Autant le souligner tout de go. Pour son grand oral de ce lundi, Félix-Antoine Tshisekedi n’a pas à convaincre les parlementaires. L’auditoire estampillé » Congrès » lui est quasiment entièrement acquis. Voire dévoué. On ne prêche pas aux convertis. A la suite de la vaste OPA -Offre publique d’achat- sur l’Assemblée nationale pudiquement appelée » requalification de la majorité « , Fatshi a bétonné les deux chambres du Parlement.
Normal en régime semi présidentiel ou semi parlementaire lorsque le président de la république est en même temps le véritable patron de la famille politique majoritaire à l’Assemblée nationale. Avec le risque presqu’assuré d’avoir un parlement » godillot « . Une espèce de chambre d’enregistrement de la volonté du Prince. Ce cas de figure n’est ni une spécialité ni une spécificité tropicale. Dépités par l’émasculation continue de la Chambre des députés, certaines stars de la politique française militent pour la VIème République.
C’est donc peu de dire que le chef de l’Etat congolais n’a pas à convaincre les députés et les sénateurs dont l’immense majorité joue au plus » fatshiste que moi, n’est pas encore né « . Le Président n’aura pas non plus besoin de forcer son talent pour arracher des applaudissements à tout rompre du public qui sera composé essentiellement de » combattants « . Pas besoin d’être prophète ni prestidigitateur- c’est selon- pour imaginer le nombre incalculable de » standing ovations » qui vont ponctuer l’adresse présidentielle.
Les attentes du plus grand nombre sont, cependant, à mille lieues des dithyrambes, salamalecs et autres chants à la gloire du » chef » qui sortiront de travées et du balcon de la salle des congrès du Palais du peuple. Les Congolais attendent du Président des antidotes concrets à la morosité généralisée ambiante.
Au plan politique, le pays est presque rentré à la case départ. Telle une maladie ultra contagieuse, la crispation politique est à son comble. A l’image de la composition de la CENI que seul le Pouvoir et ses satellites reconnaissent.
Ce n’est certainement pas le débauchage à tout va qui fera baisser la tension. Une vieille pratique, façon palliatif à court terme, qui retarde l’échéance sans résoudre le vrai problème.
Orfèvre en la matière, Mobutu peut témoigner -outre-tombe- sur les limites de l’exercice. Séduit par la formule, Joseph Kabila a constaté à ses dépens qu’en fait d’un édifice solide, feue sa majorité composite reposait sur du sable.
Et le social dans tout cela ? A deux ans tout juste de la fin du quinquennat, aucune ligne n’a bougé sur le premier de fronts. Loin des chiffres et autres graphiques sur les indicateurs du cadre macroéconomique, les clignotants sociaux sont toujours au rouge. Dans les bas quartiers de Kinshasa et en provinces, ils passent même du rouge écarlate à du rouge foncé. Ce ne sont pas de promesses de plus voire de trop qui changeraient la donne.
Longtemps abonnés à » il n’y a qu’à « , et à quantité d’autres lieux communs du genre » le peuple souffre » , « Kabila doit partir » … Félix-Antoine Tshisekedi devrait faire mieux que son prédécesseur. Y compris sur la situation dans l’Est du pays où les heurs et malheurs de l’état de siège – les seconds plus nombreux que les premiers- ont le mérite d’illustrer la locution proverbiale selon laquelle » la critique est aisée, mais l’art est difficile « . Une équation orientale qui ne se lit que couplée avec les relations avec le Rwanda et l’Ouganda. Deux voisins avec lesquels l’opposition d’hier -UDPS en tête- accusait le Régime Kabila d’entretenir des « liaisons dangereuses « .
Pas sûr avec l’insécurité qui persiste dans le Grand nord et en Ituri que ce procès en » complicité » tienne encore la route. D’autant moins que diabolisés à outrance hier, les régimes rwandais et ougandais ont été béatifiés sans avoir fait acte de contrition préalable et encore moins promesse de réparation. A l’allure où vont les scènes de rabibochage dictés Grand oral par des considérations géopolitiques étrangères aux intérêts fonciers des Congolais, il y a fort à parier que la canonisation serait dans le pipeline.
Trêve de préemption du grand oral du Président. Le pays est tout ouïe. José NAWEJ