte dans la gestion du pays, limitée dans le temps. Sinon, ceux qui dirigent et leurs citoyens  ont l’impression de ne pas avoir le même calendrier. Si les premiers, à cause de leur train de vie, estiment le temps va vite, la population en détresse, a le sentiment que le chrono s’est arrêté! Par conséquent, son souhait est de voir le temps accélérer son cours.

24 janvier 2019-24 janvier 2022, trois ans se sont écoulés depuis l’accession de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême. Arithmétiquement, les Congolais sont à un peu plus d’une année du crépuscule du quinquennat en cour du successeur de Joseph Kabila. Ainsi, en ce lundi, jour anniversaire de l’administration Fatshi, nombreux sont des analystes, spécialistes en analyse de contenu, qui revisitent le discours de Félix Tshisekedi lors de sa prise officielle du pouvoir au sommet de l’Etat.

Que donc retenir des trois premières années du quinquennat de l’homme du 24 janvier 2019, sur le plan politique ? Qu’est ce qui a profondément changé dans la praxis ? Félix Tshisekedi a-t-il apporté le changement tant souhaité par ses concitoyens? Y a-t-il eu rupture effective avec le passé ? Les Congolais n’ont-ils l’impression de vivre la continuité du régime Kabila ? Autant de questions qui taraudent l’esprit de plus d’un analyste.

ENVIRON 75 ENGAGEMENTS ET PROMESSES EN INTERNE

Ce jour-là, un certain jeudi 24 janvier 2019, devant plusieurs milliers de personnes au Palais de la nation à Kinshasa, le nouveau Chef de l’Etat promettait de maintenir l’indépendance et l’intégrité du territoire national. « Nous ne célébrons pas la victoire d’un camp contre un autre, nous honorons un Congo réconcilié. La République démocratique du Congo que nous formons ne sera pas un Congo de la division, de la haine ou du tribalisme« , avait déclaré le Chef de l’Etat, dès l’entame de son discours d’investiture.

 Dans ce discours de temps en temps entrecoupé par les applaudissements frénétiques des combattants et sympathisants de l’UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), le cinquième Président congolais, depuis l’accession du pays à sa souveraineté nationale et internationale, le 30 juin 1960, avait pris plusieurs engagements. En somme, Fatshi avait fait plus de soixante-dix promesses aux Congolais pour son quinquennat. Ce, dans tous les secteurs de la vie nationale.

(…) »L’Etat garantira le bonheur de tous ». « La lutte efficace et déterminée contre la corruption et les antivaleurs, notamment l’impunité, la mauvaise gouvernance, le tribalisme » « Le  Congolais est indexé dans la catégorie des citoyens vivant avec un revenu annuel moyen par habitant de moins de 400 dollars. Soit un des revenus les plus faibles de la planète. Nous devons faire évoluer favorablement ce paramètre pour nos citoyens… » avait promis Félix Tshisekedi, sur un ton d’engagement ferme. 

Et de poursuivre : « Nous ferons appliquer avec rigueur sur l’ensemble du territoire, la loi sur le petit commerce réservé aux nationaux dans le cadre du principe du privilège national.  » « Le Président Etienne Tshisekedi nous a inculqué des valeurs de la lutte politique au service de chaque Congolais, quelle que soit son opinion, son origine et son parcours. Nous allons appliquer ces engagements dans nos actes au service de notre peuple« .

Trois ans après, le successeur de Joseph Kabila se reconnait-il dans son propre discours ? Qu’est-ce qui aura l’alternative  à l’historique alternance politique, matérialisée par la passation pacifique et civilisée de pouvoirs entre un Chef de l’Etat élu sortant et un Président de la république élu entrant ? Dans la pratique du pouvoir, peut-on admettre qu’il y a effectivement  rupture avec l’ancien système ?

« DEBOULONNER L’ANCIEN SYSTEME »

Après un peu plus de deux mois de sa prise de responsabilités au plus haut sommet de l’Etat, le nouveau président  congolais effectuait un  voyage à Washington, aux Etats-Unis, le tout premier d’une très longue série en trois ans.  « Je le dis sans peur. Je suis là pour déboulonner le système dictatorial qui était en place », avait déclaré Félix Tshisekedi, au cours d’un atelier de réflexion sur la politique étrangère, organisé en marge de la conférence  au Concil on Foreign Relations, le 4 avril 2019 dans la capitale politique de la grande puissance mondiale.

A Kinshasa, ces propos de Fatshi avaient fait l’effet d’une bombe de ses partenaires politiques du FCC avec qui il était en coalition. Pour d’autres, le successeur de Joseph Kabila annonçait ainsi, sans le dire clairement, les couleurs d’une chasse aux sorcières. Ce qui semblait quelque peu contredire son engagement de départ, selon lequel son élection « n’était pas la victoire d’un camp contre un autre« .

Au fil du temps, la promesse de Washington s’est finalement matérialisée. Effectivement, Félix Tshisekedi a réussi à déboulonner le kabilisme. Le tout commence par la liquidation de la coalition FCC-CACH en décembre 2020. Ensuite, la chute au courant du même mois, du bureau de l’Assemblée nationale, alors dirigé par le PPRD Jeanine Mabunda. Enfin, le basculement de la majorité parlementaire en pleine législature. Une grande première !

LES PRATIQUES DECRIEES ONT LA PEAU DURE

Dès lors, sur le plan strict de la pratique politique, plus d’un observateur note que la rupture tant proclamée avec le passé, n’aura été qu’illusoire. A preuve, les trois premières années de l’Administration Fatshi auront été couronnées par des vagues de détournements des millions de dollars américains du trésor public.

Ce n’est pas tout. Les mêmes observateurs s’indignent de constater que l’équilibre national n’ait pas été pris en compte,  en ce qui concerne les nominations à certaines fonctions publiques. On accuse Félix Tshisekedi de faire la belle aux ressortissants de l’espace Grand Kasaï, au détriment des Congolais d’autres provinces.

Par ailleurs, des bruits au sein de son propre parti, lui reproche de s’être entouré de ses amis de la diaspora, au sacrifice des combattants qui ont mené le véritable combat sur place au pays. Moralité, d’aucuns déduisent que les trois ans de Fatshi n’ont rien changé dans la pratique politique. Les mêmes antivaleurs reprochées aux régimes antérieurs continuent (corruption, débauchage, clientélisme politique, népotisme…)

Bref, c’est la continuité. Comme pour paraphraser Mungul, « le véhicule est le même. C’est juste le chauffeur qu’on a changé« . Grevisse KABREL  

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