Quid des étudiants frappés au seuil de l’année académique 2021-2022 ?

* Vivement des mesures palliatives pour préserver la paix sociale !

C’est archi connu depuis la deuxième quinzaine de ce mois de décembre. Trente-neuf établissements d’Enseignement supérieur et universitaire(ESU) de la ville de Kinshasa n’ouvriront pas leurs portes le 5 janvier prochain, date de la rentrée académique pour l’année 2021-2022 en RDC. Il s’agit des établissements fermés parce que non viables. Ainsi, en a décidé le ministre de tutelle, par sa note circulaire du 20 décembre. Plusieurs autres universités et instituts supérieurs en provinces, sont également frappés par cette décision de Muhindo Nzangi.

Dans sa circulaire sus-évoquée, le patron de l’ESU en RD Congo explique que cette mesure a été prise à l’issue d’un audit organisationnel et d’une enquête de viabilité des établissements de son secteur, menés par son ministère aux mois d’août et de juillet derniers, sur l’ensemble du pays. Il ressort de cet audit que seuls 82 établissements d’Enseignements supérieurs et universitaire de la capitale remplissent les critères et peuvent, par conséquent, continuer à fonctionner.

Vu de nombreux partenaires du secteur, cette décision du ministre Muhindo Nzangi est techniquement soutenable et même encourageante, quand on sait qu’il existe en réalité, de nombreux Universités et Instituts supérieurs privés agrées, mais qui posent en même temps un vrai problème de déficit d’infrastructures adéquates et de manque criant de matériels. Surtout en ce qui concerne des filières techniques telles que la Médecine et les Sciences infirmières.

Comment peut-on comprendre que des Universités privées organisent des filières vitales comme la médecine, dans un environnement où il n’existe aucun hôpital équipé ? Quels types de médecin que ces établissements prétendent former ? Comment peut-on également imaginer, un seul instant, que telle Université ou tel Institut supérieur privé, organise l’option Sciences infirmières en l’absence totale d’un laboratoire équipé ? Pour toutes ces raisons techniques, la note circulaire du ministre Muhindo Nzangi tombe donc à propos.

Cependant, sur les plans purement politique et social, d’aucuns estiment que la décision du ministre pose problème, parce que jugée en inadéquation avec les vraies réalités du pays. Mesure salutaire certes, mais sans dispositions palliatives en aval, la circulaire du ministre de l’ESU soulève donc une nouvelle problématique. La question fondamentale qui se pose, est celle de savoir ce que deviennent les étudiants des établissements fermés. A-t-on pensé en amont, au sort des milliers d’étudiants des classes montantes et terminales  des établissements frappés ?

Dépaysés et presqu’en débandade depuis l’annonce officielle de la décision du numéro 1 de l’ESU, nombreux si pas tous, sont des étudiants des établissements fermés; qui ne savent plus à quel saint se vouer. Avec eux, leurs parents sans ressources, et incapables de faire face aux conditions d’études dans les universités et Instituts supérieurs officiels.

Dès lors que la décision du ministre de l’ESU a été rendue publique à quelques semaines de la rentrée académique pour l’année 2021-2022, on peut donc imaginer la douleur que ressentent ces étudiants dont certains n’hésiteraient pas d’abandonner les études pour toujours. Car, ce n’est pas évident qu’ils soient facilement acceptés dans les établissements autorisés à fonctionner. Que dire aussi du personnel scientifique et administratif dont la survie de ménages était liée à leurs prestations dans les établissements interdits de fonctionner? «Poser la question, c’est à la fois y répondre», jugeait Albert Camus.  

VIVEMENT DES MESURES PALLIATIVES !

Sans doute, on devrait se garder des diatribes contre le ministre Muhindo Nzangi, dans la mesure où sa démarche s’inscrit dans la logique de remettre de l’ordre dans le secteur de l’ESU.

Un sage chinois, conseiller de son empereur, confia à ce dernier, il y a plusieurs siècles : «Si vous voulez détruire un pays ennemi, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et couter cher en pertes humaines. Il suffit de lui détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre vingt ans, et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs. Ils vous sera alors très facile de les vaincre».

A ce jour, quiconque ferait le procès du système éducatif à tous les niveaux en RD Congo, aura vite constaté que celui-ci est entaché, justement de germes de destruction du pays. Cela va de la corruption aux contenus de différents programmes des enseignements, jugés en déphasage avec l’idéal du développement du pays. Ainsi, en fermant des établissements de l’ESU déclarés non viables, Muhindo Nzangi entend donc apporter, a sa manière, une sorte de thérapie pour guérir tant soit peu le mal.

Toutefois, d’aucuns pensent qu’au-delà de cette mesure de fermeture, l’Etat congolais devrait envisager des mesures palliatives.

La solution consisterait par exemple, en la construction dans l’arrière-pays, de nouveaux établissements de l’ESU dotés d’infrastructures et d’équipements adéquats. La réalité en RD Congo, pays aux dimensions d’un continent, renseigne qu’il existe des coins du territoire national où les établissements officiels de l’ESU sont inexistants. Le seul qui puisse y existé est celui que le ministre a fermé. Alors, la question qui se pose est celle de savoir où iront les étudiants qui fréquentent ces établissements depuis plus d’une année ?

Par ailleurs, une autre évidence est  que nombre de finalistes des humanités, faute de moyens financiers, prennent par nécessité, leurs inscriptions dans ces établissements sans infrastructures ni matériels pour la pratique.

Dès lors que c’est l’Etat congolais lui-même qui a reconnu à ces établissements le droit de fonctionner, en leur accordant des numéros d’agrément, il revient aux mêmes autorités du pays, de fixer en amont, les conditions rigoureuses à remplir. Cela suppose que toute demande d’agrément devrait être suivie d’une descente des officiels sur le terrain, pour finalement, décider en toute responsabilité.

LE SURPEUPLEMENT

Bien «naïf», qui croit que dans les 17 établissements publics et les 67 privés de Kinshasa, «rescapés» de la décision du ministre de l’ESU, le tableau est reluisant. Erreur. Car, même ici, il se pose également plusieurs problèmes fonctionnels. Le plus emblématique est le surpeuplement dans les salles de cours. Surtout dans des classes de recrutement. Pas surprenant ni étonnant de compter plus de mille étudiants dans un local qui a vocation à n’en accueillir que quelques centaines.

Cette explosion démographique dans des établissements traditionnels de l’ESU, est la conséquence de la non-construction de nouvelles universités dotées d’infrastructures nécessaires. C’est vrai qu’il y a baisse sensible de vocations dans des filières stricto sensu de lettres. Surtout celles liées à la formation de futurs enseignants de l’école secondaire. Mais, dans les options techniques, la Demande parait assez croissante et disproportionnelle à l’Offre. Conséquence, i y a baisse de la qualité du produit fini qu’est l’universitaire congolais des deux, voire des trois dernières décennies !

L’expérience d’ailleurs démontre que les nations qui ont gagné le pari de leurs développements, sont celles qui ont investi dans l’Enseignement. On ne peut donc pas chanter, matin midi et soir que la jeunesse est l’avenir du pays, sans envisager des politiques innovantes de son éducation. «La meilleure façon de prédire l’avenir est de le créer», postule le célèbre Prof et consultant américain en Management d’entreprise, Peter Ferdinand Drucker.  Grevisse KABREL

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