Prof Arthur Yenga : «L’université congolaise est dans un coma profond »

Les états généraux de l’enseignement supérieur et universitaire s’ouvrent ce vendredi 10 septembre à Lubumbashi. Que faut-il attendre de ces assises qui mobilisent le new plus ultra de l’intelligentsia congolaise? Professeur Arthur Yenga, vice-doyen de la faculté des sciences de l’information à l’IFASIC dégage l’enjeu de cette grand-messe scientifique. Interview.

Prof, que répondez- vous à ceux qui disent que ces états généraux de l’Enseignement supérieur et universitaire sont de trop?

Tout d’abord, il faut tenir compte de la durée des anciennes rencontres. Les dernières assises des états généraux de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) remontent à l’année 1996, il y a de cela plus de 25 ans. Encore que ces discussions portaient sur l’ensemble du système éducatif de la maternelle à l’université, en passant par l’enseignement primaire et secondaire. Les réflexions sur l’université y étaient abordées partiellement. La vraie réforme de l’université elle-même date de l’année 1971.

Il était donc impérieux de se concentrer sur le système de l’enseignement universitaire congolais de manière spécifique. La norme en ce qui concerne la tenue des états généraux s’étale sur une période de 5 ans. Comme tout système qui fonctionne, il faut des ajustements et des réparations périodiques. En accumulant les problèmes sur de longues durées, les pannes et les dysfonctionnements prennent de l’ampleur et s’aggravent.

Le système éducatif congolais est dans une crise profonde. L’université congolaise est dans un coma profond. Les concernés, à savoir les enseignants d’université, les étudiants, le personnel administratif, le monde professionnel ont pris l’option de pas adopter la politique d’autruche et d’attaquer les problèmes en face.

Il ne s’agit pas pour autant de se plaindre et d’égrener les nombreux dysfonctionnements du secteur, mais d’adopter une approche en deux phases, à savoir poser le diagnostic, sans concession, de la crise de l’enseignement supérieur et universitaire et en même temps proposer des solutions pour en sortir, en gardant un esprit positif.

L’exercice vise à arrimer notre programme d’enseignement aux standards internationaux, notamment au système LMD (Licence-Master-Doctorat), non pas en procédant au copier-coller, mais en le contextualisant dans une version BMD (Bachelor-Master-Doctorat) afin de permettre aux universités congolaises qui ont disparu de tous les classements universitaires internationaux (ranking des universités) et de répondre à l’exigence de régler la crise de la société congolaise pour la hisser vers son émergence grâce au savoir scientifique

Ne craignez- vous pas que les résolutions des états généraux ne connaissent le sort de ce genre d’assises en RDC, à savoir les tiroirs ?

La crainte que les résolutions qui sortiront des assises des états généraux de l’ESU en cours ne restent lettres mortes ne doit pas gagner les esprits. Car, pour une fois, il y a une mobilisation constatée dans les préparatifs de ces assises. Plus de 26.000 personnes ont répondu à l’enquête en ligne menée pour solliciter les avis et les desiderata des Congolais à travers tout le pays. 22 ateliers préparatoires ont été organisés tant à Kinshasa que dans les principaux sites universitaires à travers le pays.

Enfin, il y a une porte ouverte du côté des autorités politiques. Le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et le Premier Ministre, Jean-Michel Sama Lukonde sont déterminés à relever notre enseignement supérieur. Le Ministre de tutelle Muhindo Nzangi a placé la réforme du secteur de l’ESU comme axe prioritaire de son mandat à la tête de ce ministère.

Qu’est-ce que le secteur «Communication» peut attendre de ces états généraux de l’ESU ?

Les Sciences de l’Information et de la Communication (SIC) font partie de nouvelles filières créées dans de nombreuses universités à travers le monde. Sous la contrainte des évolutions fulgurantes et constantes des TIC, l’enseignement des TIC (technologies de l’information et de la communication) doit s’adapter aux exigences du renouvellement et des innovations permanentes dans le domaine et en réponse au marché de l’emploi. Il s’agit de former des professionnels de la communication dotés de compétences requises pour s’insérer dans le marché du travail du secteur des médias traditionnels, du monde des entreprises et de la société civile ainsi que des nouveaux médias (multimédia, presse en ligne).

Les curricula ou programmes des cours de la filière doivent ainsi être revisités par les spécialistes du secteur, en s’inspirant des recommandations qui seront formulées lors des assises de l’ESU. Mais surtout, il s’agira de poursuivre les discussions entre spécialistes du secteur de la communication et des professionnels du secteur de la communication pour élaborer des nouveaux programmes de cours qui seront ensuite envoyés aux instances hiérarchiques de tutelle pour leur validation. Les discussions sur la réforme des cours doivent se dérouler entre spécialistes de la communication d’abord et seront ensuite transmises à la tutelle (Conseil d’administration, commission permanente des études, Ministère) pour répondre aux exigences légales de diplomation à la fin des études des apprenants de la filière.

Pour permettre à cette filière de la communication de se développer de manière harmonieuse, les spécialistes du secteur vont formuler une résolution lors des assises pour réclamer que les SIC soient érigés en facultés autonomes partout où s’organisent les enseignements de la communication au sein des facultés des lettres.

Lubumbashi, le 10 septembre 2021

Prof Arthur YENGA

Vice-Doyen de la Faculté des Sciences de l’Information (FSI)

IFASIC/Kinshasa

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