2021 : Idengo, Muyisa, MPR, Bob Elvis…dans le collimateur de la Justice

En 2021, les menaces, les condamnations et la censure des artistes dits révolutionnaires et engagés n’ont rien à envier aux pratiques du régime de Joseph Kabila. Idengo, Muyisa à Béni dans le Nord-Kivu, le groupe MPR et Bob Elvis à Kinshasa, pour ne citer que ceux-là, ont été malmenés par le pouvoir pour avoir dénoncé le mal et les abus du pouvoir.

Deux figures artistiques de la souffrance des populations de Beni, les artistes musiciens Idengo et Nzanzu ont été condamnés à 10 et 2 ans de prison pour avoir «offensé» le Chef de l’État dans leurs chansons. La condamnation de ces deux jeunes artistes musiciens engagés le 17 décembre 2021 par un tribunal militaire à Goma est une parfaite illustration du sort qu’a réservé le pourvoir à ceux qui ont dénoncé les massacres des civils en cours dans l’Est du pays et la mauvaise gouvernance en RDC. 

CONDAMNÉS POUR AVOIR DÉNONCE

Les deux jeunes condamnés ont en commun le fait d’être tous originaires de la région de Beni – dont la population est massacrée depuis 2014 et le fait d’utiliser leur art pour porter la voix de nombreuses victimes de ces tueries. De même, ils dénoncent, à travers leurs chansons, l’échec du gouvernement à tenir ses engagements : restaurer la paix et assurer le bien-être aux populations. Enfin, les deux artistes ont également en commun le style de leur musique et les termes très tranchants à la hauteur de la misère du peuple de Beni et de sa déception.

Idengo et Muyisa n’ont pas été les seuls artistes révolutionnaires à payer le prix le plus fort pour leur engagement en 2021. Comme Alesh (auteur du titre : «Toko voter lisusu». Traduisez : «Nous allons encore voter») sous le régime Kabila, Bob Elvis a subi plusieurs pressions de la part des tenants du pouvoir en 2021.

LE CALVAIRE DE BOB ELVIS

Ce jeune musicien kinois est l’un de ces chanteurs, danseurs et rappeurs ayant  utilisé leur art pour transmettre leurs convictions politiques en 2021, souvent contestataires. Et ils vivent dans la peur de la répression. 

Auteur du tube intitulé «Lettre à ya tshitshi», Bob Elvis était contraint de vivre en quasi clandestinité pour un moment. Et pour cause, il a été très critique envers le Président de la République, les députés. Bob Elvis a dénoncé le fait que la RDC soit piégée par les accords politiques et que le «peuple d’abord» soit un simple slogan. Pour cet artiste, «les députés sont des inconscients» qui ne se soucient pas de la souffrance des Congolais.

Bob Elvis s’étonne que depuis la mort d’Etienne Tshisekedi, beaucoup de choses aient changé au pays de manière négative. Tel est le cas de la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) qui est, selon lui, désormais à Kingakati. Le musicien a également fustigé la misère des «combattants» de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS/Tshisekedi) «qui continuent à croupir dans la misère et demeurent sans emploi».

Ces propos lui ont attiré à leur auteur la colère de certains caciques du pouvoir. Ses musiciens devraient aller jusqu’à lui pour répéter. «Pour des raisons de sécurité, je dois rester quelque part où je vis caché, le temps que les choses soient plus claires…», s’était-il confié à un de nos confrères sur un média des réseaux sociaux.

LE GROUPE MPR «SAUVE» PAR LA FERVEUR POPULAIRE

La chanson «Nini to sali te?» (Traduisez : «Que n’avons-nous pas fait?») du groupe Musique populaire de la révolution (MPR) doit sa survie à la ferveur populaire. La Commission nationale de censure des chansons et des spectacles (CNCCS) avait suspendu la diffusion dans les médias de ce tube interpellateur  qui fait la une en 2021.

Décision contestée et dénoncée dans l’opinion. Acteurs politiques, membres de la société civile,  communauté internationale et  organisations internationales se sont mêlés à l’affaire jusqu’à obtenir l’annulation de cette mesure impopulaire. 

Alors que dans l’opinion congolaise, plusieurs avaient pensé que c’est le Gouvernement qui en était le responsable, le ministre de la Communication et Médias et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya avait, dans un tweet, précisé que le gouvernement n’avait rien avoir avec cette mesure. L’exécutif national, à travers le ministère de la Justice avait, au fait, censuré à son tour la commission de censure, autorisant la diffusion de «Nini to sali te?» sur les médias traditionnels.

De quoi parlent ladite chanson ?

Avec près d’un million de vues en 4 jours sur la chaine officielle YouTube du groupe MPR, «Nini to sali te» est une production de deux musiciens congolais qui mettent en exergue la situation d’une famille pauvre pour peindre leur version de la situation socio-politique et économique du pays depuis l’indépendance. Dans ce nouveau clip, les deux artistes kinois peignent un tableau particulièrement fataliste de la situation en RDC. 

En 2021, le thème «Arts, culture et patrimoine : leviers pour construire l’Afrique que nous voulons» au centre du mandat de Félix Tshisekedi à la présidence de l’Union africaine, a quelque peu contrasté avec la réalité et la situation des artistes musiciens dits engagés en RDC sous son régime.  Rachidi MABANDU

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