* Le chef de l’Etat appelé à mettre de l’ordre dans sa cour avant de se lancer dans la reconstruction promise pour 2022.
L’actualité politique en RD Congo reste encore essentiellement dominée par la tournée du Président de la république dans l’espace Grand Kasaï. Cependant, si ce sujet ne suscite pas beaucoup de commentaires, d’autres faits notoires ou notables volent la vedette à ce périple de Félix Tshisekedi dans le pays Luba. A savoir, des scènes de bagarre de rue offertes par des conseillers du chef de l’Etat, le dossier Tenke Fungurume Mining (TFM) qui met aux prises le directeur de cabinet du Chef de l’Etat, Guylain Nyembo et Nicolas Kazadi, ministre des Finances issu du parti présidentiel, Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS).
S’ajoutent à ces deux premiers sujets, le conflit teinté de joutes verbales entre l’ancien gouverneur du Kasaï oriental, Alphonse Ngoy Kasanji et Marcellin Bilomba, conseiller principal du collège Economie, finances et reconstruction au cabinet du Chef de l’Etat. Au fond des bisbilles, l’affaire de plusieurs millions du Trésor, débloqués pour financer la construction des écoles dans la province du Kasaï Oriental. Principalement à Mbuji-Mayi.
Le très controversé arrêté du ministre de l’Enseignement supérieur et universitaire portant désignation et nomination de nouveaux membres des comités de gestion de certains établissements publics du boucle la boucle de ces sujets qui continuent à faire le chou gras des internautes congolais d’ici et d’ailleurs.
TOUT SE PASSE DANS LA COUR ROYALE
Ce n’est pas un scoop de Forum des As. Loin s’en faut ! A l’étape de Mbuji-Mayi, le Président de la république, au-delà du standing ovation, avait reçu une clameur publique. En chœur, la population a désavoué en bloc les collaborateurs du Chef de l’Etat que la foule en liesse a qualifiés de voleurs. Car, elle ne comprend pas que d’importantes sommes décaissées pour financer des projets d’intérêt communautaire soient détournées par ceux-là même qui sont sensés accompagner Félix Tshisekedi dans la matérialisation de ses promesses électorales.
S’agissant du clash entre le Dircab du chef de l’Etat, Guylain Nyembo et le ministre des Finances Nicolas Kazadi, le premier a, dans un courrier transmis le 31 décembre dernier au responsable de la China Molybdenum Co-CMOC, associée de la Gécamines dans la joint-venture Tenke Fungurume Mining, accusé le ministre des Finances de court-circuiter le processus déjà engagé, de faire un affront vis-à-vis des résolutions pourtant prises le 10 novembre 2021 devant le Président de la république à Kinshasa et d’avoir l’intention manifeste d’encourager TFM de se dérober de ses obligations conventionnelles vis-à-vis de la Gécamines SA.
De son côté, l’argentier national réfute les propos du Dircab et donne sa version des faits. Dans un communiqué officiel, Nicolas Kazadi évoque une « instruction de la Haute hiérarchie » pour justifier sa correspondance du 24 décembre 2021 qui lui aurait valu les attaques ad hominem du Dircab Guylain Nyembo.
« Sur instruction de la Haute hiérarchie (Ndlr : le Président de la république), le ministre des Finances a, dans une correspondance du 24 décembre 2021 adressé au Code China Molybdenum Co, fixé la position de la RDC en rapport avec des investissements en cors et à venir. Il s’agit d’une position constante du Gouvernement, reflétant sa volonté de totale trnsparence dans la promotion des investissements profitables à la RD Congo et l’amélioration continue du climat des affaires , en garantissant la fiabilité des engagements pris par la république, dans le respect du droit et de bonnes pratiques« , explique Guylain Nyembo dans son courrier.
Qui croire ? Qui du Dircab de Fatshi et du ministre des Fiances dit la vérité ? De toute évidence, là n’est pas le sujet. Toutefois, des observateurs auront noté que tout se passe avec des acteurs majeurs de la cour royale. Ca fait trop.
Et voici, l’épisode Ngokas-Marcellin Bilomba. Reçu récemment sur le plateau d’une télévision à Kinshasa, le député Ngoy Kasanji a ouvertement déclaré que la construction d’une école au Kasaï Oriental aurait couté 3 millions de dollars américains. Comme pour dire, les chiffres présentés par celui que l’on a surnommé « homme aux 50 notes techniques par semaine » sont excessifs. Bref, il y a eu surfacturation.
