A l’appel des laïcs catholiques et protestants, des milliers de Congolais ont marché le 13 novembre à Kinshasa et dans l’arrière-pays pour, entre autres, appeler le Pouvoir à dépolitiser la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Etonnant quand des observateurs se souviennent qu’après l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la réforme de la CENI était passé sans encombre au Sénat. En tout cas à la Haute assemblée, ils avaient tous voté « oui ». Il n’y avait eu ni opposition ni abstention. Ces observateurs rient sous cape car surpris de voir certains de ceux-là qui avaient voté ce texte dénoncer le manque «d’indépendance» et la «trop grande politisation» de la Centrale électorale.
Des analystes notent que ladite politisation de la CENI n’est pas le fait de Félix Tshisekedi. Elle a été consacrée depuis l’Accord global et inclusif de Sun City. En ceci que la composition de la loi organique de 2004, 2013 et 2021 devait tenir compte de la représentativité de toutes les composantes (politique et société civile), en dépit du fait que la réforme de 2010 n’a pas respecté ce principe.
En 2004, les Composantes et Entités au Dialogue inter-congolais (les belligérants) à Sun City avaient décidé de la création d’une structure indépendante en charge des élections (Commission électorale indépendante, CEI) et d’y siéger de façon égalitaire.
Car, ce qui pose problème dans la CENI, c’est plutôt le nombre élevé des politiques dans le Bureau. Pour un Cabinet composé de sept personnes, on dénombre une seule pour le compte de la société civile, quatre pour la majorité et deux à l’opposition. Durant des moments où les décisions sont prises par vote, le président est minorisé.
Ainsi, les différentes réformes, depuis 2004, ne se sont pas écartées de l’idée de dépolitisation de la CENI.
A preuve, en 2010, la loi avait davantage politisé la Centrale électorale au point d’en exclure la société civile pourtant représentée sous la loi de 2004 conformément à l’article 10 de cette loi qui disposait : « La CENI est composée de sept membres dont quatre désignés par la Majorité et trois par l’Opposition à l’Assemblée nationale« .
Trois ans plus tard, en 2013, cette réforme avait réintégré la société civile comme troisième composante aux côtés de la majorité et de l’opposition. Le nombre des membres de la CENI est passé de 7 à 13. Ce qui n’est pas du goût de la société civile qui souhaite un bureau de la Centrale électorale délesté de délégué des partis politiques. Ces derniers font plus que la résistance.
Car la réforme de 2021 consacre la duplicité de la classe politique Rd congolaise qui veut à la fois une chose et son contraire. La proposition de loi initiée par le député Christophe Lutundula, voulait une CENI sans composante politique, tous les 15 membres devraient provenir tous de la société civile. Selon Lutundula, devenu Vice-Premier ministre des Affaires étrangères, cette loi est appelée à contribuer à l’amélioration du cadre légal qui gère le processus électoral. Le VPM Lutundula disait avoir constaté que les trois précédents cycles électoraux ont été émaillés de violences. Bien plus, les recours étaient passés de 300 en 2006 à 1040 en 2018. Il propose donc des changements.
Mais les négociations ont été rudes au point que les forces politiques à l’Assemblée nationale, en l’occurrence la majorité et l’opposition s’étaient même mises ensemble pour obtenir la représentation de leurs délégués au sein de l’actuelle CENI.
Il sied de rappeler que l’opposition (le FCC) et la majorité (l’Union Sacrée), ont passé des nuits entières pour dégager un consensus autour de la clé de répartition des postes au sein de l’actuel Bureau de la CENI. Dans la plénière, l’organe de délibération de la CENI, dix postes sont réservés à des politiques (six pour la majorité, quatre pour l’opposition) contre seulement cinq réservés à la société civile.
Cette clé de répartition a même été sanctionnée par la signature d’un procès-verbal entre les délégués des deux plateformes politiques.
En un mot comme en cent, les observateurs ne s’expliquent pas qu’une composante ayant participé volontiers à l’examen et à l’adoption de ce texte de loi, non seulement à la Plénière de l’Assemblée nationale mais aussi à la Commission PAJ, refuse de désigner ses délégués au motif qu’il faille dépolitiser la CENI, alors qu’elle a pris part activement à tout le processus destiné à conforter le caractère politique de la Centrale électorale, qu’elle décrie aujourd’hui. Invraisemblable. Didier KEBONGO