*C’est sous le mandat de Félix Tshisekedi que la Justice commence à envoyer des ministres, des ADG… en prison », se réjouit l’Inspecteur général des finances, Chef de service.
Propulsé à la tête de l’Inspection Générale de Finances (IGF) en 2020, Jules Alingete fait trembler. Lancé aux trousses des mandataires publics aux présumés indélicats, il suscite la terreur du fait que nombre de ses cibles sont vite poursuivies par la Justice et envoyées en prison, dans l’attente d’un procès. D’autres, s’estimant traqués à tort, prennent le chemin de l’exil. Au regard de ce tableau, l’on s’interroge : Jules Alingete est-il instrumentalisé par le Pouvoir qui lui a donné plein pouvoir ? Pourquoi s’acharne-t-il seulement sur le camp des opposants au régime ? Qu’est-ce qui explique le fait que l’IGF, qu’il dirige, ne s’implique pas dans la récupération des fonds supposés détournés ? C’est à cette série de questions qu’il répond à Paul Diakese, Directeur adjoint de la presse présidentielle.
Paul Diakiese : Est-ce pour cette raison que vous avez adopté une tenue vestimentaire particulière?
Jules ALINGETE (JA) : J’ai choisi de m’habiller comme ça en forme d’une révolution contre les anti-valeurs qui gangrènent le monde des finances publiques congolaises.
Quand nous avions pris nos fonctions à la suite de notre désignation, son Excellence Monsieur le Président de la République nous a confiés une mission qui devait passer par l’analyse issue d’abord de la situation de détournement, de malversation et de corruption dans notre société et de définir des méthodes pour les combattre.
Le degré des anti-valeurs que nous avons trouvé nous a pratiquement révoltés. Nous avions atteint de proportions très élevées. On s’est dit : il fallait vraiment adopter une méthode de choc pour les repousser. Voilà pourquoi j’ai mis cette tenue de révolte pour dire que nous sommes dans une situation exceptionnelle. En fait, c’est notre tenue de combat.
Comment êtes-vous devenu inspecteur ?
Je suis inspecteur depuis le 5 janvier 1989. J’ai grandi dans cette maison. Je suis de la première promotion avec Kamitatu, Muzito et bien d’autres. J’ai gravi les échelons jusqu’à devenir inspecteur général en 2010. Et en 2020, son Excellence Monsieur le Président de la République m’a élevé au rang de d’Inspecteur général chef de service.
Pourquoi, aujourd’hui, le changement des méthodes ? Pourquoi aujourd’hui on parle de l’IGF ?C’est parce que ce service a toujours manqué une chose : l’appui au plus haut niveau de l’Etat pour exercer les activités des contrôles. Aujourd’hui, nous avons trouvé une opportunité historique et inespérée d’avoir un Chef de l’Etat qui a mis la bonne gouvernance comme l’un des piliers importants de son mandat.
Comme vous le savez, il n’y a pas bonne gouvernance s’il n’y a pas de contrôle. Alors, il y a vraiment lieu de privilégier les aspects des contrôles.
Le Président Félix Tshisekedi nous appuie tous les jours. Il nous accompagne. L’IGF a décollé avec cet appui de l’autorité suprême.
Avez-vous connu le Président de la république avant son accession à la magistrature suprême ?
Oui. Avant ma désignation, j’ai eu à travailler en termes de consultance au niveau de la Présidence de la république avec le Directeur du cabinet adjoint chargé des questions économiques à l’époque, Monsieur Guylain Nyembo. C’est grâce à tous ces travaux que nous avions eu plusieurs contacts avec le Chef de l’Etat en ce qui concerne la situation économique et financière de notre pays. Je pense que l’autorité a eu à apprécier à sa juste valeur notre contribution et nos analyses sur la situation financière de notre pays. Comme j’étais inspecteur général des finances, il m’a désigné alors à la tête de l’IGF.
Dans quel contexte est survenu votre nomination ?
