Cenco-ECC: la double hypothèque sur le processus électoral

On en sait désormais, un peu plus sur la mission conjointe CENCO-ECC, depuis le mardi dernier en Europe.  Il s’agit d’une mission ecclésiastique pour un plaidoyer sur le processus électoral, la sécurité dans l’Est et la gestion Covid-19 ; explique le pasteur Eric Nsenga, porte-parole de l’ECC (Eglise du Christ au Congo).

« Nous sommes dans notre plaidoyer qui a été planifié un mois avant. A l’agenda, nous avons la question électorale, l’insécurité dans l’Est du pays, la gestion de Covid-19 pendant cette période et la collaboration  avec les structures ecclésiastiques que nous avons ici dont la Fédération protestante pour la Belgique, la Conférence épiscopale catholique« , explique le porte-parole de l’ECC joint au téléphone par Top Congo FM.

 Du point de vue du contexte, cette croisade menée en Europe, par Mgr Marcel Utembi et le pasteur Eric Nsenga, a lieu dans un environnement politique envenimé par le dossier de nouveaux membres de la CENI, avec Denis Kadima  en tête. De l’avis des analystes alertes, la CENCO et l’ECC se présentent, désormais, comme une double hypothèque sur la crédibilité du processus électoral. 

Ca sent le parfum de désamour, entre l’Eglise du Christ au Congo (ECC) et les six confessions religieuses, signataires du Procès-verbal de désignation de Denis Kadima à la présidence de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Dans sa déclaration sanctionnant la fin de la 58ème session extraordinaire de leur Comité exécutif national, tenue du 25 au 27 octobre à la cathédrale du Centenaire protestant à Kinshasa, l’ECC a officiellement annoncé la rupture avec le G6, piloté par Dodo Kamba.

De l’avis de nombreux observateurs des processus électoraux en RD Congo, il n’y a rien de nouveau sous les tropiques. Jamais, un président de la CENI n’a fait l’unanimité. L’histoire renseigne que lors des trois premiers cycles électoraux, l’Eglise catholique n’avait de cesse de désapprouver le cerveau moteur de la Centrale électorale. En 2006, par exemple, les catholiques avaient ouvertement désavoué feu Apollinaire Malumalu, alors prêtre de Butembo, désigné à la tête de la CENI.

 Et, quand feu l’abbé Malumalu était pour la seconde fois, à la tête de cette institution technique chargée de l’organisation des élections, l’opinion se rappelle que c’était sans le quitus de son Eglise. Bien au contraire, l’intéressé avait déclaré qu’il avait postulé en tant que candidat indépendant. Ce qu’il faut retenir ici, est qu’au cours des trois cycles électoraux précédents (2006, 2011 et 2018), l’Eglise catholique était seule à récuser le président de la CENI.

Cependant, la particularité cette fois-ci, est que l’Eglise catholique a un allié de taille qui entre dans la danse. A  savoir, l’Eglise du Christ au Congo. Moralité, l’hostilité affichée de ces deux mastodontes, vis-à-vis de Denis Kadima, va sans doute pâtir le processus électoral actuel.

LE PLUS DIFFICLE POUR LE SUCCESSEUR DE NANGAA

Après l’ordonnance présidentielle du 22 octobre, portant investiture de nouveaux membres de la Ceni, les dés ont déjà été jetés. A ce jour, la controverse autour de Denis Kadima et toute son équipe, à l’air d’un dossier classé, quand on sait tous ont prêté serment le mardi 26 octobre devant la Haute Cour.

Néanmoins, le plus difficile reste à faire. A savoir, la crédibilité du processus électoral tant en interne qu’en externe. Vu des analystes, c’est donc cette acceptation des prochaines élections qui est considérée comme un défi jeté au successeur de Corneille Nangaa, à la tête de la CENI. Comment rendra-t-il crédible le processus électoral à l’étranger, par exemple, où l’Eglise catholique romaine et l’Eglise du Christ au Congo, se trouvent en mission conjointe depuis le mardi dernier à Bruxelles, justement pour un plaidoyer sur le processus électoral, l’insécurité dans l’Est du pays et sur la gestion de la pandémie de Covid-19.

Certes, à ce jour, la donne a changé. Avec l’avènement des églises dites de réveil spirituel en RD Congo, début de la décennie 90, les Eglises traditionnelles ont perdu le monopole de l’Evangile, tant elles ont gagné quelques parts de marché. Notamment dans les grandes villes du pays. Toutes proportions gardées, Kinshasa se trouve, non seulement la capitale de la RD Congo mais aussi, celle de églises de réveil, estimées à plusieurs milliers.

Toutefois, il est constaté que malgré cette «concurrence», l’offre des Catholiques et des Protestants reste encore très importante, sinon inégalée dans le Congo profond. C’est que proportionnellement, les églises de réveil ne peuvent prétendre égaler les deux poids lourds, suffisamment présents ou implantés depuis plus d’un siècle en provinces.