Dans sa contre-offensive, Marcellin Bilomba ne porte pas de gants. « Le député Ngoy Kasanji à peine assimilé à un juriste, diplômé d’une école parallèle… S’il veut entrer dans la cour des grands, il doit respecter ceux qui veulent travailler. Je pense que Ngoy Kasanji a détruit cette province pendant douze ans. Il a détruit la Minière de Bakwanga (MIBA) et il n’a aucune leçon à nous donner. Ngoy Kasanji est un juriste assimilé. Il n’a qu’à apprendre et à observer auprès des maïtres de l’ouvrage en tant que député pour obtenir les termes de référence, le chaier des charges, les bordereaux des prix et des quantités pour les faire contrôler par les architectes et ingénieurs pour montrer qu’il y a eu surfacturation. Il n’a rien fait de ça. Il fait du show-biz et du spectacle« , réplique le conseiller principal du collège Economie, finances et reconstruction du Président de la république.
A la suite des propos de Marcellin Bilomba contre Ngoy Kasanji, Jean-Marc Kabund, vice-président de l’Assemblée nationale et président a.i du parti présidentiel, a haussé le ton à son tour, pour prendre parti de l’ex-gouverneur du Kasaï-Oriental. Dans un message publié sur son compte Twitter, JMK déclare : »L’honorable Ngokas qui n’a fait que son travail de contrôleur de l’action de l’Exécutif, mérite mieux que des insultes. Au nom de l’UDPS et au mien propre, je tiens à lui présenter des excuses et prie la justice de se saisir de la dénonciation pour établir les responsabilités« .
VIVEMENT DE L’ORDRE AU SEIN DU CABINET
Que des conseillers à la présidence de la république en viennent aux mains sur la place publique, personne ne saurait donc applaudir ces actes. Peu importe la pertinence des raisons que l’on aura avancées, c’est avant tout, l’image du cabinet du chef de l’Etat. Simple métonymie, pour ne pas dire le Président de la république lui-même.
Un autre sujet qui déchaine des commentaires dans tous les sens, est l’arrêté du ministre de l’ESU, signé en décembre dernier, portant nomination de nouveaux membres des comités de gestion de certains Universités et Instituts supérieurs publics à Kinshasa et dans quelques provinces. Le problème, est que Muhindo Nzangi a décidé tout seul sans que la question ne soit débattue en Conseil des ministres ! D’où, le communiqué du Premier ministre qui a demandé au ministre de l’ESU, de surseoir à son arrêté. La question qui se pose, est celle de savoir comment un membre du Gouvernement peut se permettre de décider sans pour autant se référer à la hiérarchie ? Ca fait anarchie !
Fort de différents faits présentés ici, d’aucuns estiment qu’avant de lancer dans la bataille de la reconstruction des infrastructures de base -ce qui est du reste légitime -le Président de la république devrait d’abord mettre de l’ordre dans son cabinet. Car, à la lumière de tout ce qui se passe, on a l’impression qu’il se pose un vrai problème de manque de coordination. Comment réussir le pari de la construction des infrastructures, si dès le départ, on ne sait pas qui fera quoi dans un cabinet jugé pléthorique?
Que ce soit l’affaire TFM ou de construction des écoles au Kasaï-Oriental, des observateurs avisés auront constaté que le tout est géré par le cabinet du Président de la république. Ni le Premier ministre, ni aucun ministre sectoriel n’apparait de quelque manière dans l’une des affaires. Tout s passe comme si le cabinet du Chef de l’Etat faisait partie des institutions du pays. Pourtant, vu des textes, la seule institution constitutionnellement reconnue est le Président de la république et non son cabinet.
Dès lors que le Gouvernement qui responsable de son action devant l’Assemblée nationale est tenu très à distance dans la conduite des dossiers, on se demande alors alors qui répondre devant la Représentation nationale. En tout cas, ce ne sera pas le cabinet du chef de l’Etat. Moralité, d’aucuns pensent qu’il y a urgence que Fatshi puisse penser à mettre de l’ordre dans sa cour. Quitte à se constituer un autre Cabinet. Quitte aussi à opérer des changements du côté du Gouvernement. Grevisse KABREL