Le 2ème vice-président du Sénat, Sanguma T. Mossaï interpelle le Gouvernement

Les missions du démembrement des 11 provinces en 26 étaient non seulement de rapprocher les administrations des administrés, associer les communautés de base à la gestion de la cité à travers les organes élus, dotés de pouvoirs spécifiques dans des matières définies par la Constitution ; de développer les entités décentralisées, provinces, territoires, groupements ou secteurs grâce à la mobilisation des recettes à caractère national. Cependant, depuis la mise en œuvre de la nouvelle territoriale, aucune des 26 provinces n’a réellement décollé sur le plan économique. Le Sénat, émanation des provinces, s’implique-t-il suffisamment dans le développement de l’arrière-pays ? Pour répondre à cette problématique centrale, le 2ème vice-président de la Haute Assemblée, l’honorable Sanguma Temongonde Mossai, a été l’invité de la semaine dernière, au cours de l’émission «Jeudi Economie» de la radio Top Congo FM, présentée par notre confrère Eric Ambago. Ministre du culte, très peu bavard, le sénateur Sanguma Tomongonde Mossai, interpelle le Gouvernement quant à la retenue de 40% des recettes réservés aux provinces pour leur permettre de se développer. Interview.

Eric Ambago : Pourquoi le Sénat, émanation des provinces, observe sans réaction la pauvreté dans l’arrière-pays ?

Hon. Sanguma T.M. : Le Sénat s’est toujours préoccupé de la situation des provinces, parce qu’étant justement leur émanation. Nous visons avant tout, notre base électorale, c’est-à-dire la province dont nous sommes l’émanation. Sinon, on n’est pas un bon élu. C’est dans ce souci que le Sénat, tout comme l’Assemblée nationale, dans le budget 2021, a transmis au Gouvernement-dans le cadre des projets sino-congolais-avec un financement de plus de 100 millions de dollars américains à répartir pour le développement de nos 26 provinces. Ainsi, dans ce cadre, chaque province a-t-elle présenté un certain nombre de projets qui ont été transmis à l’Exécutif central pour exécution.

Cela traduit l’intérêt que le Sénat accorde aux provinces. Et, pour montrer cet intérêt de la Chambre haute de notre parlement pour les provinces, l’honorable président du Sénat, le Professeur Modeste Bahati Lukwebo a longuement réfléchi, ensemble avec son bureau, sur la problématique «comment aider davantage les provinces» et a fait des propositions concrètes.

Entre autres lesquelles?

Le Sénat compte désormais intégrer la Conférence des gouverneurs pour bien représenter les provinces. Il envisage aussi instaurer le Congrès Sénat-provinces comme cadre permanent de dialogue et d’interaction. Et, en troisième lieu, le Sénat envisage la quinzaine des provinces au Sénat. C’est-a-dire un jour, une province à l’honneur au Sénat. En d’autres termes, il sera question ici d’inviter l’Assemblée provinciale pour qu’ensemble, nous puissions interagir correctement.

Le budget d’investissement n’arrive pas assez régulièrement dans les provinces qui, récemment,  ont reçu 750.000$Us de rétrocession. C’est très peu pour déclencher le développement là où tout est prioritaire…

Oh! Mais, je dois vous dire que nous qui comprenons bien le rôle du parlement en général et celui du Sénat en particulier, ne gouvernons pas. C’est essentiel de le souligner pour que nous ayons le même entendement du fonctionnement de nos institutions. C’est l’occasion de lever tout équivoque et même tout malentendu qu’entretiennent certains de nos compatriotes qui, de bonne foi, ignorent parfois les missions de l’institution Parlement. Quand je dis que nous ne gérons pas, cela veut dire simplement que le Sénat ne gère pas les fonds de l’Etat. C’est le rôle du Gouvernement. Notre mission est de légiférer, en votant notamment, la loi des Finances comme budget et de contrôler l’action de l’Exécutif central. De ce fait, nous votons bel et bien le budget des investissements pour le bien de nos provinces. Et après, nous contrôlons. Et, dans le cadre de ce contrôle, nous relevons et dénonçons chaque fois les failles constatées soit au niveau du Gouvernement central, soit au niveau des provinces.

Le Sénat suit-il de près les rétrocessions quand on sait qu’elles arrivent parfois en retard aux provinces ?

