Il a séjourné pendant près d’une semaine à Kinshasa où il a participé aux travaux du tout premier Congrès Sénat-Assemblées provinciales, organisé du 15 au 18 novembre dans la capitale. Il s’agit du député Robert Habinshuti, président de l’organe délibérant du Nord-Kivu. « La situation sécuritaire dans la province des volcans est un drame vécu au quotidien par les populations locales« , déclare-t-il dans une interview à Forum des As. Face à l’ampleur de la situation sur le terrain, Robert Habinshuti invite la Communauté internationale et le Gouvernement à plus d’attention et à davantage d’efforts, pour mettre un terme à l’activisme constant aussi bien des groupes armés locaux qu’étrangers, opérant dans ce coin du territoire national. Interview.
Forum des As: Qu’est-ce que le Congrès Sénat-Assemblées provinciales a représenté pour vous?
Robert Habinshuti: Merci pour la question. Je dois d’emblée, vous avouer que ces assises ont été d’une grande symbolique et d’une importance capitale. Personnellement, j’y ai accordé un grand prix dans la mesure où le Sénat est l’émanation des Assemblées provinciales. Nous venons de passer trois législatures. Et au cours de ces législatures antérieures, je dois, modestement, témoigner qu’il n’y avait jamais eu un climat empreint de bonne collaboration entre la Chambre Haute du Parlement et les Assemblées provinciales. Dès lors qu’on va désormais, formaliser les choses en mettant en place un Cadre de dialogue et de concertation, cela permettra aux représentations provinciales d’avoir des interlocuteurs valables au niveau national pour essayer de résoudre les problèmes de la base, en passant par les Sénateurs. Nous allons donc devoir leur donner les informations sur la réalité de terrain pour qu’à leur tour, les membres du Sénat puissent les canaliser vers l’Exécutif national.
Ces assises ont été une grande première dans les annales de l’histoire du Sénat de la 3emeRépublique. Quelles sont vos attentes ?
Effectivement, c’est la toute première fois que le Sénat organise ce type de rencontre avec les Présidents des Assemblées provinciales qui représentent ici, leurs organes délibérants respectifs et qui, en quelque sorte, sont les circonscriptions électorales des sénateurs. Nous attendons beaucoup de ce congrès. La première attente est un vœu que je formule aux initiateurs de cette rencontre. Mon plus grand souhait, et je pense que c’est aussi celui de tous les collègues ici présents, est que l’on arrive à formaliser ce genre de contact direct et ne pas surtout en faire une réunion ponctuelle. Une chose aura été de formaliser cette rencontre ou d’en faire un cadre pérenne d’échanges entre les deux institutions législatives (Sénat et Assemblées provinciales). Mais une autre, et la plus importante à mon avis, est de mettre en pratique les différentes recommandations et résolutions prises pendant les quatre jours des travaux de Kinshasa. On devra donc éviter que les recommandations de ce premier congrès soient lettre morte ou rangées dans les tiroirs. Plus essentiellement ici, il s’agit selon moi, de mettre en exécution toutes les mesures prises en lien avec l’institution du Cadre de dialogue et de concertation pour, effectivement, créer des conditions nécessaires devant faciliter les échanges entre !e Sénat et les Assemblées provinciales.
Parlons de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu. Quel est le bilan des deux ans de législature? Avez-vous connu des difficultés opérationnelles ou de fonctionnement ?
(Air sérieux.) Je dois commencer par la deuxième partie de votre question. Tout de suite, je m’en vais vous dire -et il n’y a pas de gêne en cela -qu’au niveau de l’Assemblée provinciale du Nord-Kivu -nous sommes confrontés à plusieurs difficultés d’ordre structurel. Comme c’est le cas avec la plupart des Assemblées provinciales -a en croire les différents états de lieu présentés pendant les deux premiers jours des travaux du Congrès, l’organe délibérant du Nord-Kivu n’a pas de bâtiment propre pouvant abriter son siège. S’ajoute à cela, le manque criant de frais de fonctionnement. Le peu qui lui est destiné, arrive toujours trop tard et au compte-gouttes. Ce qui ne permet pas aux députés d’être concentrés aux travaux. Une autre difficulté, est celle que nous avons rencontrée lors des élections générales de 201 8 où nous avons connu un moment d’arrêt des opérations de vote, à cause justement, de la Maladie à virus Ebola (MVE), survenue en décembre de la même année dans le Nord-Kivu et qui a fait que les élections soient suspendues dans trois entités. A savoir, les villes de Béni, Butembo et le territoire de Béni. Dans ces trois entités territoriales administratives, les élections avaient été organisées trois mois plus tard. Par conséquent, nous avons commencé la législature avec deux mois de retard. Un autre écueil est celui lié à la survenue de la pandémie de Covid-19 dans la province du Nord-Kivu. Cette crise sanitaire mondiale a négativement impacté sur l’activité parlementaire. Pendant deux sessions (septembre 2019 et mars 2020), nous n’avons pas été en mesure de nous réunir, conformément aux mesures barrières édictées par les autorités sanitaires nationales et internationales pour endiguer la propagation de cette maladie.
A ce jour, le Nord-Kivu est sous état de siège depuis le mois de mai dernier. En tant que président de l’Assemblée provinciale, comment vivez-vous ce régime d’exception ?
Je dois rappeler ici, que la situation dans la province du Nord-Kivu est celle où les populations vivent dans une insécurité quasi permanente, à cause de l’activisme des groupes armés qui y opèrent. Ce qui justifie l’état de siège décrété par le chef de l’Etat, début mai 2021 sur une partie du territoire national dont le Nord-Kivu. Et, à cause des ordonnances présidentielles instituant ce régime d’exception pour des raisons légitimes de sécurité, toutes les activités des institutions politiques provinciales ont été suspendues jusqu’à nouvel ordre. Les plénières ne se tiennent plus…
Un dernier mot…
Eh bien, comme vous le savez, la province du Nord-Kivu fait face à plusieurs défis sécuritaires, consécutifs à la recrudescence des groupes armés locaux et la présence prolongée des groupes armés étrangers dont les ADF-NALU et les FDLR. Nous allons devoir demander au Pouvoir central de tout mettre en œuvre pour traquer, éradiquer et mettre hors d’état de nuire, ces criminels qui violent, volent et massacrent impunément tout ce qu’ils rencontrent sur leur passage. Depuis 2014, la province du Nord-Kivu vit dans l’insécurité et c’est archi connu. C’est pourquoi, nous demandons l’implication effective de la Communauté internationale et lui demandons également d’être beaucoup plus regardante sur la situation sécuritaire dans cette partie du territoire national. Précisément, celle du territoire de Béni où les populations, soit dorment sans aucune certitude de se réveiller, soit se réveillent sans garantie de terminer la journée en toute quiétude. Pour tout dire, une population qui vit toutes les affres de pire terrorisme que nous vivons au quotidien au Nord-Kivu. Propos recueillis par Grevisse KABREL