Mabi Mulumba: « L’augmentation des réserves de change ne détermine pas une économie en développement »

L’annonce de la hausse « historique » des réserves internationales à hauteur de 3,3 milliards de dollars américains, faite par le Gouvernement au cours de sa réunion du Conseil des ministres du vendredi 17 septembre, continue à défrayer la chronique. La question qui se pose au sein de l’opinion est celle de savoir quelle est l’incidence de cette augmentation sur le vécu des Congolais. Doit-on dès lors, déduire que cet accroissement des devises est un déterminant d’une économie congolaise en développement? Pour toutes ces questions, Forum des As a contacté le Prof Evariste Mabi Mulumba, économiste de renom et Premier ministre honoraire.

Pour ce scientifique de haute facture, l’augmentation des réserves de change ne signifie pas que l’économie se développe.

« Ce qu’il faut savoir, c’est que le fait que les réserves de change augmentent ne détermine pas qu’on est une économie qui se développe. On commet souvent l’erreur de croire que lorsque les réserves de change augmentent, c’est qu’il y a eu un progrès. Mais lorsque nous recourons au fondamental, à l’heure actuelle, on prend toutes nos provinces, il n’y a que 4 qui peuvent vivre d’elles-mêmes. Les autres vivent de la rétrocession« , précise le professeur Mabi Mulumba.

Il reconnaît, cependant,  l’importance des réserves internationales dans la stabilisation du franc congolais, et le paiement du service de la dette publique (capital et intérêt).

Et d’ajouter: « Si les réserves de change ont réellement augmenté, cela signifie que la BCC (Banque centrale du Congo) a maintenant la possibilité de stabiliser la monnaie. Nous sommes dans un système du taux de change flottant ou flexible. Ce qui fait que quand les cours tendent à se déprécier, la BCC vend des devises pour permettre les importations. Donc, les réserves de change servent également à stabiliser la monnaie et, éventuellement, à payer aussi les dettes extérieures à l’échéance. Ce sont des devises que l’on détient à l’excédent, qu’on peut utiliser au moment où les cours baissent ou l’on doit faire face au paiement à l’extérieur. Quand les réserves de change augmentent, cela contribue à la stabilité de la monnaie, à la stabilité du taux de change« , a souligné le professeur Mabi.

BUDGET 2022 IRRÉALISTE

Le professeur Mabi Mulumba s’est par ailleurs appesanti sur la question du projet de budget 2022 déposé le 15 septembre à l’Assemblée nationale. Pour cet ancien Premier ministre, ce budget chiffré à 10 milliards de dollars n’est pas réaliste.

Sans être un prophète de malheur, cet économiste estime que, comme pour les exercices 2020 et 2021, il sera difficile pour le Gouvernement congolais d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés dans cette loi de Finances.

MANQUE D’ÉTUDES DE FAISABILITÉ

« C’est un objectif que l’on s’est fixé. Mais, en voyant comment l’économie fonctionne, il sera difficile que l’on atteigne ce budget. Il faut qu’on donne un élément exceptionnel qui implique qu’on arrive à ce résultat-là. Pour moi, ce budget n’est pas réaliste« ,   déclare le professeur Mabi Mulumba.

Parmi les raisons avancées, il relève, notamment, le manque d’études de faisabilité préalables des projets qui sont déclinés dans ce budget, la faiblesse du budget d’investissement et la dépendance aux ressources extérieures.

« Dans ce budget, il y a un volet qui concerne les ressources extérieures.  Or, pour pouvoir accéder à ces ressources, il faut remplir certaines conditionnalités que nous n’arrivons pas souvent à réaliser en temps opportun« , fait-il remarquer.

MANQUE DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE

A en croire le professeur Mabi Mulumba, pour que le budget fonctionne, il faut qu’il y ait des études de faisabilité pour chaque projet.

« S’il n’y a pas d’études de faisabilité, même si on inscrit le budget, il ne sera pas exécuté. C’est dans l’étude de faisabilité qu’on donne les étapes de réalisation des projets. Il faut donc une étude à la base. Souvent, ce qui arrive c’est que chaque député aimerait que l’on exécute le projet de sa province. Et on réalise qu’à la fin de l’année,  les projets ne sont pas exécutés« .

L’ancien Premier ministre  Mabi Mulumba a saisi cette occasion pour dénoncer le manque de discipline budgétaire et de gestion saine du budget de l’État qui caractérisent l’élite politique congolaise depuis des années.

« On n’a pas une discipline budgétaire. Nous n’avons pas une gestion budgétaire saine. La chaîne de la dépense n’est pas respectée. Ce qui signifie qu’il n’y a pas adéquation entre le budget voté et le budget exécuté.  En 2020, on avait avancé un budget de 11 milliards USD. Mais on n’y est pas parvenu. L’année précédente, le budget n’était que de 4,6 milliards. On ne peut pas passer de 4 à 11 milliards$. C’est ce qui a expliqué qu’au cours de l’année, on a dû recourir à un collectif budgétaire. Pour 2020, on avait voté un budget de 11 milliards USD. Au mois de juin, le ministre des Finances a fait le point sur les recettes collectées et on n’avait collecté que 1.600.000.000 $. Ce qui signifie qu’en  extrapolant, à la fin de l’année, on ne dépasserait pas les 4 milliards $« , parie-t-il du haut de son savoir et de son expérience en matière économique. Orly-Darel NGIAMBUKULU

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