Des experts du secteur dénoncent une réforme cosmétique

* «On doit éviter tout conformisme précipité sans contenu», réagit le responsable d’un Institut supérieur à Kinshasa.

Tous les établissements d’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) en RD Congo, vont basculer vers le système LMD (Licence-Master-Doctorat), dès l’année académique 2021-2022 qui s’ouvre officiellement le 5 janvier prochain. L’annonce a été faite le mardi 7 décembre par le ministre de tutelle, lors de la présentation officielle de l’Instruction 023 portant directives de ladite année académique.

Il s’agit, selon Muhindo Nzangi, d’une réforme qui requiert beaucoup de courage, de créativité, de rigueur et de vigilance pour sa réussite. Ainsi, l’année académique 2021-2022 en RD Congo sera celle de la rupture avec l’ancien système qui prévoit trois ans de graduat (premier cycle) et deux années de licence(deuxième cycle d’études). Dans son argumentaire, le patron de l’ESU motive cette réforme par le souci de décerner aux finalistes des études universitaires en RD Congo, des diplômes à la fois crédibles et admissibles à l’échelle mondiale !

Vu de  différents partenaires de l’ESU en RD Congo, il n’y a rien de nouveau sous le soleil, tant cette réforme s’inscrit dans la droite ligne du processus de Bologne en France, qui a justement instauré la réforme licence-master-doctorat. Il s’agit donc ici, d’un ensemble de mesures modifiant le système d’Enseignement supérieur français pour l’adapter aux standards européens de la réforme BMD (Baccalauréat-master-doctorat).   

Des sources documentaires renseignent que les textes fondateurs de cette réforme datent de 2002. Mais la réforme elle-même est entrée en application plusieurs années plus tard. Selon Wikipédia, le processus de Bologne est un rapprochement des systèmes d’études supérieures européens amorcé en 1998 et qui conduit à la création en 2010 de l’Espace européen de l’Enseignement supérieur, constitué de 48 Etats.

Amorcé en 1998 par la Déclaration de la Sorbonne du 25 mai 1998, le processus de Bologne a visé à faire de l’Europe un espace compétitif à l’échelle mondialisée de l’économie de la connaissance. Il se trouve qu’en raison des liens historiques, politiques et linguistiques qui les unissent à leur zone d’influence, certains pays africains avaient déjà amorcé les réformes de leurs études supérieures.

«Gare a une réforme précipitée»

S’il est établi que la RD Congo doit rendre son système d’Enseignement supérieur compétitif, des experts du secteur fustigent, cependant, toute réforme cosmétique. Joint hier au téléphone, le recteur d’un Institut supérieur à Kinshasa estime qu’une réforme efficace ne se décrète pas. Bien au contraire, elle doit être l’aboutissement d’un processus de plusieurs années, basé sur le changement préalable des contenus des programmes de l’Enseignement à adapter aux réalités et à l’idéal du développement du pays. «Auquel cas, le remède pourrait s’avérer plus nocif que le mal qu’il prétend guérir».

Ici, l’exercice consiste à bien poser le diagnostic. Quel est le type de problème que pose le système que l’on veut changer ? Quel est le vrai problème que prétend résoudre le système LMD par rapport aux programmes actuels des enseignements ? Les différentes filières dans les établissements de l’Enseignement supérieur et universitaires en RD Congo répondent-ils aux multiples défis du développement du pays ? L’ancien système est-il la principale cause de la baisse sensible de la qualité de l’Enseignement et du niveau des étudiants ?

Si la motivation de la réforme est celle de conférer aux diplômés congolais, des grades homologués  par des Universités européennes et d’autres universités africaines appliquant le système LMD, ne devrait-on pas s’assurer au départ du niveau de ces nouveaux Licenciés, masters et docteurs ? Le licencié congolais du nouveau système LMD est-il égal, en termes de connaissances, à son collègue d’ailleurs ? Sinon, que faut-il faire pour le rendre compétitif ? Voilà, autant de questions de fond, parmi tant d’autres, qui devraient constituer le soubassement de la réforme annoncée dans le secteur de l’ESU.

Faute de donner des réponses claires au questionnement ci-dessus, des techniciens de l’Enseignement supérieur et universitaire en RD Congo concluent que le changement de système annoncé serait une réforme précipitée. A défaut, un copier-coller qui ne résout pas le vrai problème de l’ESU en RD Congo, jugé en inadéquation avec les besoins réels du pays. Grevisse KABREL

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