* La Haute Cour militaire considère que cette requête avait comme soubassement légal l’article 249.
La Haute Cour militaire a rejeté hier la demande de comparution du président de la république honoraire Joseph Kabila en qualité de renseignant dans l’affaire du double assassinat du défenseur des droits de l’Homme Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana. C’est le président de la chambre qui statue sur cette affaire qui l’a affirmé au cours de l’audience d’hier, à la prison militaire de Ndolo.
Il a précisé que cette décision est prise en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît l’article 249 du Code judiciaire militaire. A travers cette décision, la Haute Cour militaire siégeant au degré d’appel sur cette affaire a rejeté la requête des parties civiles sur l’audition de certaines personnalités citées par P. Mwilambwe dont le sénateur à vie Joseph Kabila.
Le prédécesseur de Félix Tshisekedi a été cité par le policier Paul Mwilambwe, chef du protocole de l’inspection générale de la police au moment des faits, comme le commanditaire principal de l’assassinat du coordonnateur de l’Ong Voix des Sans voix (VSV) et de son chauffeur.
«La Haute Cour militaire a considéré que cette demande avait comme soubassement légal l’article 249 qui confère aux présidents de la chambre un pouvoir discrétionnaire pour l’audition des témoins à titre des renseignements lesquels n’ont pas été notifiés aux parties. Ainsi donc, en vertu de ce pouvoir, le président que je suis estime qu’il ne peut pas faire droit à cette demande pour deux raisons : La première, l’audience de ce 19 janvier est réservée aux plaidoiries des parties. Deuxièmement, pour se conformer à l’article 74 du Code de procédure pénale qui fixe l’ordre dans lequel la procédure à l’audience publique est tenue, le président usant de son pouvoir discrétionnaire estime qu’il ne peut faire droit à cette demande et invite les parties de se conformer aux dispositions de cet article qui indique les étapes… », a déclaré le premier président de la Haute Cour militaire.
Déboutées, les parties civiles ne se disent pas vaincues. Elles affirment ne pas être déçues par cette décision qui, soulignent-elles, n’est qu’une opinion personnelle du président de la Chambre et non une décision de la Haute Cour militaire.
LES AVOCATS DES PARTIES CIVILES MONTENT AU CRENEAU
C’est ce qu’a indiqué, Me Richard Bondo, président du collectif d’avocats des parties civiles, au terme de l’audience d’hier. Pour lui, les avocats des parties étaient venus plutôt recevoir un arrêt avant dire droit, pas une décision personnelle.
«Vous avez entendu le président de la chambre dire que c’est lui seul, ce n’est pas la Haute Cour. Il a même précisé que ce n’est pas un avant dire droit. Donc, quand une affaire est prise en délibéré, on s’attend à une décision judiciaire qu’on appelle un arrêt quand on est devant la Haute Cour. Mais aujourd’hui, vous venez d’assister à une opinion du président de la chambre comme s’il dirigeait le débat alors que nous étions venus pour recevoir un arrêt avant dire droit», a-t-il fait savoir.
Pour les parties civiles, le président de la composition a ignoré le principe de la collégialité, en se prononçant individuellement. Ils promettent de poser un acte de procédure, à l’audience prévue pour le 26 janvier prochain, afin de permettre à la Haute Cour de rendre un arrêt avant dire droit sur leur requête.
«N’ayant pas répondu à notre requête, nous pensons que le président qui a méconnu la collégialité de sa chambre, a posé un acte qu’on ne peut pas qualifier d’arrêt. Lui-même l’a avoué. C’est une simple opinion personnelle du président de la chambre. Le président seul exprime ses opinions qui ne sont pas des décisions de justice», a souligné Me Bondo.
Dans une déclaration lue à la presse, le 18 janvier dernier, cinquante organisations de la société civile ont demandé à la Haute Cour militaire de convoquer pour comparution et audition toutes les personnes citées par le major Paul Milambwe dont Joseph Kabila.
Pour ces organisations, le président de la République honoraire devrait être entendu non pas comme prévenu, mais comme un simple renseignant. A ce titre, il peut être entendu sans passer par l’autorisation du Sénat.
«Cela veut dire en d’autres termes que ses droits acquis tant au niveau de la loi qui accorde des avantages aux anciens chefs d’État mais aussi au niveau de la Constitution voire au niveau du règlement intérieur du Sénat, ne seront pas remis en cause. Même dans la loi qui protège les anciens chefs d’État, l’article 7 dit qu’il peut être poursuivi pour tous les crimes de sang. C’est très clair. Il peut être poursuivi s’il est auteur ou complice d’un crime de sang (…)
On n’a pas besoin de l’autorisation du Sénat pour l’entendre comme un simple renseignant», a conclu Me J-C Katende. Orly-Darel NGIAMBUKULU