Les experts électoraux indépendants et de la Société civile de la République Démocratique du Congo se sont réunis, hier mardi 10 août, à Kinshasa, en matinée de réflexion organisée par la Plate-forme Agir pour des Elections Transparentes et Apaisées (AETA) sur les enjeux de la réforme du système électoral en cours et leur impact sur l’échéance électorale de 2023.
Trois interventions portant sur les défis juridiques, politiques et technico-opérationnels de la réforme du système électoral ont été au centre des réflexions. Il s’agit de : « La réforme électorale en RDC : Entre énième report des élections et travestissement de la vérité des urnes ; Réformes électorales technico-opérationnelles et administratives de la CENI et leur impact sur le processus électoral 2023 en RDC ; L’environnement politique de l’heure et impact sur les élections démocratiques de 2023 en RDC. «
A la suite du panel de réflexion, des constats et informations essentiels ont été épinglés, notamment sur l’existence d’un environnement préélectoral délétère, caractérisé par des tensions, divisions, contestations et des violences de divers types ; la montée des attitudes et pratiques discriminatoires et ethno-identitaires ainsi que des communications incendiaires des acteurs politiques et sociaux qui ne favorisent guère la mise en œuvre d’un processus électoral apaisée. Les intervenants ont aussi noté une situation sociale et humanitaire très fragile avec risque d’implosion.
Pour le secrétaire général de l’AETA, M. Jérôme Bonso, « la RDC vit une conception paroissiale du pouvoir selon laquelle : » Tout est bon quand c’est nous qui sommes au pouvoir, et que tout est mauvais quand ce sont les autres au pouvoir » ; comme qui dirait : « l’enfer c’est l’autre« . Il fait remarquer que les interactions des acteurs sociaux et politiques, toutes obédiences confondues, obéissent à la logique de l’enjeu de contrôle de l’espace du pouvoir caractérisé par des positionnements parfois incongrus.
Mise en place imminente d’une nouvelle Ceni
A en croire Jérôme Bonso, le processus électoral de 2023 en berne depuis 2019, accuse un grave retard au regard du délai imposé par la constitution. Il estime que la mise en place imminente de la nouvelle Commission électorale nationale indépendante (Ceni) est l’étape déterminante pour la relance du processus en vue. Et de poursuivre: « l’existence d’un contexte horriblement dominé par du désordre, des contestations et de divers blocages sont utilisés comme principales sources de blocage du processus électoral ».
Selon Jérôme Bonso, l’enjeu CENI repose sur l’objectif d’en faire une machine de production de victoire électorale pour le contrôle du pouvoir et d’accumulation des richesses économiques et financières. Au-delà de la réforme institutionnelle de la CENI, bien d’autres réformes, notamment celle de l’appareil judiciaire, de la Constitution, de la loi électorale ainsi que de l’organisation technico-opérationnelle et l’administration électorale, devraient faire objet de préoccupation des parties prenantes. « Le mode électoral congolais, par exemple, devait se démarquer de son ancien statut de pays post-conflit et s’adapter à celui d’une démocratie en construction« , souhaite le numéri 1 de l’AETA.
A l’issue des échanges interactifs, les experts électoraux indépendants et de la société civile, engagés au plaidoyer pour la tenue des élections de 2023, voulues transparentes et apaisées dans le délai constitutionnel, ont recommandé au chef de l’Etat de veiller au respect des prescrits de la Constitution de la République quant à l’échéance électorale de 2023. Mais aussi de s’engager personnellement dans l’accomplissement de l’ultime devoir de reconstruire la cohésion et l’unité nationales.
L’arbitrage du parlement attendu
« Le parlement devrait aussi jouer un rôle important en s’employant en toute priorité et urgence, au déblocage de l’impasse observée dans la désignation des animateurs de la nouvelle CENI. Ce, en vue de remettre en marche le train des élections avec objectif d’accoster d’ici à janvier 2024″, ont-ils soutenu.
Au regard de l’impasse actuelle dans la désignation des membres de la Ceni, principalement son Président, les participants à la matinée de réflexion de l’AETA, estiment que l’Assemblée nationale doit prendre ses prérogatives régaliennes en examinant la question à fond et en toute objectivité sur le plan légal et réglementaire, en vue d’une solution efficace, efficiente et durable. Il s’agirait, notamment de faire une analyse croisée des différents textes ayant servi d’outils de la désignation et de mettre en place de façon imminente la Ceni, afin que celle-ci procède à la réforme technico-opérationnelle et administrative de la centrale électorale ainsi qu’à la publication du calendrier électoral 2023.
Aux Acteurs clé du processus électoral de 2023, les participants à cette matinée de réflexion recommande de faire preuve de bonne foi en passant de la crise électorale à la prise de conscience de ladite crise; De s’engager collectivement à la reconstruction de la confiance au processus électoral et de la consolidation de la démocratie congolaise et enfin d’évaluer leurs attitudes, comportements et pratiques en faveur du respect du délai constitutionnel des élections.
Au niveau de la plate-forme AETA, cette structure s’engage à faire un plaidoyer auprès des acteurs clé du processus électoral visant à respecter l’obligation de l’organisation des élections légales et légitimes. D’enclencher une campagne d’éveil et de mobilisation de la population pour la tenue des élections de qualité dans le délai constitutionnel et de mettre en place un groupe stratégique d’experts appelé à réfléchir en profondeur sur les défis majeurs politiques, sociaux, légaux, technico-opérationnels et administratifs des élections de 2023 aux fins de proposer des pistes idoines de sortie de la crise électorale.
Rocco NKANGA