Nous sommes à peu près 60 inspecteurs généraux parmi lesquels il y a un chef de service, un chef de service adjoint. Le Chef de l’Etat a porté son choix sur ma petite personne. Pour moi, c’est une responsabilité. Une très très grande responsabilité.
Quand j’ai été désigné, le Chef de l’Etat m’a posé une question. Je peux même dire deux questions. En premier lieu: « Qu’est-ce que vous avez fait pour rabaisser l’IGF au point où elle est devenue quasiment inexistant ? Quand j’étais jeune, je voyais ce service bien incarné par l’inspecteur général Kazumba qui côtoyait mon père. C’était un homme respectable! Et sous sa poigne , vers les années 1991-1992, l’IGF, à l’époque, était un service de renom qui revêtait encore tout son prestige. Qu’est-ce que vous avez fait pour rabaisser l’IGF au point où elle est devenue quasiment inexistant. J’ai été interpellé. Et il m’a posé une deuxième question : » Vous voulez être Inspecteur général-chef de service, avez accepté cette mission, et si on vous mettez le revolver à la tête, devant des conclusions, quelle serait votre attitude ? »
Deux questions que je n’ai jamais oubliées. Elles m’ont donné du tonus.
Et vous lui avez répondu…
Je lui ai dit : Monsieur le Président, nous allons vous faire honneur. L’IGF que vous voulez, l’IGF que vous avez vue il y a de cela 30 ans, nous allons vous la remettre.
C’est comme s’il vous avait mis un revolver sur la tête…
Exact. Et nous lui avons redit: « Monsieur le Chef de l’Etat, avec votre appui, nous savons que nous allons faire mieux. Nous ne reculerons pas devant ses anti-valeurs. Nous sommes comme un soldat au front. Nous acceptons de donner le meilleur de nous-mêmes jusqu’au sacrifice suprême pour faire ce travail. Nous le faisons pour le Congo, pour vous, et pour nos enfants… ».
Est-ce que vous recevez des ordres directement du Chef de l’Etat pour enquêter sur telle ou telle autre personne?
Nous sommes un service relevant de l’autorité directe du Chef de l’Etat. Chaque année au début, nous faisons un programme d’action. En fonction de tout ce que nous avons comme dénonciations et nous recueillons de notre propre observation par rapport à la vie économique et financière du pays, nous proposons des zones de contrôle.
C’est ce programme que nous remettons au Directeur de cabinet du Chef de l’Etat qui, à son niveau, l’analyse dans un premier temps, car il peut ajouter un certain nombre d’éléments.
Lorsque le programme remonté auprès du Président de la République est approuvé, ses services nous le retournent, et pour nous, c’est le go pour l’exécution.
En dehors de cela, lorsqu’en cours d’exécution nous avons par exemple la justice ou une autorité politique administrative qui constate qu’il y a un problème sérieux et demande à l’IGF de l’accompagner, nous en informons à notre tour la hiérarchie directe pour qu’elle soit au courant parfaitement de tout ce que nous menons comme action.
Aussitôt les autorisations obtenues, nous faisons notre travail.
Lorsqu’en plus, la population soulève un certain nombre de problèmes importants, nous réunissons les éléments avec lesquels nous saisissons la Hiérarchie. Nous sollicitons son accord avant d’intervenir. C’est le cas de la RTNC. Il y a eu grève. Nous avons trouvé qu’il était urgent de rétablir la paix sociale pour départager les uns et les autres. Et nous avons informé la Hiérarchie.
Vous avez entrepris des contrôles dans les provinces. Pourquoi pas Kinshasa ?
Nous avons un programme. Nous avons eu à contrôler une dizaine de provinces quand bien même, actualité oblige, on parle plus du Kongo Central avec le gouverneur Atou Matubuana.
La première province contrôlée est l’Equateur. Aujourd’hui, je vois des gens en train de crier sur cette province, oubliant que tout ce qu’on est en train de dire se trouve déjà dans un rapport de l’Inspection transmis au procureur général près la Cour de cassation.
