* »Nous sommes prêts à reprendre le travail au cas où le Gouvernement répondrait ne serait-ce qu’à une de nos revendications », assure le Secrétaire général de SYNAPE.
Enseignant, Secrétaire général du Syndicat national des professionnels de l’enseignement (SYNAPE) en République démocratique du Congo, Marcel Niongo est de ceux qui ont milité pour que la rentrée des classes n’ait pas lieu ce lundi 4 octobre, au regard des préalables posés par la corporation. A travers cet entretien accordé à Forum des As, il éclaire l’opinion sur l’évaluation de la journée et sur les griefs que les professionnels de la craie font à l’Etat congolais.
Forum des As : Votre syndicat a lancé un mot d’ordre pour le boycott, ce lundi, de la rentrée scolaire 2021-2022. Estimez-vous aujourd’hui avoir été entendu ?
Marcel Niongo : Nous pouvons dire que notre mot d’ordre a été suivi par des enseignants. En témoignent les échos que nous avons recueillis à travers la République. Que ce soit à Matadi (Kongo central), à Kalemie (Tanganyika), à Lubumbashi (Haut Katanga), à Kisangani (Tshopo), à Mbandaka (Equateur)… Partout, on nous signale que les enseignants n’ont pas dispensé des cours aujourd’hui. Dans toutes ces provinces, il n’y a pas eu rentrée scolaire. Nous sommes surpris d’apprendre du ministre de tutelle que la rentrée des classes est effective. Eh bien, c’est faux. S’il se fie aux rapports que lui fournissent les Proved, c’est qu’on ne lui dit pas la vérité. Je suis d’avis que si on lui disait la vérité, il n’aurait pas tenu ces genres de déclarations.
Etes-vous certain que, dans une ville comme Kinshasa, la rentrée scolaire n’a pas été effective ?
A Kinshasa, si on a vu des bleus et blancs ci-et-là, c’est davantage dans les écoles privées où les enseignants se sont présentés. Mais pour les écoles publiques, il n’y a pas eu rentrée… Les enseignants ont strictement respecté le mot d’ordre. Surtout dans les écoles conventionnées catholiques qui ont été plus radicales !
Lors d’une réunion que le Proved a tenue à la fin de la semaine dernière, il a convié les enseignants des écoles tant publiques que privées à reprendre les cours. Il a toutefois menacé de traduire en justice ceux qui iront à l’encontre de cette directive…
Nous sommes bien au courant de ces menaces. Mais je dois vous dire à ce propos que »ventre affamé n’a point d’oreilles ». L’enseignant qui n’est pas payé pendant cinq ans, six ans, dix ans, qu’est-ce qu’il va aller faire à l’école ? Même le salaire que nous touchons est devenu insignifiant, dérisoire… Notre gouvernement est bien responsable de cette situation! Nous étions à Bibwa. Nous nous sommes convenus sur le 1er pallier, et le président de la République a payé. Maintenant que nous attendons le 2ème pallier, le 3ème pallier, rien n’est fait. Toujours à Bibwa, le Gouvernement nous a fait comprendre qu’il n’a pas suffisamment d’argent et a proposé de nous payer 100.000 francs supplémentaires en janvier 2021. La somme ne sera jamais payée. Aujourd’hui, on nous propose plutôt 20.000 francs de plus en guise de rajout pour notre salaire d’octobre 2021. Quelque part, il y a mauvaise foi du Gouvernement. Donc, personne ne peut être traduit en justice. D’ailleurs, la grève est constitutionnelle. C’est un droit pour tout travailleur, s’il constate que ses intérêts ne sont pas garantis par l’employeur. Après préavis, ils doivent aller en grève… Et toutes les étapes ont été respectées. Les proved sont en train de faire des intimidations, nous leur concédons cela. Personne ne peut être arrêté.
Quels sont les principaux griefs que vous faites au nouveau pouvoir?
Les principaux griefs sont, en premier lieu, la majoration des salaires. Nous avons demandé que le Gouvernement puisse appliquer le deuxième palier de Mbudi qui octroie au moins 210 dollars au huissier, tout en respectant la tension salariale. Rien n’a été fait. Deuxième revendication, les enseignants non payés (NP) et les nouvelles unités (NU). Ils sont une affaire de 81.000 enseignants non payés jusqu’à ce jour. Il y a encore des enseignants de l’école primaire qui ne sont pas encore payés. La troisième revendication, c’est la suppression des zones salariales, créées par le Gouvernement. Comment voulez-vous que moi, qui suis à Kinshasa, je puisse gagner 365.000 Fc le mois. Mais mon collègue, qui est ici à Kasangulu, qui a le même diplôme, le mémé grade, n’ait que 186.000 francs congolais. Ça, ce n’est pas normal. Nous ne pouvons pas continuer à tolérer cela ! Enfin, il y a aussi le problème des retraités.
Etes-vous prêts aujourd’hui à faire des concessions ?
Tout dépend du Gouvernement. Le banc syndical est prêt à faire des concessions. Si le Gouvernement nous dit qu’il n’a pas d’argent et qu’il faut attendre Budget 2022, vous comprenez qu’on se moque de nous. Nous sommes prêts à reprendre le travail au cas où le Gouvernement répondrait ne fut-ce qu’à une de nos revendications. Surtout en ce qui concerne les salaires et les enseignants NP. Propos recueillis par Yves KALIKAT