* Malgré le véto de Ngobila, le tandem Fayulu-Muzito maintient son agenda. A Goma, ECIDé mobilise en dépit de l’état de siège en vigueur.
Voici un mercredi 15 septembre, qui s’annonce comme un jour pas très ordinaire sur le calendrier civil en RD Congo. Sa spécificité tient à deux événements. L’un majeur et éminemment institutionnel, à savoir la rentrée parlementaire pour la session ordinaire de septembre. L’autre, considéré comme circonstanciel ou presqu’un «no event», vu du pays officiel. Principalement du principal parti au pouvoir et ses alliés.
Cependant, si la rentrée parlementaire reste un acquis, la marche de la plateforme Lamuka, annoncée depuis plusieurs semaines, reste sujet à controverse. Bien en illustre, la réaction du vendredi 10 septembre du Gouverneur de la ville de Kinshasa qui a interdit cette manifestation dans les rues de la capitale. Sans y aller avec le dos de la cuillère, Gentiny Ngobila a renseigné aux organisateurs de la marche que sa décision a été motivée par le souci de mettre les manifestants à l’abri de toute contamination massive.
Aussi, le premier des Kinois a-t-il notifié aux responsables de Lamuka que compte tenu des instructions des pouvoirs publics et les restrictions universelles édictées par l’autorité sanitaire mondiale, en l’occurrence l’OMS (Organisation mondiale de la santé), il ne saurait donc autoriser leur marche annoncée pour ce mercredi 15 septembre sur l’ensemble du pays pour exiger la dépolitisation de la Centrale électorale.
Cependant, malgré l’objection du Gouverneur de la ville de Kinshasa, le tandem Fayulu-Muzito tient mordicus à son agenda et maintient leur manifestation de mercredi. Même son de cloche à Goma, où la fédération provinciale du parti ECIDé (Engagement pour la citoyenneté et le développement) annonce une descente dans la rue ce mercredi 15 septembre. Au cours d’un point de presse le vendredi dernier, Albert Kuveho, secrétaire exécutif provincial du parti cher à Martin Fayulu, cité par le média en ligne «ouragan.cd», explique que l’objectif de cette grande manif pacifique est de dire NON à toute manœuvre tendant à politiser la CENI avant la tenue de nouvelles élections prévues en 2023.
«Nous devons éviter de revivre l’histoire des élections truquées. Nous devons obtenir les réformes consensuelles de lois avant l’organisation des élections de 2023. Nous avons déjà écrit au maire de la ville. Voilà pourquoi, nous appelons la population de Goma à participer massivement à à la marche pacifique que nous organisons ce mercredi 15 septembre. Même si le maire de la ville interdit notre manifestation, nous jouissons cependant, de nos droits constitutionnels. La manifestation publique est reconnue et maintenue», explique Abner Kiveho, cité par la même source.
Le Sg de l’ECIDé ajoute que tout est fin prêt pour l’organisation de cette marche qui a deux points de départ pour les militants et partisans du parti à Goma. A savoir, le Rond-point «Terminus Mutinga» pour les habitants du Nord de Goma et la station Simba pour ceux de l’Ouest de la capitale provinciale du Nord-Kivu. Tous devront se diriger vers le Bureau provincial de la CENI, lieu de chute de la marche, où sera lu et déposé un mémorandum des manifestants.
Par ailleurs, ce même cadre du parti cher à Martin Fayulu rassure que toutes les dispositions sont prises pour observer et faire respecter les mesures barrières contre la propagation de la maladie à Covid-19. Comme pour dire, les autorités de la ville devraient donc trouver un autre prétexte, au cas où elles se seraient opposées à cette manifestation de rue.
LE DEFI DE L’ENJEU SECURITAIRE?
Ajouter à la marche pacifique de Lamuka qui partira de Tshangu pour chuter au Palais du peuple, la rentrée parlementaire, tout donne à croire que les principales artères de Kinshasa connaitront une ambiance inhabituelle ce mercredi. Il y aura sans doute du monde. L’hypothèse de voir des badauds (infiltrés) aux côtés de véritables manifestants de Lamuka, n’est donc pas à écarter d’emblée.
Dès lors que l’objectif de la manifestation est connu, à savoir la dépolitisation de la CENI, des manifestants prendront sans doute la direction du Palais du peuple, siège du Parlement et point de chute de la manif. Or, l’expérience renseigne justement que dans les mêmes circonstances, soit à chaque rentrée parlementaire, des partis politiques au pouvoir mobilisent leurs militants qui prennent d’assaut le périmètre du Palais du peuple en guise de «soutien» au régime.
D’ores et déjà, des observateurs avisés tirent la sonnette d’alarme. Ils estiment que dans ces conditions, il y a risque que les deux camps antagonistes s’engagent dans un affrontement au cocktail Molotov à Kinshasa, dès lors que la manifestation a été interdite. Car, le fait de voir les partisans de Lamuka dans les rues, risquerait d’être considéré par les partisans du pouvoir, comme un défi à l’autorité urbaine qui dit avoir agi au nom des pouvoirs publics.
Les mêmes craintes sont exprimées pour la ville de Goma, quand on sait que la province du Nord-Kivu est placée sous un régime d’exception depuis le mois de mai dernier. L’administration militaire mise en place dans cette province, sera-t-elle tolérante et laisser les militants de l’ECIDé, plus globalement, les partisans de Lamuka, envahir pacifiquement les rues ? La question taraude plus d’un esprit alerte. Parce qu’il s’agit d’une marche annoncée ou prévue sur l’ensemble du territoire national, ce qui est dit pour Goma, vaut autant pour la ville de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, dans le Nord-est de la RD Congo, où l’administration civile a été remplacée par celle des militaires.
Pour toutes ces raisons avancées, d’aucuns estiment que les deux événements de ce mercredi, c’est-à-dire la rentrée parlementaire et la marche pacifique de Lamuka – bien qu’interdite à Kinshasa – charrie un enjeu sécuritaire non négligeable. Rien d’électrochoc ni de subversif en cela. «Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte», conseille Emile de Girardin. Grevisse KABREL