Il s’en est suivi la ville de Kinshasa. L’année passée, vers juillet-août, nous avions contrôlé l’autorité urbaine. Malheureusement, nous ne pouvions aller au-delà puisque le gouverneur en place venait à peine de prendre ses fonctions. Nous avons contrôlé sa gestion débutante, mais le gros de contrôle était porté sur ses prédécesseurs. Nous avons relevé au cours de ce contrôle un certain nombre d’anomalies et demandé à l’autorité de les corriger.
Outre le Kongo Central, nous avons aussi contrôlé les provinces du Lualaba, du Haut-Katanga, du Tanganyika, du Haut-Lomami, du Maniema, du Maï-ndombe, du Kwango et de la Tshopo.
Partout, nous avons des rapports avec des faits extrêmement importants. Nous sommes en train d’atterrir en visant d’autres provinces. Je crois que dans les 10, 15 jours, nous allons tout terminer.
Sincèrement, je le dis : nous avons l’opportunité aujourd’hui d’avoir un Chef de l’Etat qui nous laisse les mains libres. Quand nous terminons le contrôle, nous lui faisons rapport. Pour tous les rapports que nous faisons, il nous dit : » Appliquer les dispositions légales. S’il y a des faits infractionnels, portez-les à la connaissance de la justice. S’il y a des faits de mégestion, faites au moins que je sois informé. Vous avez mon appui ».
Il ne nous empêche pas de faire un travail. Il ne nous dit jamais : coincez tel, ne faites pas ceci à tel, non. Vraiment, c’est un acquis. Et moi, je dois m’estimer heureux d’être un inspecteur général-chef de service qui bénéficie de cet appui et de cette liberté de la part de ma hiérarchie, mais dans le respect des lois et règlements de la République.
La justice a été décriée par le Chef de l’État pour sa lenteur, avez-vous aussi la même opinion ?
Il faut dire que nous avons eu au départ un sérieux problème. Nous nous demandions ce que nous devions faire avec tout ce que nous récoltions de nos missions au regard du résultat catastrophique. A un certain moment, tout le monde a commencé à décrier la lenteur observée au niveau de la Justice. Les choses commencent petit à petit à bouger. La preuve ? Les procès ouverts ou en voie de l’être : Secope, Bceco, Occ.
C’est vraiment pour nous un grand acquis, un grand résultat.
Bientôt, on aura le procès Bukanga-Lonzo. Les gens sont arrêtés à la suite de nos rapports, d’autres prennent fuite.
Nous sentons vraiment que la justice se libère de sa torpeur pour accompagner la République dans la lutte contre l’impunité.
L’opinion doit comprendre que ce n’est toujours pas facile, mais on essaie de travailler avec la justice, de pousser pour que les choses aillent de l’avant.
Aujourd’hui, je pense que nous avons fait des avancées.
On vous accuse d’épargner les responsables proches du Pouvoir, comme qui dirait deux poids deux mesures?
Non, c’est faux. Simplement parce que lorsque nous avons commencé ce travail en 2020, tous étaient des gestionnaires publics.
Souvenez-vous en : quand il est arrivé aux affaires, le Chef de l’Etat a travaillé avec les gestionnaires nommés par son prédécesseur ! Il leur a dit : je viens, voici ma vision : « la bonne gouvernance, je veux ça, je ne veux pas ça… ». Et il a travaillé avec eux.
C’est pour ça qu’à notre avènement, notre travail était de vérifier si cette vision était respectée, si ce message avait été compris et intériorisé. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Ces gestionnaires ont continué à se comporter comme par le passé. Voilà pourquoi, ils ont été pris dans le filet. Voilà pourquoi ils ont des problèmes.
