* La haute juridiction a établi sa première jurisprudence qui veut qu’elle ne peut juger qu’un chef d’Etat ou un Premier ministre en fonction, a soutenu ce penaliste.
La Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente à juger l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, accusé d’avoir détourné les fonds destinés au développement du parc agro-industriel de Bukanza Lonzo. Les juges de la haute Cour ont déclaré fondées les exceptions de forme soulevées par les avocats de l’homme à la cravate rouge qui ont démontré, textes de Loi à l’appui, que cette juridiction n’est compétente que pour juger le chef de l’État et le Premier ministre en fonction.
Réagissant à cette décision judiciaire, le professeur Nyabirungu Mwene Songa, l’un des conseils de Matata Ponyo, a salué la maturité et la maîtrise juridique des juges de la Cour constitutionelle, principalement celles de son président, le professeur Dieudonné Kaluba Dibwa.
Pour ce penaliste, la Haute Cour a dit le droit, rien que le droit. Il a affirmé qu’avec cette décision, la Cour constitutionnelle vient de renvoyer une belle image de la justice congolaise en particulier, et de toute la République en général.
« En disant le droit, rien que le droit, la cour constitutionnelle a renvoyé une image très embellie de la République. Tout le monde est gagnant quand le droit gagne« , a-t-il.
Dans un tweet, cet ancien doyen de la faculté de droit de l’Université de Kinshasa a affirmé, qu’à travers cette décision, la Cour constitutionelle venait de démontrer qu’elle demeurait une Cour de justice, et non une Cour d’opinion« .
Il pense que, sur le plan du Droit pénal, la Cour constitutionelle dirigée par Dieudonné Kaluba Dibwa vient de constituer sa première jurisprudence. Elle coupe court au débat et précise qu’elle ne peut juger que le président de la République et le Premier ministre en fonction.
« En ce jour du 15 novembre 2021, la Cour Constitutionelle a rendu son premier arrêt en matière pénale, établissant ainsi sa première jurisprudence, qui veut que la Cour ne peut juger qu’un chef d’Etat ou un premier ministre en fonction« , a écrit le professeur Nyabirungu Mwene Songa dans un autre tweet.
Pour Me Frédéric Kwamba, un autre avocat de Matata Ponyo, cette décision consacre le triomphe du droit sur les humeurs. Il rappelle que les juges ne sont liés qu’aux faits et au droit.
« À un certain moment, le droit devient comme une science exacte au même titre que les mathématiques. Aujourd’hui, c’est le droit qui a triomphé et non les humeurs. Nous devons cesser de ramener la justice sur la rue. Les juges ne sont pas liés aux revendications de la foule« , a-t-il déclaré tout en saluant le courage de la Haute Cour.
Contrairement à ceux qui pensent que l’ancien chef du gouvernement sera dès lors déféré devant la Cour de cassation, qui est son juge naturel, ce juriste ne voit pas les choses de la même manière. Il pense que Matata Ponyo n’est pas non plus justiciable devant cette juridiction.
« Le parquet près la Cour de cassation ne peut poursuivre l’ancien premier ministre Matata. Le principe de la cristallisation des faits est clair. Les faits se seraient cristallisés pendant qu’il était premier ministre. La Cour de cassation n’a pas la compétence de juger une personnalité qui aurait commis des infractions pendant qu’il était premier ministre« , a-t-il souligné.
Pour Me Frédéric Kwamba, dans l’état actuel du Droit congolais, aucune juridiction n’a la prérogative de poursuivre un ancien chef de l’exécutif national pour les faits commis dans l’exercice de sa fonction.
« Il n’y a pas de juridiction compétente à statuer sur son cas. En matière pénale, le principe est clair. Le droit pénal est d’interprétation stricte. Là où la loi n’a rien dit, personne ne peut inventer la roue. Il n’y a aucune loi dans notre pays qui stipule la manière de poursuivre un ancien premier ministre. Il faut d’abord que la loi existe comme c’est le cas avec la loi sur le statut des anciens présidents de la République« , a-t-il martelé.
Interrogé à ce sujet, Me Georges Kapiamba, Président de l’ONG Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) affirme qu’il ne sera pas question de reprendre la procédure à zéro. Il affirme que le parquet général près la Haute Cour, à travers son parquet général, devra apprêter le dossier pour transférer au procureur général près la Cour de cassation.
« Étant donné que la Cour Constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour poursuivre Monsieur Matata Ponyo et ses deux co-accusés, ce qui va arriver, c’est ce qui est déjà prévu par les lois de procédure. Ce que la Cour va retourner les dossiers au parquet général près celle-ci et le parquet va préparer les dossiers pour les transmettre au procureur général près la Cour de Cassation. En ce moment-là, le procureur général près la Cour de cassation va apprêter les dossiers et les fixer devant la cour de cassation« , a-t-il déclaré.
Matata Ponyo et ses co-accusés, dont l’ancien ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi, sont poursuivis par la Cour constitutionnelle pour détournement présumé de plus de 300 millions USD affectés au projet du parc agro-industriel de Bukanza Lonzo. Orly-Darel NGIAMBUKULU