Autant l’avouer tout de go. En terre zaïro-congolaise, le mot « diaspora » est cycliquement frelaté par des occurrences négatives. Sans remonter jusqu’au déluge, tout le monde a encore fraîche en mémoire l’épopée des Congolais revenus en nombre au pays dans les valises de l’AFDL où dans la foulée de l’avènement de ce que Laurent-Désiré Kabila présentera lui-même comme un « conglomérat d’aventuriers« .
Ce réquisitoire sans concession de Mzee résonnait comme en écho dans les oreilles de nombreux Congolais témoins -parfois à leurs dépens- des aventures de leurs compatriotes de la diaspora. Logés au frais de la princesse dans l’unique palace de l’époque, ces spécialistes de « rien sur tout » ou experts « en tout sur rien » ont fait la pluie et le beau temps à Kinshasa. Avec, pour la plupart d’entre eux, pour seul pedigree le fait d’avoir « combattu le dictateur Mobutu » et d’avoir rejoint l’AFDL à l’étape initiale et initiatique de Goma.
Blanchis sous le harnais de l’ironie du désespoir, les Kinois n’ont pas eu de peine à convoquer leur imagination fertile pour sortir le terme : « diasa diasa« . Un néologisme du cru aussi péjoratif que corrosif.
Une parenthèse opportune pour relever que dans ce pays abonné à la répétition de l’histoire, l’accession d’un « Belgicain » UDPS au sommet de l’Etat se traduit aussi par une vague de retour au pays natal de compatriotes dont certains rappellent, par leur profil et agissements, leurs devanciers d’il y a un quart de siècle. Fin du parallèle entre les « diasa diasa » d’hier sous LDK et d’aujourd’hui sous Fatshi.
De lointaines capitales européennes nous sera né des entrailles de la diaspora rd congolaise le « phénomène combattant« . Il s’agit des compatriotes en croisade contre le pouvoir en place à Kinshasa.
Se voulant le fer de lance de la contestation en Occident, une partie de cette diaspora se spécialisera dans le lynchage -pas seulement verbal- de tout officiel ou apparenté en mission outre-Méditerranée et outre-Atlantique. Les artistes musiciens comptent aussi parmi les cibles de ces congolais basés en Europe et en Amérique.
Lanceur d’alerte, dépitée par la descente aux enfers du pays -elle qui se saigne aux quatre veines pour aider les parents au pays- cette diaspora posait souvent de vraies questions en y apportant de mauvaises réponses. C’est le cas par exemple des attaques contre les artistes musiciens « coupables » de collaborer avec le Pouvoir. Un véritable blocus artistique qui nuit au rayonnement culturel de la RDC et profite aux autres pays.
L’amalgame le disputant souvent au raccourci dans l’imaginaire collectif, l’opinion a commencé à réduire la diaspora qu’aux fameux « diasa diasa » du seuil des années Kabila et aux redoutables et redoutés « combattants« . Un versant sociétal du théorème d’économie de Gresham selon lequel « la mauvaise monnaie chasse la bonne« .
Devrait-on pour autant mettre toutes les diasporas dans le même panier ? Devrait-on jeter le bébé avec l’eau du bain. Ni l’un ni l’autre. Car à travers le vaste monde, il est de nombreux Congolais qui se distinguent dans des domaines variés. En plus, les flux financiers et matériels que les compatriotes vivant dans certains pays africains et surtout sur le Vieux continent comme en Amérique envoient au pays font vivre des millions de Congolais. Et, par ricochet, contribuent à l’économie nationale. S’exprimant hier lors des assises sur la diaspora, le Président Tshisekedi a égrené des chiffres – en milliards de dollars- comme ressources que des compatriotes de l’extérieur mobilisent pour la mère patrie.
Pour bénéfique qu’il soit pour des familles congolaises, le rapatriement d’argent ne devrait pas dédouaner ad vitam aeternam le Gouvernement de ses responsabilités.
En plus, il est temps que les pouvoirs publics troquent l’approche conjoncturelle, voire un tantinet folklorique de la question de la diaspora contre une démarche structurelle et structurante par rapport aux impératifs du développement du pays. Comme certains pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest. José NAWEJ