Maintenant, nous sommes en train de contrôler ceux qui sont arrivés. Un nouveau gouvernement qui est totalement issu de la vision du Chef de l’Etat. Il y a certains mandataires qui sont déjà là, qui sont dans la vision du Chef de l’Etat, en étant membres de l’Union sacrée de la nation. Nous sommes en train de les contrôler, et vous suivez de temps en temps qu’il y a des couacs.
On arrête et on condamne, à quand la récupération de l’argent volé?
C’est une question intéressante. Je peux vous dire qu’avant l’avènement du Chef de l’Etat, l’IGF se limitait à traquer les petits gestionnaires, entendez les comptables publics, les directeurs financiers etc.
C’est seulement sous le mandat de son Excellence Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo que les grands gestionnaires sont à leur tour traqués. Par grands gestionnaires, il faut entendre les mandataires publics, les directeurs généraux, les membres du gouvernement, les gouverneurs de provinces. J’ajoute que c’est sous son mandat que pour la première fois la Justice arrive à envoyer en prison des ministres, des administrateurs-directeurs généraux, etc.
Et là, nous resterons extrêmement reconnaissants, nous comme IGF.
Quant à la récupération de l’argent volé, elle relève de la compétence exclusive de la Justice. Pas d’amalgame à entretenir à ce sujet.
D’autres préfèrent quitter le pays…?
Prendre la fuite n’est pas une solution. Quand il y a un dossier judiciaire ouvert, la fuite devient un élément aggravant.
Les dossiers judiciaires, quand ils sont ouverts, vous attendent. On prend la fuite pour combien de temps ? On va rester à l’extérieur pendant cinq ans ? Dix ans ? Le Congo va le manquer. Ceux qui prennent la poudre d’escampette seront contraints de revenir et vont devoir répondre des faits portés à leur charge. En attendant, ils seront condamnés par accoutumance. Je pense que la fuite devant la justice, c’est vraiment de l’irresponsabilité. Il faut plutôt être là pour répondre et convaincre les juges.
Est-ce vous même qui enquêtez sur votre gestion?
Moi je suis contrôleur, je ne suis pas gestionnaire. Je ne gère pas les recettes de l’Etat. Mais nous avons les frais de fonctionnement, nous avons juste le salaire pour tous les inspecteurs. Nous pouvons être contrôlés parce que nous avons des gens au niveau du ministère des Finances. Nos fonds passent par un comptable public. Et ce comptable-là est contrôlable par le ministère des Finances avec la direction de la comptabilité publique qui contrôle son livre de caisse pour voir comment nous utilisons ces fonds. De même que la Cour des comptes peut aussi contrôler ses comptables publics pour s’assurer de la gestion des frais de fonctionnement mis à la disposition de l’IGF.
Vous êtes devenu une star. Avez-vous des ambitions politiques ?
Je ne suis pas une star, mais c’est mon travail qui a séduit les Congolais et qui fait parler de moi. J’ai cru à la volonté du Président Félix Tshisekedi de changer la RDC. Je suis parmi ses admirateurs sincères. Il m’a fait une confiance que je ne trahirais jamais. Je tiens à relever les défis à ses côtés.
Je suis inspecteur général-chef de service de l’IGF avec rang de ministre. J’ai donc droit à tous les avantages reconnus aux membres du Gouvernement, y compris un cabinet de 65 membres.
Ma grande satisfaction est celle d’avoir exercé ma carrière de haut fonctionnaire de l’Etat à l’Inspection Générale des Finances jusqu’à atteindre le sommet.
Je n’ai pas d’ambitions politiques au-delà de ce que je fais actuellement. Mon seul souci est de participer activement à l’édification d’un Congo nouveau aux côtés d’un grand Chef d’Etat, le Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, que l’IGF retiendra comme le champion de la lutte contre l’impunité et ainsi apporter ma pierre de contribution à l’édifice national.
Par mes fonctions, je suis d’office conseiller du Président de la République en matière de bonne gouvernance.
Intervieweur : Paul Diakiese
Transcription : Pitshou Makwela
Toilettage : Omer Nsongo die Lema