*Ces marchands s’estiment victimes de l’échec des négociations entre le Gouvernement et les importateurs des vivres frais.
Ça sent le roussi dans les chambres froides de Kinshasa. Appelés à baisser les prix des surgelés, les propriétaires des chambres ont préféré carrément arrêter les moteurs. Juste pour quelques heures. Le temps d’interpeler les décideurs qui diligentent des percepteurs pour récolter des taxes et des inspecteurs pour imposer une tarification à la baisse. Pas donc facile pour les consommateurs de s’approvisionner régulièrement en denrées alimentaires et à moindres frais, tant que la tension persiste.
Posté devant le portail de sa chambre froide, Yannick B. fait le vigile pour filtrer l’accès de ses éventuels clients. Fournisseur des vivres frais, il a été alerté par les mesures gouvernementales qui imposent la révision à la baisse des produits surgelés. Comme nombre de tenanciers de chambres froides, il s’est vite rebiffé à l’idée qu’il vendrait à perte ses stocks de chinchards, poulets, bovins… tant que les grossistes maintiendraient leurs prix à la hausse.
Il s’est, dès lors, résolu à fermer la porte aux inspecteurs et autres contrôleurs, à défaut de vendre sa marchandise sans baisser le moindre prix, ou carrément de créer la rareté pour entrainer la surenchère. Cette tendance a fait boule de neige dans la capitale, au point de paralyser les activités dans les chambres froides.
Le vendredi 3 septembre, plusieurs d’entre elles ont fermé leurs portes en guise de protestation face aux »tracasseries » qu’ils subissent de la part des services communaux et provinciaux, mobilisés pour les contraindre à baisser les prix. Ainsi, aucune chambre froide n’a fonctionné aux marchés Gambela et Matete. Seules, quelques-unes ont ouvert aux alentours du marché central.
Plaintes des exploitants de chambres froides
Abordés, les exploitants des chambres froides réalisent, à cet effet, qu’ils sont victimes de l’échec des négociations entre le Gouvernement et les importateurs visant la baisse des prix de produits surgelés. Ils se plaignent d’être quotidiennement l’objet de contrôle de la part des inspecteurs économiques qui leur reprochent »leur rébellion » face aux tarifs émanant du ministère de l’Economie. Ils s’estiment, par ailleurs, bousculés par des consommateurs qui tiennent à tout prix à la baisse des prix des vivres frais, les contraignant à adapter le coût à la bourse du gagne-petit.
Les propriétaires des chambres froides ne savent plus comment poursuivre leurs activités. D’où, la rareté, ces derniers jours, de certains produits surgelés. Les commerçants ont la peur au ventre face aux amendes exigées par des inspecteurs économiques. Certains ont carrément fermé en attendant qu’ils soient définitivement fixés sur cette affaire. Pour eux, les autorités se trompent de cible. Puisque si les importateurs chez qui ils s’approvisionnent baissent les prix, eux suivront automatiquement.
Le sit-in organisé le week-end dernier devant l’immeuble du Gouvernement par les responsables des chambres froides était une façon pour eux d’exprimer leur ras-le-bol. Ces commerçants ne comprennent pas comment ils peuvent rabaisser les prix des produits surgelés, alors qu’aucun mouvement n’est effectué auprès des grossistes qui sont les importateurs. « Nous ne sommes pas à l’origine de la brouille. Nous vendons nos articles au regard des prix auxquels nous nous sommes approvisionnés auprès des grossistes. Que nos gouvernants s’accordent avec eux et la situation reviendra à la normale », nous a soufflé l’un d’eux.
En quête des prix justes
Le Gouvernement, à travers le ministre de l’Economie, n’est pas arrivé à un compromis avec les importateurs pour la réduction de prix des vivres frais. Les principales sociétés importatrices des surgelés continuent à camper sur leurs positions, alors qu’un accord a été trouvé lors de la dernière séance avec le ministre de l’Economie et celui du Commerce extérieur. Les sociétés GFCO, SOCIMEX, AFF, ÉGAL et SOKIN se sont pourtant engagées à appliquer la nouvelle tarification en attendant une décision définitive du Gouvernement sur « les prix justes ».
Au cours d’une réunion tenue le jeudi 12 août avec le ministre de l’Économie, les importateurs et l’Exécutif national ont fini par trouver un consensus. Selon la cellule de communication du ministre Jean-Marie Kalumba, les cuisses de poulet (10 kg) devraient revenir à 15,9 USD, le poulet entier (10 kg) à 15,5 USD, les côtes de porc (10 kg) à 16,8 USD, les chinchards à 1,44 USD/kg…
L’implication de l’Etat
De l’avis des observateurs avertis, la mesure gouvernementale visant à rabattre les prix des denrées alimentaires s’avère politiquement viable, rentable, mais économiquement désastreuse, d’autant qu’elle ruine les opérateurs économiques, les privant de leurs marges bénéficiaires. Mieux de leurs moyens d’approvisionnement, si l’Etat ne s’implique pas à travers un accompagnement conséquent.
Le marché reposant sur la sacro-sainte loi de l’offre et de la demande, il est plus qu’impérieux que le Gouvernement fasse preuve d’un appui permanent. Soit en créant des conditions susceptibles de booster la production ou d’apporter une subvention sans discontinue, pour qu’il n’y ait plus rupture des stocks. Rachidi MABANDU & Yves KALIKAT