*Le Premier Président du Conseil d’Etat invite le Magistrat suprême à intervenir pour qu’il ne soit plus concevable qu’un représentant de l’État, quel que soit le niveau de ses responsabilités, se permette de remettre en cause des verdicts.
L’audience solennelle et publique de la rentrée judiciaire du Conseil d’Etat, exercice 2021- 2022, a eu lieu hier lundi 8 novembre au Palais du peuple en présence du Président de la république, et Magistrat Suprême, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.
Le Procureur Général près le Conseil d’Etat, Octave Tela Ziele, et le Premier président du Conseil d’État, Félix Vunduawe te Pemako, ont fait la synthèse mercuriale 2021.
Le discours du professeur Vunduawe a porté sur le « Référé en contentieux administratif congolais : ses caractéristiques, portée de ses ordonnances et voies de recours « .
Dans leurs interventions, les deux tribuns se sont aussi adressés au Magistrat suprême pour dénoncer les résistances de certains haut-fonctionnaires de la République aux décisions des juridictions de l’ordre administratif.
Ils ne se sont pas arrêtés là. Félix Vunduawe te Pemako et Octave Tela Ziele demandent au Président de la république d’intervenir pour qu’il ne soit plus concevable qu’un représentant de l’État, quel que soit le niveau de ses responsabilités, se permette de remettre en cause les décisions de justice.
Détachement d’une unité de police judiciaire des parquets
« Le faire, c’est déjà dénouer de tout sens votre conviction de l’État de droit. Mais pas seulement, c’est aussi méconnaître votre autorité, parce que ces décisions sont exécutées au nom du Président de la République, chef de l’Etat, magistrat suprême« , ont-ils rappelé.
Le Conseil d’État sollicitera du Chef de l’Etat, le détachement d’une unité de police judiciaire des parquets près les juridictions de l’ordre administratif, sous l’autorité du Procureur Général près le Conseil d’État, pour l’accompagner dans sa tâche de veiller au respect de l’exécution des décisions de justice. Ce sera peut-être le début de solution pour mettre fin à certaines pratiques que l’on constate dans le chef de certains hauts responsables de l’État.
Dans le cadre des réformes appliquées dans la gestion du pays, la Cour Suprême de Justice avait été éclatée en trois corporations, à savoir : la Cour de Cassation, la Cour Constitutionnelle et le Conseil d’Etat.
Ce dernier se caractérise par sa double fonction, consultative et contentieuse. Dans son volet consultatif, le Conseil d’Etat est le conseiller du Gouvernement. Il est chargé de donner son avis sur la légalité et l’opportunité des projets de lois et de certains projets de décrets.
Quant à sa fonction contentieuse, le Conseil d’Etat est le juge administratif suprême.Celui-ci juge, selon les cas, en premier et dernier ressort. En appel ou en cassation, il a toujours le dernier mot en ce qui concerne le règlement des litiges entre l’administration et les administrés.
« Forum des As » publie ci-dessous, la conclusion du discours prononcé hier lundi 8 novembre à l’audience solennelle et publique de la rentrée judiciaire, exercice 2021-2022, par le Professeur Félix Vunduawe te Pemako, Premier Président du Conseil d’Etat. Didier KEBONGO
Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat ;
Mesdames et Messieurs distingués invités, tout protocole observé ;
En conclusion, soulignons que la procédure en référé résulte donc non seulement de la protection des droits et libertés fondamentaux, comme d’ailleurs l’a si bien démontré le Procureur Général près le Conseil d’Etat en sa mercuriale, mais aussi de la bonne administration de la Justice.
Elle couronne finalement la relativisation des effets exécutoires des décisions de l’Administration, longtemps matérialisés par la vieille maxime, « pessima lex, sed lex », dès lors que la publicité est suffisante.
En effet, les actes, décisions ou règlements administratifs conservent toujours leur caractère exécutoire, dès leur entrée en vigueur, c’est-à-dire à partir de leur signature. Cependant, ils ne s’appliquent immédiatement qu’à partir de leur opposabilité, lorsque leur publicité est acquise, soit par publication, soit par notification.
Ils bénéficient pour ce faire de l’autorité de la chose décidée résultant de la présomption de la légalité.
Cependant, lorsqu’ils remettent en cause manifestement l’ordonnancement juridique existant, la procédure en référé est la seule aujourd’hui indiquée pour en obtenir les mesures nécessaires et immédiates, susceptibles de retarder leur caractère exécutoire, et par conséquent de faire cesser les effets d’illégalité.
La procédure de référé concrétise ainsi, en réalité, la volonté du constituant selon laquelle » nul n’est tenu d’exécuter un ordre manifestement illégal « .
Le référé est en définitive un moyen légitime à opposer à tout ordre illégal, pour une société civilisée. Il est une nouvelle matière en droit congolais, il faut l’admettre, que la plupart de nos juristes ne maîtrisent pas encore.
Car, c’est maintenant seulement que le législateur organique du 15 octobre 2016 a introduit une procédure de référé administratif, en cas d’urgence, parmi les douze options nouvelles retenues, lors de la grande réforme du contentieux administratif congolais.
Cette réforme judiciaire de 2016 a finalement mis l’accent surtout sur la spécialisation de fonction du juge, entraînant celle des avocats, près les juridictions de l’ordre administratif, à partir de l’institution par la Constitution du 18 février 2006, du Conseil d’Etat, des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs.
Enfin, il faut retenir que la procédure de référé en cas d’urgence n’est donc organisée qu’au niveau de ces juridictions administratives de droit commun.
Aujourd’hui, seul le Conseil d’Etat est effectivement installé et fonctionne depuis 2018 et, en attendant l’installation effective des autres juridictions administratives ordinaires, les cours d’appel exercent les compétences dévolues aux cours administratives d’appel et aux tribunaux administratifs.
Professeur Félix VUNDUAWE te PEMAKO
Premier Président du Conseil d’Etat