Dès lors que l’ECC a résolu de prendre ses distances vis-à-vis des six confessions religieuses, on est bien en face d’un bras-de fer entre le bloc constitué des deux grands de l’espace confessionnel qui peuvent se faire entendre à l’extérieur et le G6. Qu’on les aime ou qu’on ne les aime pas, l’Eglise du Christ au Congo et l’Eglise catholique sont des organisations de structures sociales, ayant des hôpitaux, des écoles et des centres de formation dans le pays.

Partant, se mettre les deux Eglises dans son dos, pourrait paraitre comme une manière de vouloir défier, également, tous les Congolais bénéficiaires des services des deux Eglises. Dès lors, d’aucuns estiment que les décideurs politiques, dans leur agir, ne devraient pas prétexter ignorer cette réalité sociologique qui s’affirme comme une évidence. Ci-dessous, la déclaration de la 58ème session extraordinaire du Comité exécutif national de l’ECC. Grevisse KABREL

DECLARATION DE LA 58ème SESSION DU COMITE EXECUTIF NATIONAL EXTRAORDINAIRE DE L’ECC DU 25 AU 27 OCTOBRE 2021

Peuple de Dieu et Chers frères et sœurs,

Nous, Membres du Comité Exécutif National de l’Eglise du  Christ au Congo;

Réunis en 58ème Session, conformément aux articles 17,18 et 19 de la Constitution de l’Eglise du Christ au Congo, du Lundi 25 au Mercredi 27 octobre 2021, à la Cathédrale du premier Centenaire Protestant, sous le thème : « l’Eglise du Christ au Congo, sentinelle en République Démocratique du Congo » (Ezéchiel 33 :1-7), pour examiner, la position de l’Eglise face aux enjeux de l’heure ;

Vu la Mission Prophétique de l’Eglise, telle que consacrée en Ezéchiel, celle d’être sentinelle de la Nation ;

Vu la nécessité de réaffirmer l’identité protestante basée sur les principes de l’autorité des Saintes Ecritures, de la Foi et de la Grâce ;

Vu la responsabilité de contribuer à l’effectivité de l’Etat de droit en République Démo-         cratique du Congo ;

Conscients de notre responsabilité historique de l’heure ;

Prenant en compte les divergences d’opinions qui persistent dans le chef d’une frange d’acteurs politiques et confessions religieuses au sujet de la désignation des membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) ;

Considérant la persistance de l’insécurité à l’Est du pays, les massacres des civils dans les territoires de Beni, Djugu et Irumu, l’activisme des groupes armés qui endeuillent encore la population et ce, malgré l’instauration de l’état de siège décrété par le Président de la république dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri ;

Considérant que l’article 43 de la Constitution stipule que l’Enseignement primaire est obligatoire et gratuit dans les établissements publics ;

Considérant la loi cadre de 2014 qui a élargi la gratuité jusqu’au niveau de 7ème et 8ème années ;

Vu la grogne des enseignants qui réclament l’application des 2ème et 3ème paliers de la Table ronde sur la gratuité de l’enseignement primaire, secondaire et technique et la paie des Nouvelles unités ;

Vu le rôle de l’Eglise de prendre en compte les revendications nobles de la population ;

Vu que l’Eglise du Christ au Congo ne partage pas les mêmes valeurs avec les six autres membres de la Plateforme des Confessions religieuses telles que reprises à l’article 8 de la Charte ;

Considérant l’écrit du Prophète Amos 3 :3, nous citons : » Deux hommes marchent-ils ensemble sans être convenus ? ».

Vu que les doctrines divergent au sein de ladite plateforme entre, d’une part, les Confessions qui défendent la thèse de la soumission totale au pouvoir et d’autre part, celles qui militent pour la mission prophétique de l’Eglise consistant à encourager le bien, dénoncer le mal et proposer les pistes de solution ;

Vu que la lecture sur les enjeux autour de la construction de l’Etat de droit et la recherche du bonheur collectif au profit du peuple diverge ;

Vu la situation socio-économique difficile du pays ;

Vu la nécessité et l’urgence de rechercher une réponse appropriée ;

Après analyse minutieuse de l’ensemble des préalables pour la sortie de la crise multiforme que traverse notre pays,

Devant Dieu, le peuple et l’histoire ;

Faisons la déclaration suivante :

AU PEUPLE DE DIEU, CHERS FRERES ET SŒURS :

–      Vous rassurons que l’Eglise n’abandonnera jamais son rôle prophétique de sentinelle et d’accompagnement du peuple;

–      Vous félicitons pour la vigilance et la bravoure patriotique devant les manipulations politiques;

–      Vous exhortons à garder la foi et l’espérance en Jésus-Christ au -delà de toute épreue endurée;

–      Vous encourageons à privilégier la paix et la réconciliation qui constituent le socle de notre                unité nationale;

–      Vous interpellons à ne pas  céder à la manipulation tribale de quelque origine que ce soit ;

–      Vous exhortons à utiliser les moyens non violents et citoyens pour toute revendication sociale ou politique;

–      Vous exhortons à persévérer dans la prière en faveur de notre Nation conformément aux écrits de la bible dans 1 Thessaloniciens 5 :17 : « Priez sans cesse » et Jérémie 29 :7 : « Recherchez le bien de la ville où je vous ai menés en captivité, et priez l’Eternel en sa faveur, parce que votre bonheur dépend du sien » ;

–      Vous exhortons de ne jamais cesser de dénoncer les auteurs des préjudices subis et plus particulièrement des violences faites à la femme et à la jeune fille.

AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, CHEF DE L’ETAT :

–      L’exhortons à demeurer ouvert et à se surpasser en vue de matérialiser l’initiative de paix et de cohésion nationale;

–      L’encourageons à renforcer les mécanismes de lutte contre les antivaleurs ayant comme corollaires : la corruption, l’impunité et le clientélisme dans les organes de l’Etat;

–      L’encourageons, en sa qualité de symbole de l’unité nationale, à veiller au bon fonctionnement de toutes les Institutions de la république conformément à la Constitution et aux lois du pays ;

–      L’encourageons à prêter une oreille attentive aux différentes revendications sociales de nos populations.

AU GOUVERNEMENT NATIONAL:

–      Demandons de prendre des mesures supplémentaires pour mettre fin à l’insécurité qui règne à l’Est du pays;

–      Encourageons le Gouvernement à procéder régulièrement à la relève des militaires envoyés au front pour éviter qu’ils se transforment en opérateurs économiques;

–      Demandons au Gouvernement de veiller à ce que les personnes ayant de liens de complicité directe ou indirecte avec les groupes armés soient sanctionnés, totalement extirpées de l’Armée, de la Police et des autres institutions du Pays.

–      Lui demandons de prendre des mesures drastiques pouvant mettre fin à l’exploitation illicite des ressources minières, forestières et hydrauliques;

–      L’encourageons à barrer la route à la naissance du terrorisme djihadiste en République démocratique du Congo;

–      Saluons et soutenons la mesure de la gratuité de l’enseignement prônée par le Président de la République;

–      Recommandons au Gouvernement de respecter les engagements pris pour la prise en charge correcte des enseignants;

–      Rappelons à l’Etat congolais que la gratuité ne doit pas sacrifier la qualité de l’enseignement et le vécu du personnel enseignant ;

–      Demandons au Gouvernement de réactiver les salaires des écoles injustement désactivées et de procéder à la mise à la retraite honorable des agents et cadres éligibles;

–      Saluons  la décision prise par le Ministère de l’Enseignement  Supérieur et Universitaire à propos de la fermeture des Facultés de Médecine dans certaines de nos Universités et l’encourageons à trouver une solution globale pour les facultés suspendues et à les mettre sous-tutelle des universités viables;

–      Sollicitons un moratoire pour les universités protestantes ayant les facultés de Médecine afin de les aider à atteindre les critères de viabilité dans les meilleurs délais;

–      Recommandons la suppression pure et simple de RAM car l’environnement actuel du pays ne s’y prête pas;

–      Demandons au Gouvernement d’assurer la sécurité des leaders de l’Eglise du Christ au Congo et de ses Communautés membres.

A LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE :

– Encourageons la communauté internationale à appuyer la mise en œuvre efficiente du Programme de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion communautaire et Stabilisation.

– Sollicitions l’accompagnement du Gouvernement congolais par le renforcement du système de renseignement et par la traque des criminels et des auteurs intellectuels des crimes.

AUX ACTEURS POLITIQUES

– Interpellons toutes les filles et tous les fils protestants, acteurs politiques travaillant dans les entreprises et services publics, de veiller au strict respect de l’éthique protestante basée sur la vérité, la justice, l’intégrité et le travail bien fait. Car, ils sont sel de la terre et lumière du monde selon Matthieu 5 :13 et 14.

– Interpellons tous les acteurs politiques à dépasser leurs sentiments d’appartenance politique et/ou tribale en privilégiant l’intérêt supérieur de la Nation;

-Les exhortons tous à éviter de discours haineux, divisionnistes et incendiaires tout en les invitant à s’investir dans l’éducation civique de la population;

– Les encourageons à  s’impliquer dans la démarche de paix e t de cohésion nationale;

– Dénonçons et condamnons avec force les menaces, les insultes et la campagne de dénigrement dont sont victimes l’Eglise du Christ au Congo et ses responsables;

AUX CONFESSIONS RELIGIEUSES.

– Leur  demandons de jouer leur rôle de moralisation de l’espace politique conformément aux valeurs éthiques  et de demeurer indépendante vis-à-vis du politique;

– Décidons la rupture d’avec les six (6) confessions religieuses signataires du Procès-verbal de désignation du Président de la Commission Electorale Nationale Indépendante et d’un membre de la plénière pour le compte de la plate-forme des confessions religieuses que nous décrions et proposons la redéfinition des valeurs, du mode opératoire de la Plateforme ainsi que la révision de sa charte.

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