Bien sûr ! S’agissant du dossier de rétrocessions aux provinces, laissez-moi vous dire que le Sénat s’occupe au plus haut point de cette situation. Car, sans rétrocession, il est difficile que les provinces arrivent à promouvoir leur développement. Pour illustrer ce souci majeur de la chambre haute, je vous informe que, lors du vote du budget 2020, le Sénat a menacé le Gouvernement de refuser l’adoption du Budget 2021 si la question de rétrocession n’avait pas trouvé de solution. Notre rapport des vacances parlementaires est rempli de recommandations au Gouvernement à ce sujet.

Le Sénat dispose-t-il de moyens nécessaires pour faire pression au Gouvernement en vue  d’améliorer cette réalité ?

Naturellement ! Entant que 2ème vice-président du Sénat, cela tombe justement dans mes attributions. Celles de contrôler le Gouvernement, les entreprises publiques. Et c’est ce que nous faisons, bien que nous ne gérons pas. Notre pouvoir se limite à faire la pression sur ceux qui gèrent activement le pays au quotidien pour que les choses puissent s’améliorer.

Etes-vous sûr que le Gouvernement suit à la lettre toutes vos recommandations ?

Oui, bien sûr. Nous pouvons aussi recommander (une sugestion) au Président de la république pour qu’intervienne une sanction négative conséquente. Et, tous ceux qui travaillent au niveau du Gouvernement central savent pertinemment bien que le Sénat a exercé beaucoup de pression sur eux en matière de gestion de fonds publics de l’Etat.

Alors, le Sénat qui n’a pas les moyens de faire partir un ministre, un mandataire public, comment arrive-t-il à se faire respecter par les dirigeants ?

Nous faisons des recommandations à qui nomme les ministres, par exemple. Et nous recommandons à qui de droit de pouvoir poursuivre celui qui ne met pas en action notre recommandation.

«PLUS DE 50 SENATEURS EN MISSION DANS LES 26 PROVINCES»

Cette rétrocession, le Gouvernement l’envoie au compte-gouttes, pour ne pas dire de manière irrégulière. Le Sénat met-il  la pression sur l’Exécutif central pour rétrocéder régulièrement aux provinces?

Mais bien sûr ! Et d’ailleurs, à l’heure où je vous accorde cet entretien, le Sénat a envoyé plus de cinquante sénateurs en mission dans les 26 provinces pour un contrôle rigoureux de manière qu’à leur retour, nous puissions avoir des données fiables qui nous permettront de faire davantage de pression sur le Gouvernement, afin que la rétrocession ait régulièrement lieu et que les provinces puissent effectivement respirer, parce que, sans cela, il est difficile que les provinces se développent.

On parle également de 40% de retenue à la source. Mais cela n’est pas appliqué jusqu’à ce jour. Est-ce qu’au niveau du Sénat, on s’implique suffisamment pour que cette retenue inscrite dans la Constitution soit effective ?

En ce qui concerne la retenue de 40% à la source, le gouvernement est le seul capable de nous dire exactement quand il passera à l’exécution. Tout ce que je peux vous dire au stade actuel, est que notre Commission ECOFIN, qui mène une enquête parlementaire sur toutes les recommandations et lors de l’adoption de loi des Finances, va davantage nous éclairer sur cette situation déplorable. Et aussi, les conséquences doivent être tirées.

Il va donc falloir que, cette fois-ci, on arrive à la retenue à la source de 40% des recettes réservés aux provinces pour leur développement ?

C’est justement cela le rôle du Gouvernement qui va devoir vous répondre.

Toutes les provinces issues du démembrement sont pauvres. Que faut-il faire pour booster leur développement?

Effectivement, il faut reconnaitre que, certes, sur le plan des infrastructures, la majorité de nos provinces démembrées et celles issues du découpage des 11 anciennes provinces sont pauvres. Mais, du point de vue de potentialités et de ressources naturelles et humaines, ces provinces sont extrêmement riches. Elles ont juste besoin de moyens conséquents pour booster leurs économies. Et il revient au Gouvernement de le devoir, mieux l’obligation de donner ces moyens aux provinces par le financement des projets susceptibles de promouvoir leur développement. A suivre.

Un décryptage de Grevisse KABREL

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