« Nini to Sali té » (Qu’est-ce que nous n’avons pas fait?) , « Lettre à Ya Tshitshi », voici deux chansons de la musique populaire, composées respectivement per le Groupe MPR et Bob Elvis. Sorties depuis fin octobre dernier, ces œuvres de jeunes musiciens kinois, ont jeté le pavé dans la marre et mis les partisans du pouvoir à Kinshasa dans tous leurs états. A l’officiel, les deux œuvres ont été « censurées« . Sans doute bien en retard, dès lors qu’elles ont été très largement partagées à la vitesse du son, grâce au système Androïd.
Par ailleurs, certains thuriféraires du régime parlent de la manipulation. Question: qui a donc manipulé ces jeunes musiciens et pour quelle finalité ? Doit-on, au nom de l’appartenance politique sur fond de dissonance cognitive, interdire à un artiste, le droit d’exprimer ses opinions à travers ses œuvres ? Doit-on aussi voir de la manipulation partout, même devant les évidences ? Faut-il soigner la fièvre en cassant le thermomètre ? Voilà, autant de questions que charrie la colère (Injustifiée ?) de ceux qui s’en prennent aux auteurs des deux compositions sus-indiquées.
Au demeurant, s’il est établi que le seul critère de la vérité reste la pratique sociale, d’aucuns infèrent que le Groupe MPR qui peint le tableau de la société congolaise actuelle, n’aurait peut-être rien inventé qui serait de nature à nuire intentionnellement au pouvoir. Dit autrement, l’auteur de « Nini to sali te » qui vit au quotidien, les réalités mises en exergue dans son œuvre, n’aura dit que ce qu’il voit. Et, si ce qu’il voit n’est pas bon, alors ce n’est pas sa faute.
Au-delà de certains jugements de valeur portés sur eux, le musicien n’a pas la merde dans les yeux. Bien au contraire, il sait voir ce qui est incontestable. Depuis les années Mobutu au régime Kabila, les musiciens n’ont jamais cherché la thématique de leurs œuvres ailleurs. Ils ont toujours été inspirés par le quotidien des Zaïrois d’hier et Congolais d’aujourd’hui.
Sous Joseph Kabila, il y a eu un célèbre musicien congolais qui, dans l’une des chansons en featuring avec feu Papa Wemba, avait laché : »…Veut dire eza système ya lifelo. Moto ezo pela mais tozo zika te« . Jamais, le pouvoir d’alors en avait fait un problème.
Que le tube « Nini to sali te » du groupe Musique populaire de la révolution (MPR), cher au tandem Zozo Machine et Yuma Dash, soit interdit dans toutes les discothèques et tous les bars de la RD Congo, particulièrement ceux de Kinshasa, plus d’un observateur estiment que ce n’est pas la solution aux vrais problèmes de la vie sociale évoqués par l’artiste. Dans la même veine, six chansons de l’artiste Bob Elvis: « Lettre à Ya Tshitshi, Dégager, Eswi yo wapi, RAM, At Grace Land, Marley » sont aussi frappées par cette mesure de censure. La décision est prise par la Commission nationale de censure des chansons et des spectacles, hier mardi 9 novembre. Ce service du ministère de la Justice justifie sa décision par le fait que ces clips ont été présentés au public sans son autorisation.
« La lettre vient de nos services. Ce n’est pas par rapport au contenu de la chanson MPR. Ils ne sont pas à leur premier forfait. La loi exige un dépôt préalable de la chanson à la censure pour vérifier avant de se prononcer sur le contenu. Leur précédente chanson a posé aussi problème. Ils étaient invités, mais ils ne s’étaient pas présentés. On a été surpris qu’ils passent une autre chanson« , a dit l’inspecteur Didi Kelo Kelo de la Commission de censure, cité par Actualité.cd
DES PROMESSES NON TENUES
Quatre jours seulement après la sortie officielle sur différentes plateformes. « Nini to sali te« , cartonne. La chanson peint la misère dans laquelle vit la population congolaise depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, soit pendant soixante et un an. D’où, la déception, les pleurs et la révolte (légitime ?) des jeunes Kinois désespérés.
– « Étudier, nous l’avons fait. – Jeûnes et prières, nous l’avons fait !- Nous avons même défait les liens de famille.- Lutter et persévérer, Nous l’avons fait. Mais que n’avons-nous pas fait ? Les députés au parlement passent du temps à festoyer. La vie du congolais est comparable au combat d’Ali et Foreman. La plupart des hommes politiques sont sans vision, ils font des promesses, une fois qu’ils trouvent leurs comptes, ils vous tournent le dos. On nous a dit que si Mobutu part tout irait mieux, il est parti, c’est le statu quo. Ils ont dit que si Kabila lâchait tout devrait s’améliorer, il est parti et rien ne va pour le mieux, à quoi servent les études qu’on fait? », tel est le contenu de cette chanson. Grevisse KABREL et Gloire BATOMENE