Dans cette Afrique où les indépendances sont davantage nominales que réelles, il est quasi impossible de concevoir un coup de force sans y voir la main-noire ou plus exactement blanche ?- de l’ancienne puissance coloniale . Ou de l’une de ses nombreuses technostructures ou excroissances. Il en est ainsi du putsch intervenu en Guinée où nombre d’analystes africains subodorent l’un des avatars du néocolonialisme face au souverainisme affiché voire assumé d’Alpha Condé.
Il est vrai que le pedigree » progressiste » du Président renversé le prédestinait à devenir bien autre chose que ces chefs d’Etat au » dociles » vis-à-vis de l’Occident. Dans cette Afrique de l’Ouest, on ne saurait compter le nombre de Présidents « empêcheurs de néo-coloniser en rond » qui ont été emportés par cet ennemi sans visage que l’on appelait » impérialisme » dans les années guerre froide.
L’ingérable Alpha Condé a-t-il payé le prix de son « insoumission » ? Dans la version guinéenne de » Tu quoque mi fili « , le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya a-t-il été en service commandé ?
Trêve de supputation. Ça finira par se savoir. Comme pour Lumumba, Marien Ngouabi, Thomas Sankara…ces patriotes africains liquidés officiellement et apparemment par des sous-traitants locaux. Un modus operandi prisé par les tireurs de ficelles pour qui l’Afrique doit demeurer ce » continent bébé » que l’on maternerait ad vitam aeternam pour la figer dans son rôle de » vaste comptoir » où les puissances continueraient à se procurer à vil prix les matières premières. Et la Guinée-Conakry est connue pour être un scandale géologique en ce que ce pays d’Afrique de l’Ouest aux populations très pauvres est gâté en ressources naturelles.
Est-ce pour autant que l’enfer est toujours les autres? En l’occurrence, les ex-puissances coloniales ? La paille qui est bien réelle dans l’œil du néo-impérialisme devrait -il empêcher les Africains d’extirper la poutre qui se trouve dans les yeux de nombre de dirigeants du Continent ?
Est-ce que la gouvernance Condé était orthodoxe ? Ne pouvait-il pas améliorer l’ordinaire de ses compatriotes ? Est-ce que le troisième mandat obtenu au forceps cadrait avec les idéaux démocratiques que le même Alpha Condé opposait aux régimes monistes Sékou Touré, Lansana Konté … ? Ne pouvait -il pas au nom des valeurs qui fondaient son long combat d’opposant se retirer ? Quitte à passer le flambeau à un de ses lieutenants ?
Bref, comment expliquer le contraste entre la théorie remplie de générosité développée par des opposants « patriotes » africains et la pratique autocratique du pouvoir ?
L’une des leçons à tirer, c’est que la légitimité n’est pas figée dans le temps. Elle nécessite une mise à jour continue en fonction de l’évolution des enjeux. On peut avoir réussi son combat pour l’indépendance, pour l’avènement de la démocratie et tomber , une fois aux affaires, dans les travers contre lesquelles on s’était élevé ! Grandeur et décadence !
Pour ne prendre que le cas guinéen en remontant à la source, Sékou Touré est entré dans l’histoire des héros africains avec son » non » au Général De Gaulle. Le même Sékou Touré a dilapidé une bonne partie de son capital -sympathie au point de créer certaines de conditions du coup d’Etat de 1984 !
Un clin d’œil à l’histoire zaïro-congolaise en ce 7 septembre, lorsque lâché par ses alliés occidentaux, le Président Mobutu quitte le pouvoir l’aura du « pacificateur et d’unificateur » s’était déjà effilochée. C’est le » dictateur-prédateur » que les Zaïrois de l’époque retenaient le plus. Sic transit gloria mundi ! Ainsi passe la gloire du monde
José NAWEJ